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Qui est vraiment Collins Fai, désormais indispensable au Standard?

Pierre Danvoye
Pierre Danvoye Pierre Danvoye est journaliste pour Sport/Foot Magazine.

Un joueur du Standard peut gagner, en mai, un quatrième trophée en trois ans. La Coupe de Belgique en 2016 et 2018, il y était. La CAN 2017, pareil. Et maintenant le titre de champion pour Collins Fai ? Retour sur la réalité liégeoise de Doudou.

La lumière est souvent / toujours pour les mêmes. Le Standard a gagné ? Sûrement grâce à une correction tactique de Michel Preud’homme, à un save improbable de Memo Ochoa, à un jaillissement magnifique de Zinho Vanheusden, à un grigri de Mehdi Carcela, à une percée de Paul-José Mpoku ou à une conclusion de Renaud Emond…

Il y a peu de chances qu’on mette un Collins Fai sous les spots pour expliquer un bon résultat ou un retournement de situation. On va prendre un exemple bien frappant pour illustrer cette réalité.

On est en mars 2018. Une après-midi de foot à Ostende. Conclusion de la phase classique. Tout le monde se souvient que le Standard, à la mi-temps, était (mal)mené 2-0 et hors du Top 6.

Tout le monde a encore en mémoire la montée au jeu de Mehdi Carcela pour le deuxième acte, puis son festival. Personne n’a oublié que le Standard s’est alors qualifié de manière miraculeuse pour les play-offs. Mais il y a beaucoup moins de monde pour se rappeler que le but de la victoire, le but de la qualification, a été inscrit par Collins Fai. Fai buteur… Une bonne blague. À ce moment-là, il était en Europe depuis presque cinq ans. Et il n’avait jamais marqué.

Pas un seul but dans un vrai championnat, que ce soit la compétition roumaine avec le Dinamo Bucarest ou la ligue belge. Très peu de buts entre-temps (seulement deux depuis qu’il est chez nous), quelques assists, mais beaucoup d’autres bonnes choses.

PAPA REDNIC

Mars 2016. Yannick Ferrera est-il conscient de ce qu’il fait quand il titularise Collins Fai en finale de la Coupe de Belgique contre le Bruges de son maître Michel Preud’homme ? Chez nous, le Camerounais n’a encore rien montré.

Il est arrivé en janvier. Il a juste fait trois matches belges au moment de partir au Stade Roi Baudouin. Mais donc, un mois jour pour jour après ses débuts en championnat, il est dans le onze de départ contre Bruges. Il fait le boulot. Et le Standard gagne la finale.

Le club a recruté massivement en janvier, huit joueurs sont arrivés. Il va y avoir des flops dans le tas, comme Victor Valdés, Giannis Maniatis, Gabriel Boschilia ou Jean-Luc Dompé. Mais aussi deux bonnes pioches : Junior Edmilson, et donc Fai.

Pour s’acclimater, Fai va pouvoir compter sur l’aide de son compatriote Eyong Enoh. Un service en vaut un autre : plus tard, Fai jouera à son tour un rôle de grand frère pour Razvan Marin, contrarié à son arrivée par la barrière de la langue et donc aidé par un des rares Camerounais capables de se débrouiller en roumain !

Pourtant, en dehors du terrain, ce n’est pas si simple pour lui lors de ses premiers mois à Liège. Croyez-le ou pas : il a la nostalgie de… la Roumanie. Un pays qui n’a pas la réputation de réserver un super accueil aux Africains, une terre où le championnat de foot est d’un niveau plus que moyen, où les stades sont souvent déserts, où les salaires ne suivent pas.

Des cris de singes venant des tribunes, il en a entendu. Des remarques racistes dans les rues de la capitale, il y en a eu. Mais il a toujours fait le sourd. Il adorait la ville, le pays. Et puis, en quittant le Dinamo Bucarest, il a aussi quitté celui qu’il considère comme son deuxième père, son entraîneur, Mircea Rednic.

