Revente foirée et méthodes à l’ancienne: plongée dans les coulisses d’un Beerschot en perdition

Guillaume Gautier
Guillaume Gautier Journaliste

Entre un changement d’entraîneur surprenant et la prolongation d’un joueur-clé symbolique mais décrié, le printemps des Rats annonçait déjà un été pluvieux au stade olympique. Secrets d’un Beerschot en transition houleuse.

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Au sud de la Métropole, là où Anvers a bâti son stade olympique, le rouge est loin d’être à la mode. Couleur du Great Old rival, c’est aussi celle d’une lanterne, synonyme de dernière place et propriété des Rats après un début de saison sans saveur. Les pensionnaires du Kiel sont précisément tombés dans le piège qu’ils comptaient éviter en confiant leur équipe au chevronné Peter Maes en mai dernier. Maître d’oeuvre d’un sprint final salvateur au Stayen, l’ancien gardien rejoint au Beerschot un projet qu’il considère comme plus ambitieux, alors que le club explique, par l’intermédiaire de son président Francis Vrancken, qu’il « pense avoir besoin d’un entraîneur très expérimenté ». Exit donc Will Still, longtemps laissé sans nouvelles malgré la promesse faite en hiver de l’impliquer dans le choix de son successeur s’il devait y en avoir un. En mai, tout semble déjà se décider dans une forme de panique, en prévision de moments difficiles que le club semble pourtant anticiper une fois l’euphorie de la montée difficile.

La gestion sportive particulière des Rats n’aide sans doute pas à maintenir le calme dans les travées du Kiel. L’homme fort du comité technique, Jan Van Winckel, travaille depuis Dubaï et gère également le mercato de Sheffield United, figure de proue du projet United World Group dont il est le directeur technique. Une fonction énergivore qui l’empêche parfois logiquement de se concentrer exclusivement sur le Beerschot à l’heure de prendre des décisions stratégiques d’importance.

LE DILEMME HOLZHAUSER

À côté du changement d’entraîneur, l’autre choix majeur du printemps des Rats a ainsi concerné Raphael Holzhauser. Le Maestro autrichien, auteur d’un début de saison hors-normes voici un an au point d’échouer sur la deuxième marche du podium du Soulier d’or, était le symbole majeur du flamboyant Beerschot d’Hernan Losada. En état de grâce, au point d’être décisif vingt fois en seize matches, Rapha décline en même temps que ses couleurs. S’il distribuera encore sept passes décisives en plus de cinq buts, l’essentiel se fait sur phase arrêtée, entre quatre coups francs déposés sur la tête de ses coéquipiers et autant de penalties convertis.

Au sein du club se crée alors une fissure, entre ceux qui pensent qu’il vaudrait mieux profiter de la bonne cote de l’Autrichien pour le vendre, et ceux qui considèrent que le Beerschot ne peut pas s’envisager sans sa figure de proue. Les premiers affirment qu’au bout du compte, Holzhauser n’apporte plus assez offensivement pour se permettre de nuire à ce point à l’équilibre d’une équipe qui défend souvent à dix. Les seconds rétorquent que le vendre serait un aveu de faiblesse aux yeux du grand public, et un mauvais signal envers les supporters. C’est finalement cette voie qui est choisie par les dirigeants des Rats.

Au Kiel, d’aucuns confient aujourd’hui avoir vu venir cette entame de saison difficile, pas franchement aidée par un mercato entrant tardif dont Peter Maes n’a pas encore pu récolter les fruits. Entre-temps, l’entraîneur de l’année 2014 se retrouve déjà en difficulté, à cause d’un bilan comptable très délicat et de méthodes de travail qui tranchent avec celles prônées par ses deux prédécesseurs.

LA MÉTHODE MAES

Là où Hernan Losada puis Will Still étaient adeptes d’exercices courts et dynamiques, les joueurs font connaissance d’un Peter Maes qui axe plutôt son travail sur la longueur. Les efforts brefs et intenses sont rares dans des entraînements beaucoup plus longs qu’auparavant, et qui peinent à casser la monotonie d’un refrain qui se répète presque au quotidien : un long circuit de passes suivi d’une possession puis d’un démarquage à dix contre dix, voire onze contre onze.

Certains joueurs se lassent rapidement de ces méthodes, qui ne leur permettent pas de retrouver des efforts similaires à ceux qu’ils rencontrent sur la pelouse le week-end. Si la méthode Maes a déjà fait ses preuves, permettant notamment à Saint-Trond d’accrocher le maintien l’an dernier après un premier tour très difficile, l’ancien coach emblématique de Lokeren et ses adjoints ne semblent pas trouver la bonne formule pour faire réagir adéquatement le groupe anversois. Même les retours en forme d’Ismaila Coulibaly et Marius Noubissi, précieux en début de saison dernière, ne suffisent pas.

Entraîneur expérimenté, et donc parfois « à l’ancienne », faisant presque seulement confiance aux deux adjoints qu’il a emmenés dans ses bagages au détriment du reste du staff, Peter Maes peine également à convaincre son groupe lors des sessions vidéos qui étaient les points forts de ses prédécesseurs, très à l’aise dans l’exercice. La recette actuelle des Rats n’est pas au goût d’une partie du groupe, et les résultats décevants ajoutent une couche négative à une ambiance loin d’être au beau fixe au sein du club. Le calendrier, plutôt délicat jusqu’à la trêve internationale avec un dernier déplacement dans le Pays Noir au menu après le périlleux voyage en Venise du Nord, ne fait pas non plus partie des alliés d’un coach loin de faire l’unanimité dans les couloirs du stade olympique. Ce qui ressemblait à un mariage de raison pourrait bien prendre la voie d’un divorce précoce, par manque d’atomes crochus entre les nouveaux époux.

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