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Rétrocommissions, fraude à la TVA et après-midi shopping

Plus la justice creuse dans le football belge, plus ça pue. Maintenant, c’est Herman Van Holsbeeck, l’ancien manager d’Anderlecht, qui est inculpé  » d’association de malfaiteurs « .

Herman Van Holsbeeck sait désormais quel effet ça fait de passer une nuit en prison. Jeudi matin, la police fédérale a sonné à la porte de l’ancien manager d’Anderlecht et l’a emmené pour interrogatoire. Comme il n’était pas achevé le soir, Van Holsbeeck n’a pas pu réintégrer ses pénates. Le lendemain, le juge d’instruction bruxellois Michel Claise l’a inculpé de corruption privée, de blanchiment d’argent, de faux en écriture, d’usage de faux et d’association de malfaiteurs. Van Holsbeeck a toutefois été libéré sous conditions.

En juin, Herman Van Holsbeeck avait déjà été interrogé à propos du transfert de Milan Jovanovic de Liverpool à Anderlecht.

L’interrogatoire de Van Holsbeeck s’inscrit dans le cadre de l’arrestation, la veille à Monaco, de l’agent Christophe Henrotay et, à Liège, de son bras droit Christophe Cheniaux. Les chefs d’inculpation sont les mêmes que ceux dont Van Holsbeeck est l’objet. Les trois arrestations sont liées aux perquisitions d’avril 2019, au complexe d’entraînement et au stade d’Anderlecht. Les enquêteurs ont cherché des réponses au  » transfert d’un ou plusieurs joueurs « , dixit le parquet fédéral à cette époque.

L’enquête ne concernait alors que  » d’éventuelles manoeuvres suspectes d’un ou plusieurs agents de joueurs  » et sur des faits qui se seraient déroulés  » avant 2016 « . Les agents semblaient surtout s’intéresser au dossier de l’avant serbe Aleksandar Mitrovic. Celui-ci est arrivé à Anderlecht en 2013, en provenance du Partizan Belgrade. En 2015, le club bruxellois l’a vendu à Newcastle. Le manager israélien Pini Zahavi serait impliqué dans ce transfert.

Zahavi est également dans la mire de Claise dans un autre dossier : celui de l’Excel Mouscron. La justice a perquisitionné sept endroits différents, dont le stade de Mouscron, en novembre dernier. Là aussi, il est question de blanchiment d’argent mais aussi des constructions de l’actionnariat de l’Excel. Le club hennuyer est soupçonné d’avoir été entre les mains de Zahavi, alors que les managers ne peuvent plus posséder de club depuis des années.

DES RÉTROCOMMISSIONS

Henrotay a déjà attiré l’attention de la justice. L’année passée, le parquet de Tongres a lancé une enquête sur le manager, qui représente notamment le Diable Rouge Thibaut Courtois. L’enquête a été initiée sur base d’une plainte de Peter Smeets, qui s’est porté partie civile. L’homme, qui a été actif au sein de la cellule sociale d’Anderlecht, a travaillé un certain temps avec Henrotay. Smeets, qui assurait le suivi personnel des joueurs, a mis un terme à cette collaboration quand il a découvert qu’Henrotay avait empoché des millions sur le transfert de Youri Tielemans d’Anderlecht à l’AS Monaco en 2017.

Au moment de ce transfert, Van Holsbeeck était toujours manager du club bruxellois. Il faut maintenant déterminer s’il a reçu une rétrocommission sur ce transfert ou d’autres. Le principe est simple : on vend un joueur pour un certain montant mais on note une somme inférieure dans la comptabilité officielle. Les différentes parties se répartissent la différence, loin des regards du fisc. On parle de rétrocommission quand une partie de la somme retourne à un membre du club vendeur.

En général, ni le club ni le joueur ne sont au courant. C’est une pratique illégale, synonyme de corruption. Les rétrocommissions peuvent empêcher des joueurs d’être transférés dans le club qui constitue la meilleure option sportive pour eux ou qui offre le plus gros bénéfice au club vendeur. Les joueurs sont transférés dans le club qui offre le plus gros avantage personnel à un membre du club vendeur, comme par exemple son directeur sportif.

Henrotay aurait fait miroiter une solide commission à Van Holsbeeck avant la vente d’Anderlecht, quand il l’a mis en rapport avec un acheteur potentiel, l’homme d’affaires russo-ouzbèke Alisher Ousmanov. C’est finalement Marc Coucke qui a repris le Sporting. Il aurait lui aussi découvert des malversations commises par Van Holsbeeck. Coucke l’a limogé. Van Holsbeeck est alors devenu manager et a exigé que Coucke lui verse 1,8 million d’arriérés de primes et de salaire. Coucke est aussi entré en conflit avec les autres actionnaires vendeurs quand il a découvert qu’il fallait encore verser des millions promis à Henrotay pour le transfert de Tielemans.

Le manager Christophe Henrotay avait déjà été dans la mire de la justice suite à une plainte déposée à propos du transfert de Youri Tielemans à l'AS Monaco.
Le manager Christophe Henrotay avait déjà été dans la mire de la justice suite à une plainte déposée à propos du transfert de Youri Tielemans à l’AS Monaco.© BELGAIMAGE

FRAUDE À LA TVA

Ces nouveaux développements démolissent à tout jamais la réputation de Van Holsbeeck. Il était déjà apparu dans l’autre enquête à grande échelle, l’Opération Mains Propres, sans encore être inculpé. Van Holsbeeck figurait parmi les nombreuses personnes arrêtées à la mi-octobre 2018, quand la justice avait procédé à 44 perquisitions dans tout le pays. Cette affaire, dont les figures centrales sont les agents Mogi Bayat et Dejan Veljkovic, tourne également autour de constructions financières suspectes. Van Holsbeeck est proche de Bayat depuis des années, il le considère même comme  » un ami  » et a fait des affaires avec Veljkovic en tant que manager d’Anderlecht. Dans le dossier Mains Propres, les enquêteurs ont trouvé des indices de fraude à la TVA dans le chef de Van Holsbeeck. Il y a un an, ils le soupçonnaient déjà de percevoir des commissions en noir sur les transferts mais après un premier interrogatoire, l’ancien manager d’Anderlecht avait pu rentrer chez lui le jour-même.

Van Holsbeeck n’était pas quitte de la justice pour autant. En novembre 2018, Veljkovic a décidé de dévoiler à celle-ci toutes les affaires obscures dont il avait connaissance, en échange d’une solide réduction de peine. Dans la foulée, différents anciens dirigeants du football belge ont été à nouveau interrogés au mois de juin. Parmi eux, on trouve même l’ancien président de la fédération, François De Keersmaecker, et Steven Martens, son ancien CEO. Van Holsbeeck a également été convoqué. On a appris qu’il avait été interrogé sur des constructions étranges et des commissions sous la table lors du transfert de l’avant Milan Jovanovic de Liverpool à Anderlecht en 2011.

Le week-end dernier, on a appris que Veljkovic aurait aussi parlé d’un après-midi de shopping avec Van Holsbeeck. Ça se serait produit après la prolongation de contrat de Sofiane Hanni, un joueur faisant partie du portefeuille de Veljkovic. L’agent serbe aurait alors offert à Van Holsbeeck une volée de costumes, de chemises et deux montres.

Par Kristof De Ryck

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