LA FAMILLE DINAMO

Collins Fai
Collins Fai

Il a confié son mal de vivre dans la presse roumaine :  » La Roumanie me manque parce que j’ai une vraie famille là-bas. Mais c’est le football. Si vous voulez travailler, vous devez voyager. Je regrette seulement de ne plus évoluer avec mes anciens coéquipiers du Dinamo. C’est une grande famille, et dès que je parle de ce club, j’ai tout de suite chaud au coeur ! Là-bas, j’ai des souvenirs que je n’oublierai jamais.  »

À Bucarest, on se souvient des larmes qu’il n’a pas pu contenir, le jour où il est tombé d’accord avec le Standard.

À propos, le début de son aventure roumaine a été rocambolesque. Il avait été repéré par Pandurii mais il n’avait pas pu se présenter à temps dans ce club parce que des soucis de visa l’avaient bloqué au Cameroun.

Une fois arrivé, on lui avait annoncé que le noyau était entre-temps complet. Il est alors allé faire un tour à Cluj, et là, pendant un petit match dans un parc, il a été repéré par un agent qui l’a emmené en test dans sa propre académie. Au programme : test de Cooper.

Collins Fai l’a bouclé… avec un gars sur les épaules. Il a expliqué que c’était un exercice courant pour lui dans son pays. L’agent l’a alors aiguillé vers le Dinamo, qui l’a à son tour testé puis engagé.

On doit à Rednic l’arrivée de Collins Fai en Belgique. À partir du moment où le Camerounais refusait de signer une prolongation de contrat au Dinamo, il fallait le vendre. Et donc, Rednic a activé des contacts chez nous et a conseillé à son défenseur de venir en Pro League.

Il aurait pu se retrouver à Malines. Olivier Renard, qui travaillait encore là-bas, l’avait repéré. Le prix du transfert était rikiki, 150.000 euros. Mais pour Malines, c’était encore trop cher. Et donc, ils ont rapatrié Xavier Chen de Chine. C’était gratuit.

D’UNE AILE A L’AUTRE

Mis au courant qu’il y avait un bon back à Bucarest, le Standard a sauté sur l’occasion. Un transfert que Daniel Van Buyten, après son C4, a mis à son crédit :  » On a eu Fai pour deux francs, après ça on aurait pu le revendre pour 2 ou 3 millions.  »

Collins Fai est un pur droitier. Et donc souvent aligné à droite de la défense ? Pas si simple. En fait, depuis qu’il a quitté l’Afrique, il a constamment été balancé d’une aile à l’autre. Actuellement, c’est à droite qu’il s’épanouit avec le Standard. Parce qu’il y avait clairement une place à prendre de ce côté-là.

Ses deux concurrents potentiels n’en sont plus vraiment. Luis Pedro Cavanda continue à faire du Cavanda : inconsistant et surprenant, aussi bien sur le terrain qu’à l’interview. L’ex-Diable n’est pas précisément dans le moule privilégié par Michel Preud’homme qui aime travailler avec des joueurs rigoureux, qui n’apprécie pas trop les effets de surprise.

L’autre back droit, potentiel, Réginal Goreux, est toujours aussi important dans le vestiaire, dixit le staff et la direction. Il a aussi gardé sa popularité auprès des supporters. Mais ça fait longtemps qu’il n’est plus important du tout sur la pelouse. Cette saison, on l’a vu dans trois matches de championnat. Pour un total de… neuf minutes. Normal, donc, que Fai se soit installé de ce côté.

 » Je l’ai fait jouer à droite à la Coupe d’Afrique des Nations, et à gauche à la Coupe des Confédérations. Je n’ai vu aucune différence dans son efficacité.  » C’est signé Hugo Broos. Ils se sont côtoyés lors de ces deux gros rendez-vous. Le Cameroun a affronté le Chili, l’Australie et l’Allemagne lors du tournoi de répétition générale à la Coupe du monde russe, en 2017.

Mais surtout, Fai a remporté la CAN avec les Lions Indomptables au début de la même année.  » Il était sur le banc pour notre premier match, puis il est entré dans l’équipe et il a tout joué jusqu’au dénouement de la finale « , continue Broos.

UNE COPIE D’OPARE

Récemment, à l’occasion du centième match en Rouche de Fai, Rednic est revenu sur le phénomène dans les pages de la DH et il a abordé ses changements de poste :  » Pour moi, c’est le meilleur latéral du championnat de Belgique. Je confirme qu’il a la même rentabilité à droite et à gauche.

