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Sporting Charleroi : les secrets du marché

Guillaume Gautier
Guillaume Gautier Journaliste

Des play-offs 1 conclus en souffrance ont convaincu les têtes pensantes du projet zébré que du sang neuf était nécessaire au Mambour. Détour dans les coulisses d’un été agité.

Sur son visage fatigué, le Zèbre arbore un rictus des mauvais jours. Dans le Pays Noir, les play-offs ont semblé se tirer en longueur, une rallonge qui fait penser à ces moments où une série américaine à succès produit la saison de trop. Finalement privés d’Europe, les Carolos, dirigeants en tête, ont eu tout le loisir de constater les faiblesses de leur noyau pendant les premiers mois de l’année 2018, conclus avec trois petites victoires en vingt matches disputés. Le seul avantage d’une maladie diagnostiquée en cours de saison, c’est que la préparation des médicaments pour l’exercice suivant peut prendre de l’avance.

Accaparé par ses obligations nationales, qui l’ont amené à multiplier les allées et venues dans le ciel d’Europe entre Charleroi et Moscou, Mehdi Bayat a donc pris les devants sur le grand marché d’été. Avant même que les Diables ne s’envolent pour la Russie, l’administrateur-délégué du Sporting avait déjà pris la pose à deux reprises devant le désormais célèbre cadre zébré qui trône dans son bureau, sur un mur épargné par les piles de dossier qui présagent un déménagement futur vers de nouveaux locaux.

Après Ali Gholizadeh, photographié plusieurs semaines plus tôt mais  » tweeté  » au bout du mois de mai, c’est Omid Noorafkan qui a entremêlé ses doigts avec ceux de l’homme fort du Mambour, quelques instants après avoir paraphé un contrat de deux ans, avec une option pour deux saisons supplémentaires.

Négociés à des prix abordables avec leurs clubs, les deux Iraniens représentent la possibilité d’une alléchante plus-value pour le Sporting, converti au footballeur persan par l’immersion réussie de Kaveh Rezaei dans le jeu belge. Tant pis si la période d’adaptation s’allonge, à cause d’une barrière linguistique souvent imposante. Charge à Felice Mazzù de la rendre la moins handicapante possible.

À la reprise des entraînements, le staff zébré n’a pas la mine des grands jours. Alors qu’une rotation importante dans le vestiaire avait été évoquée comme indispensable, Noorafkan est la seule nouvelle tête à enchaîner les tours de terrain à Marcinelle, au son de la voix de Philippe Simonin.

QUESTIONS D’ARGENT

Certains n’hésitent pas à confier leurs doutes sur la qualité d’un noyau censé lutter une nouvelle fois avec les meilleures écuries du pays, tandis que d’autres craignent que le manque de joueurs belges n’oblige à un casse-tête basé sur des critères extra-sportifs à l’approche de chaque rencontre.

Certains noms à consonance noire-jaune-rouge ont pourtant été glissés à l’oreille de la direction par plusieurs membres du staff technique, et ce depuis de nombreuses semaines. En play-offs 1, déjà, alors que Gjoko Zajkov affichait ses limites sur le terrain et que Javier Martos masquait de plus en plus difficilement le poids des années sur son rendement, le nom de Noé Dussenne arrivait aux oreilles de Felice Mazzù.

Baladé entre le banc de touche et les tribunes à la Ghelamco Arena, le défenseur semble être une option de choix pour renforcer la ligne arrière des Zèbres, et dialogue même à l’abri des regards avec Mazzù. Les bonnes relations entre les directions gantoise et carolo ne servent malheureusement à rien pour faciliter le deal, puisque l’ancien Montois appartient au club de Crotone, où il bénéficie d’un salaire important (en tout cas, au-delà des normes zébrées) malgré une relégation en Serie B.

L’argent est le fil rouge du mercato belge du Sporting. D’autres noms sont rendus à la direction par Mazzù. Désireux de renforcer ses flancs, en perdition lors de la fin de saison dernière sans réelle solution de remplacement, le coach évoque les profils de Massimo Bruno ou de Steve De Ridder. Le premier est intéressé, mais hors du budget que pourrait libérer Charleroi. Quant au second, c’est Mehdi Bayat qui s’oppose à sa venue, provoquant une divergence d’opinions au sein de la direction sportive.

