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Ritchie De Laet, prêt pour le derby anversois: « Il ne faut pas venir pleurer sur mon épaule »

Quinze ans après ses débuts pros à l’Antwerp, Ritchie De Laet est toujours fier de porter le maillot du Great Old. À la veille du derby contre le Beerschot, il fait le point.

Quinze ans de football professionnel. Voilà l’expérience dont peut se targuer Ritchie De Laet, qui a fêté dimanche ses 33 ans, lors de la rencontre face à Ostende. Avec une certaine prudence, reconnaît-il: il avait déjà quatre cartes jaunes avant le début du match. Une de plus et il était suspendu pour le match le plus important de l’année à ses yeux: le derby contre le Beerschot. Oui, ce match est encore plus important pour lui que les duels contre le Club et Anderlecht. « Franchement, j’ai essayé de recevoir un avertissement contre Anderlecht afin d’être suspendu contre Saint-Trond. Ce terrain n’est de toute façon pas idéal pour mon corps vieillissant. Ça m’aurait permis de me livrer à fond le jour de mon anniversaire et contre le Beerschot. Mais depuis deux matches, je n’ai pas eu l’occasion de prendre cette carte ou de râler auprès de l’arbitre. Donc, dimanche, ça a été tendu, car je suis incapable de me contenir. »

Je ne dis pas grand-chose quand ça va bien. Mais dans le cas contraire, je parle beaucoup. Et pas gentiment. »

Ritchie De Laet

Flash-Back. Ritchie a effectué ses débuts le 18 novembre 2006 contre Hamme, en D2. De Laet se souvient des moindres détails de ce match. « J’ai joué au milieu droit. Le score était de 2-1 quand je suis entré au jeu et il est passé à 2-2. À l’époque, j’étais toujours le 17e joueur, alors qu’on ne pouvait coucher que seize noms sur la feuille. Je pouvais participer à l’échauffement et humer l’ambiance à domicile. C’était chouette. D’un coup, WarrenJoyce, l’entraîneur principal, m’a dit: Je crois en toi, have fun. »

Quinze ans plus tard, il s’amuse toujours. « Ce qui a changé? Tout. Je pense m’être calmé. Je connais les ficelles du métier. L’expérience fait la différence. Mais je suis toujours très fier de pouvoir jouer devant ces supporters. »

Good cop, bad cop

Cette saison, le club anversois se montre trop irrégulier, en Coupe d’Europe comme en championnat. Jeudi dernier, il a connu un instant d’euphorie en inscrivant le 1-2 à Francfort, un succès qui lui aurait permis de passer l’hiver en Europe, mais l’Eintracht a égalisé et la déception a succédé à l’espoir.

Ritchie De Laet aussi a lui aussi connu des hauts et des bas. « J’ai rarement joué deux fois de suite au même poste. Arrière gauche, arrière droit, défenseur central… Je joue là où l’entraîneur a besoin de moi, mais pouvoir occuper la même position quelques semaines d’affilée, comme pour l’instant à l’arrière droit, m’aiderait beaucoup. »

Il le concède: il est moins performant que la saison dernière. « Tout était plus facile pour un défenseur. Avec IvanLeko, je tenais un homme et c’était tout. FrankyVercauteren procédait davantage en zone mais en spécifiant que si on veut y aller, on doit y aller à fond. Maintenant, on joue strictement en zone et je dois rester beaucoup plus à mon poste car à gauche, SamVines couvre énormément de terrain. Je dois souvent converger vers l’axe alors que je suis meilleur contre un homme. Donnez-moi un nom et je l’enterre. Je dois réfléchir davantage et jouer avec le frein à main. Comme FarisHaroun n’a pas encore beaucoup joué, j’assume plus de responsabilités en tant que capitaine. J’essaie de guider les jeunes, ce qui amoindrit sans doute mon jeu de quelques pourcents.