Et quand Broos dit de lui qu’il est un cadeau pour n’importe quel coach, je suis d’accord avec lui aussi. Il est très fort en un contre un, il a bien amélioré son jeu de position. Il ne lui manque qu’une dizaine de centimètres pour être parfait.  »

Oui, Collins Fai est petit, il n’arrive pas au mètre septante. Mais il a toute la détente d’un grand.  » Pour moi, il est taillé pour le championnat d’Angleterre « , poursuit Rednic dans le quotidien.  » Il est maintenant prêt, il peut réussir là-bas.  »

Broos enchaîne en lançant :  » Je ne dis pas qu’il va signer à Barcelone ou au Real mais il peut revendiquer une place dans le onze de base d’une formation du ventre mou des bons championnats européens.  »

Il a la détente et aussi l’endurance. Les percées du Camerounais dans le camp adverse, c’est un gimmick lors des matches du Standard. On le voit régulièrement filer le long de la ligne, puis centrer. C’est comme ça qu’il donne ses assists.

Sur un match, il court en moyenne une dizaine de kilomètres. Mais Michel Preud’homme estime qu’avec de telles qualités athlétiques, il pourrait être encore plus présent.  » Quand j’ai repris le Dinamo, les gens n’espéraient pas grand-chose de lui « , dit encore Rednic dans la DH.

 » En dehors du terrain, il était timide et respectueux, même un peu trop. Mais une fois à son poste, il devenait quelqu’un d’autre.  » Avec lui, le Standard tient un peu le profil d’un Daniel Opare qui n’avait pas été remplacé entre-temps : du muscle, de l’explosivité, une grande résistance à l’effort.

HÉROS AU CAMEROUN

Collins Fai avec le Cameroun à la CAN
Collins Fai avec le Cameroun à la CAN

Collins Fai, surnommé Doudou par sa femme, a rang de héros au Cameroun. En 2017, personne n’attendait ce pays sur le toit de l’Afrique, quinze ans après son dernier succès à la CAN. Broos et Fai l’ont fait, avec d’autres joueurs que l’on connaît chez nous : Arnaud Djoum, Sébastien Siani et Fabrice Ondoa.

Pour le Standardman, ça faisait deux trophées en deux années civiles. Il a triplé en 2018 en gagnant une nouvelle Coupe de Belgique. Et malgré sa nostalgie de Bucarest et du Dinamo, il semble se plaire de mieux en mieux chez nous.

Il s’est confié sur le canal du Standard, il y a quelques semaines :  » En fait, dès que je suis arrivé au stade, tout a commencé. À ce moment-là, l’équipe ne tournait pas bien, je voyais qu’il fallait tout recommencer, le but était de construire l’équipe pour la saison suivante. Je ne m’attendais pas à gagner aussi vite un trophée.

J’étais là pour les deux matches de demi-finale contre Genk mais je n’ai pas joué, je n’étais même pas sur la feuille. Puis, je me suis retrouvé sur la pelouse pour la finale. Entre-temps, j’ai vu le club évoluer dans le bon sens, à tous les niveaux. Chaque coach qui est passé a apporté quelque chose de positif.  »

Ses stats particulières

2

Il n’a marqué que 2 buts depuis qu’il est professionnel en Europe : la saison dernière à Ostende et cette saison contre Saint-Trond.

25

Il a été actif dans 25 des 30 matches de la phase classique, cette saison.

13

Son nombre d’assists avec le Standard.

167

Il mesure 1 mètre 67, il est naturellement le plus petit joueur du noyau du Standard.

51

Le nombre de cartons jaunes qu’il a pris depuis son arrivée en Europe. À 6 occasions, il en a pris un deuxième dans le même match. Une seule fois, il a été exclu directement.

24

Le nombre de matches disputés avec le Cameroun. Après avoir passé le premier match de la CAN 2017 sur le banc, il a totalisé 100 % de temps de jeu lors des rencontres suivantes, dont la finale contre l’Égypte.

1.800.000

En euros, sa valeur actuelle sur Transfermarkt. Soit 12 fois le montant déboursé par le Standard pour l’arracher au Dinamo Bucarest.

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