Mazzù voit un joueur rompu aux joutes belges, disposant d’un profil qu’il affectionne au point d’en parler, involontairement, avec le père du Lokerenois lors d’un tournoi de jeunes auquel les deux hommes assistent. Bayat, lui, bute sur une carte d’identité qui affiche 32 ans et un potentiel inexistant à la revente. Un deal qui serait contraire à sa ligne de conduite, menée depuis plusieurs saisons autour du même concept : acheter à bas prix (voire gratuitement), puis faire décoller la valeur marchande grâce à des prestations exacerbées par les vertus du collectif carolo.

MATA À BAS PRIX

En manque de liquidités, Charleroi mise sur la rentrée financière importante que doit constituer la vente de Clinton Mata. Finalement, le latéral angolais enfile le maillot des Gazelles brugeoises, mais ses problèmes de pubalgie obligent un passage par la case  » opération « , et font chuter les chiffres prometteurs du deal. Pour le deuxième été consécutif, la valeur marchande escamotée de Mata bouleverse les plans du mercato de Mehdi Bayat.

Certaines pistes ambitieuses doivent donc être rangées au placard, à moins de la vente d’un cadre à un prix avantageux. Charleroi place donc la barre très haut. Quand Bruges vient aux nouvelles pour Cristian Benavente, la tête du Péruvien est mise à prix à hauteur de huit millions d’euros. Les champions en titre se rabattent sur Siebe Schrijvers, et le Sporting doit mener ses ambitions estivales avec un portefeuille réduit.

Plusieurs noms passent donc à la trappe. Intéressé, comme chaque été, Dylan De Belder coûte trop cher et ne constitue pas une garantie de buts au sein de l’élite. Mbaye Leye, lui, fait partie de la short-list de Mazzù. En fin de saison dernière, il s’installe même aux côtés de la direction carolo dans les tribunes de la Ghelamco Arena lors des play-offs 1.

Les contacts sont réels, mais certaines personnes à l’intérieur du club doutent de sa capacité à s’adapter au jeu des Zèbres. Le dossier reste en stand-by, avant de sortir de la pile des priorités carolos au bout d’une intervention de Mogi Bayat.

Pour l’agent le plus hyperactif du marché national, deux deals valent toujours mieux qu’un. Alors, quand il apprend que l’un de ses protégés, Jérémy Perbet, a été contacté par un club d’Eupen qui cherche à renforcer son secteur offensif, il voit immédiatement double. Sans avertir le principal intéressé, Mogi conclut un accord entre Zèbres et Pandas pour le prêt de David Pollet.

Le salaire – important – du joueur sera payé par les Germanophones, qui offrent aussi une petite indemnité de location aux Carolos. Mis au courant du deal alors qu’il est déjà conclu, Pollet est vexé, et continue d’envisager les pistes ouvertes en Ligue 2 française, mais se laisse finalement séduire par le discours de Claude Makelele.

TROISIÈME RETOUR POUR PERBET

Charleroi laisse filer un salaire conséquent, tout en prolongeant son contrat en cas de saison réussie dans les Cantons de l’Est, qui permettrait au joueur d’augmenter une dernière fois sa valeur marchande en vue d’une éventuelle revente l’été prochain.

La place et l’argent libérés par Pollet permettent à Mogi et au Sporting carolo de conclure le transfert de Perbet, qui revient pour la troisième fois à Charleroi. Plus question de prêt cette fois, mais bien d’un transfert définitif pour l’ancien Taureau d’or, qui reçoit un contrat pour trois saisons.

La durée est anormalement longue pour un buteur déjà âgé de 33 ans, mais elle permet au club d’étaler sur 36 mois un salaire global qui reste important aux normes locales. La question des profils offensifs évolue, mais celle du nombre de Belges dans le noyau reste problématique.

De nouvelles pistes sont activées dans les bureaux du boulevard Zoé Drion. Les noms de Bob Straetman (Lokeren) ou de Juur Schryvers (Waasland-Beveren) circulent, mais les montants évoqués rappellent que le Belge est un produit de luxe. En quête d’un arrière droit, le Sporting laisse traîner l’oreille quand il apprend que Damien Dussaut va être libéré par Saint-Trond, où il est devenu excédentaire.