J’ai dit à l’entraîneur et à mes coéquipiers que s’ils voulaient un capitaine qui leur donne une tape sur l’épaule à chaque pas, ils ne devaient pas me choisir. Parce que je ne dis pas grand-chose quand ça va bien. Mais dans le cas contraire, je parle beaucoup. Et pas gentiment. Je dis les choses telles qu’elles sont, avec beaucoup de fucking dedans. Sur le terrain, hein: ensuite, c’est oublié. Hier, mardi, encore fatigué et furieux du match contre le STVV, j’ai enguirlandé PierreDwomoh après deux mauvaises passes durant un match basé sur la possession du ballon. Je l’ai vraiment démoli. Je me moque bien qu’il n’ait que 17 ans. Il ne faut pas venir pleurer sur mon épaule. En match, je cherche à établir un contact visuel avec BirgerVerstraete, pour savoir ce qu’il pense de la situation. »

Il a tout discuté avec l’entraîneur. En fait, les deux hommes forment un duo: le bon flic et le mauvais flic. « L’entraîneur est toujours positif. Il ne va jamais pointer un doigt accusateur sur quelqu’un, il observe l’ensemble. Il tente toujours de relever les aspects positifs, même dans un mauvais match. Et c’est tout à son honneur. On passe beaucoup de temps ensemble. Il me dit: Laisse-moi insister sur les aspects positifs, mais si tu estimes nécessaire de t’en prendre à quelqu’un, vas-y. Je te soutiens à 100%, même si tu te trompes parfois. On a tellement de jeunes joueurs que je ne sais pas encore si les secouer peut avoir un effet positif. Je suis toujours en train de chercher chez qui c’est possible ou pas. »

Ritchie De Laet:
Ritchie De Laet: « Le groupe actuel manque un peu de personnalité. »© BELGAIMAGE – CHRISTOPHE KETELS

N’est-ce un peu trop facile? L’entraîneur insiste sur les points positifs et se fait bien voir des joueurs pendant que le capitaine joue les méchants? De Laet réfute:  » BrianPriske exprime aussi ses critiques mais entre quatre z’yeux, jamais devant le groupe. Ce rôle ne me dérange pas. Après tout, un entraîneur ne voit pas tout et il peut aussi nous donner des responsabilités. »

RadjaNainggolan soutient-il De Laet? « En réalité, Radja est très calme mais il m’aide, oui. Avec BjörnEngels et Birger Verstraete, nous sommes les patrons. Qu’allons-nous faire? Malheureusement, Björn n’a pas tout joué, Radja était occupé à son come-back et souvent, il n’y avait plus que Birger et moi pour entourer les jeunes. Ils font ce que le coach dit et rien d’autre, parce qu’ils pensent ne pas en avoir le droit. Mais après dix ou quinze minutes, ça ne fonctionne plus, car l’adversaire a compris. Il faut donc essayer autre chose. Certains veulent trop bien faire. »

Selon moi, l’Union ne quittera plus le top 4, à moins d’un exode en janvier. Mais quel footballeur de l’Union voudrait s’en aller maintenant? »

Ritchie De Laet

Priske n’entraîne que depuis trois ans. Peut-être doit-il s’endurcir… « Ça ne me dérangerait pas. S’il me détruit quand je commets une faute, je ne la referai pas. Leko a secoué plusieurs joueurs, sans tenir compte de leur âge. Il indiquait qui avait commis des bourdes durant les discussions. C’est aussi une méthode. Est-ce la bonne? L’entraîneur multiplie les entretiens pour découvrir avec qui il peut le faire. »

Il est sans doute plus facile de diriger les autres depuis un poste central? De Laet ne le pense pas. « Ça m’est égal. J’ai toujours pensé qu’avec l’âge, mon travail serait plus facile dans l’axe, mais ça me semble toujours ennuyeux. À gauche d’un trio, je peux encore monter. S’il n’y a que deux défenseurs axiaux, je dois mettre le frein dès que j’approche de la ligne médiane et je ne suis pas encore prêt à le faire. »

De la stabilité

Il constate que la tactique a souvent changé: un milieu de terrain avec deux récupérateurs et un meneur de jeu, puis un médian défensif, un numéro 8 et un 10. Puis deux 8 et un 6. Il est temps de stabiliser l’équipe. « On ne peut acquérir d’automatismes que si l’on peut aligner la même équipe de semaine en semaine. Mais comme Björn, Sam a été sur la touche. Radja a été indisponible cinq semaines, AbdoulayeSeck a eu quelques soucis en début de saison, Michel-AngeBalikwisha s’est blessé, comme AurelioButa, JelleBataille, Faris, KojiMiyoshi, AlhassanYussuf, MichaelFrey. »

Compte tenu des ambitions de l’Antwerp, le noyau est sous pression. « Le président a le droit d’émettre des ambitions. Moi aussi. Mais on ne peut pas enrôler onze joueurs et un entraîneur et s’attendre à ce que tout fonctionne dès la première semaine. L’Union a travaillé pendant plusieurs années. Comme Malines. Là, les joueurs se trouvent les yeux fermés. On doit acquérir ces automatismes. Le club a réalisé de bons investissements, mais ce n’est pas parce qu’on dépense cinq millions pour un joueur qu’il va trouver ses marques du jour au lendemain, surtout s’il est entouré de jeunes. On concède trop d’occasions de buts mais souvent, c’est parce que les jeunes y vont à fond et qu’on se retrouve à trois derrière. On s’expose à des contres. Je pense qu’on a déjà encaissé cinq buts après avoir bénéficié d’un corner. C’est une question d’organisation qu’il faut corriger dans les plus brefs délais. »

Dans un vestiaire plus calme. Il éclate de rire. « Oui, mais ce n’était pas difficile. On a eu des caractères qui ont suscité des frictions entre nous, mais ça avait aussi des avantages. On n’était pas les meilleurs amis du monde en semaine, mais on se battait ensemble en match. Le groupe actuel est plus soudé, mais manque un peu de personnalité. C’est pour ça qu’on doit se rallier les jeunes, comme durant la semaine précédant le match contre Anderlecht. On a discuté et demandé ce que les joueurs expérimentés pouvaient faire pour que les jeunes se sentent plus à l’aide. J’ai trouvé qu’on s’était battus tous ensemble contre le Sporting. »

Tout le monde champion

À l’issue du premier tour, on est en droit de se demander pourquoi les grands clubs sont à la peine. « Le football belge, c’est du ping-pong. Il connaît des hauts et des bas. On n’y décèle pas un grand sens tactique. Les contres se multiplient et celui qui marque le plus de buts gagne. Je ne sais pas pourquoi les grands clubs n’y parviennent pas actuellement. Est-ce parce qu’ils accueillent plein de nouveaux joueurs, pour la première fois depuis des années? Bruges a quelques nouveaux, comme nous et Anderlecht. Genk moins, mais il connaît toujours une période faste suivie d’un creux en milieu de saison, avant de rebondir. Sa situation est peut-être normale.

N’oubliez pas que l’Antwerp est redevenu une grande équipe en l’espace de trois ou quatre ans. Un joueur doit s’y faire. Désormais, les play-offs 1 sont un must. Y participer constitue le premier objectif. Cette saison, ceux qui disputeront les PO1 auront tous une chance d’enlever le titre alors que les années précédentes, on avait le sentiment que le Club Bruges était sans doute un rien trop fort. Selon moi, l’Union ne quittera plus le top 4, à moins d’un exode en janvier. Mais quel footballeur de l’Union voudrait s’en aller maintenant? Pour le même prix, elle va enrôler un ou deux joueurs de plus, qui rehausseront encore son niveau. Un moment donné, elle connaîtra une période moins faste, mais encore faut-il que les autres prennent des points.

La fièvre du derby

Ritchie De Laet a fiévreusement attendu le verdict du Codeco: le derby allait-il se dérouler en présence de spectateurs ou pas? Il y a une différence entre un Kiel comble ou qui sonne creux, d’autant que le Beerschot a enfin trouvé ses marques.

« Ça devait arriver tôt ou tard », dit De Laet. « Le Beerschot n’est pas devenu une mauvaise équipe du jour au lendemain. Il a acheté de nouveaux joueurs. On attend ce derby avec impatience. C’est à nous d’être en forme ce jour-là. Pour moi, c’est un match hors-calendrier. Nos classements respectifs ne comptent pas. Le Beerschot n’est pas une petite équipe. Je vais essayer de le faire comprendre à tout le monde. »

Depuis quelques semaines, de fait, il tente d’éveiller la fièvre du derby auprès de ses coéquipiers. « Beaucoup de gars ne réalisent pas l’impact de ce match dans la ville », affirme De Laet. « C’est sans doute pareil au Beerschot. Je plaide donc en faveur d’un entraînement en présence des supporters, au Bosuil, si les mesures sanitaires le permettent. La veille du match, quand on passe une heure sans trop d’efforts sur le terrain, pour que tout le monde perçoive ce que ce les supporters ressentent. Sinon, dimanche matin, j’aurai beaucoup de travail. Engels le sait, comme Seck, Butez et Verstraete. Nainggolan aussi, sans aucun doute. Pourquoi le Beerschot lui en veut-il tellement? Il est l’ambassadeur du club, mais son passé chez les Rats remonte aux équipes d’âge. Ce n’est pas comme s’il avait joué cent matches pour l’équipe première. »

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