Contacté par le staff carolo, et visiblement intéressé par l’aventure, l’ancien arrière latéral du Standard est rapidement appelé par Mehdi Bayat, en direct de Russie. Les premiers échanges sont prometteurs, et Charleroi semble sur le point de conclure le dossier épineux de la doublure de Stergos Marinos. Mazzù affiche quelques doutes sur la capacité du joueur à jouer profil bas en cas de temps de jeu réduit, mais les renseignements qu’il prend sur le sujet le rassurent.

DUSSAUT TOMBE À L’EAU

Le deal tombe à l’eau alors que l’encre est prête à s’écouler sur les contrats. En dernière minute, l’agent français de Dussaut fait preuve de gourmandise, et exige que certains chiffres soient revus à la hausse. Des volontés qui se heurtent à l’agacement d’un Mehdi Bayat fatigué par son été passé dans les avions, et qui provoquent une escalade de tension qui met un terme aux négociations.

Les portes pour un arrière droit sont toujours ouvertes, mais les bonnes prestations du jeune Maxime Busi (venu de Saint-Trond pour renforcer les espoirs, sous les conseils du coach des U21 Samba Diawara) reportent plutôt l’urgence à gauche, où le départ attendu de Francis N’Ganga laisse Nurio orphelin d’une véritable doublure.

Alors qu’il était raisonnable d’imaginer le plus gros turnover de l’ère Mazzù au début de l’été, le mercato des Zèbres se limite donc pour l’instant à trois nouvelles têtes. Il devient difficile d’imaginer une période de transferts conclue avec plus de cinq nouveaux joueurs arrivés à Charleroi.

En plus d’un arrière latéral gauche, le nom de Mike Trésor Ndayishimiye (espoir d’Anderlecht) circule depuis plusieurs semaines dans les coulisses du Mambour. Le deal semblait sur le point de se conclure en même temps que celui de Perbet, mais le dossier paraît avoir été mis sur pause.

Peut-être parce que Romain Grange, rapidement estampillé  » échec  » après ses premiers mois ratés dans la foulée de son arrivée hivernale, est l’une des sensations de la préparation du Sporting. Avec ou sans Trésor, la concurrence semble être de retour sur les flancs zébrés, secteur dont la bonne santé sert souvent de baromètre aux performances des hommes de Felice Mazzù.

Sporting Charleroi : les secrets du marché
© Guillaume Gautier

L’IDÉE GUILLAUME GILLET

Cela semblait trop gros pour être vrai. Et pourtant, une arrivée potentielle de Guillaume Gillet, ancien Diable rouge, a bel et bien été évoquée au Mambour cet été. Sur une voie de garage à l’Olympiacos, à l’image de la plupart des Belges débarqués à Athènes, l’ancien Anderlechtois a éveillé une idée folle dans les têtes zébrées.

Mehdi Bayat semblait même prêt à offrir au Liégeois le plus gros salaire de l’histoire du club, afin d’injecter une importante dose d’expérience et de qualité au coeur du jeu carolo. Très convoité, Gillet se donne le temps de réfléchir à son avenir, mais ne ferme pas la porte au Pays Noir.

C’est plutôt du côté de la direction que la piste finit par se refroidir. D’abord, parce que ce transfert dépendait d’un éventuel départ de Cristophe Diandy, mis discrètement sur le marché sans attirer de convoitises suffisantes.

Ensuite, parce qu’une arrivée de cette ampleur confisquait automatiquement une place au coeur du milieu de terrain, là où la direction espère voir éclore Omid Noorafkan, grand espoir du football iranien en lequel Mehdi Bayat croit énormément à l’heure d’apporter une plus-value sportive, puis – surtout – financière à ses couleurs.

Felice Mazzù pourra encore compter sur Nurio Fortuna et Cristian Benavente cette saison. En principe...
Felice Mazzù pourra encore compter sur Nurio Fortuna et Cristian Benavente cette saison. En principe…© guillaume gautier

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