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Qui est Serge Costa, le psychologue de l’ombre du Standard?

L’arme discrète du Standard de Luka Elsner est franco-portugaise et s’appelle Serge Costa. Un homme de l’ombre façon tableau noir et développement personnel, quelque part entre l’entraîneur adjoint du futur et le fameux coach mental.

Il parait qu’on se rend pour la première fois aux séances de Serge Costa comme on assiste à un cours de remédiation. Avec la culpabilité de celui qui sait qu’il y a toute sa place, mais avec ce surplus inconscient de confiance en soi, qui fait dire qu’on ne s’éternisera pas ici. Ça tombe bien, Serge Costa n’est pas non plus du genre à traîner en chemin.

L’homme ne s’en écarte pas pour autant. Comme la majorité de ses confrères lusitaniens depuis le début des années 80, Serge Costa est un entraîneur de football passé par les bancs de l’université. Celle de Lisbonne en l’occurrence, à travers le reconnu programme d’ High Performance Football Coaching, si vanté dans la péninsule ibérique.

À 34 ans, ça lui permet de convoquer RenéDescartes au milieu de ses séances et d’être en possession du même diplôme que son modèle LeonardoJardim. Ça aide surtout à comprendre qui est Serge Costa, fondateur de sa société Playmaker en 2014 et réputé depuis pour avoir participé à l’émergence de joueurs comme IdrissaGueye (PSG) et les frères André (Al-Saad, ex-Marseille, West-Ham et Swansea) et JordanAyew (Crystal Palace). « Au début, Playmaker, ce n’est pas une société, c’est juste un mec qui a des obsessions et qui cherche à régler des problématiques de jeu », déprécierait presque le principal intéressé depuis ses nouveaux quartiers liégeois. « Moi, je ne me la raconte pas, je suis un gars cool, mais un obsédé qui doit avoir quelques problèmes psychologiques à régler. »

Il a une forme de don. Il sait scanner notre jeu et trouver nos points de travail, mais il a aussi la capacité de savoir comment se comporter avec chacun. »

Lucas Rougeaux

Alors, peut-être pour éviter de regarder dans sa propre assiette, Serge Costa a décidé de s’occuper de celle des autres. La faute aussi à un niveau footballistique « régional » qui malgré « une bonne patte » ne lui permet pas de rêver d’une carrière pro. De retour à ses errances monomaniaques, Costa croise fin 2014 la route d’une vieille connaissance en la personne d’un certain BounaN’Diaye, agent d’un Idrissa Gueye pas encore parachuté meilleur récupérateur de Premier League à l’époque, et toujours sous contrat avec le LOSC. « Idrissa rêvait de l’Angleterre, mais il n’avait pas la cote outre-Manche, parce qu’il n’y avait pas de dépassement de fonction dans son jeu », détaille aujourd’hui Costa. « Là-bas, il était perçu comme un simple gratteur de ballons. Avec moi, il voulait travailler sur sa progression vers l’avant, sur sa contribution offensive. » La collaboration est intense. Costa inflige au Sénégalais, en accord avec le club lillois et RenéGirard à l’époque, des séances complémentaires axées principalement sur son fond de jeu. « On s’entraînait seuls, mais pas vraiment. Chez moi, tout est calculé en fonction de qui est le joueur, mais de qui sont aussi ses coéquipiers. Qu’ils soient présents physiquement ou pas n’est pas important, je les connais tous par coeur. C’est comme au théâtre lors d’une répétition. Parfois, je jouais le rôle de Divock ( Origi, ndlr), parfois celui de Rio ( Mavuba, ndlr). Ils n’étaient pas là, mais on faisait comme si… »

L’ÉTÉ DE TOUS LES RECORDS

Banco. Le jeu de rôle fait salle vide, mais est un franc succès. Bon timing ou pas, force est de constater que six mois de coaching individuel plus tard, Gueye tient son transfert à douze millions vers Aston Villa et la Premier League. Le même été, les frères Ayew prennent eux aussi la direction des îles britanniques et c’est la cote de Costa qui monte soudain en flèche au meilleur des moments, tout juste un an après son licenciement de chez Puma – suite à un plan social – où il officiait comme recruteur depuis trois ans. « Pourtant, on était bien. Il n’y a pas eu que des réussites, mais on avait fait des gros coups, comme le recrutement de Griezmann et de Giroud avant l’EURO 2016. On a eu KalidouKoulibaly et ThomasLemar aussi… »

De ces partenariats juteux naîtront au moins un carnet d’adresses et un réseau susceptibles de réorienter une carrière. « Je me suis rendu compte que j’aimais ça, collaborer en sous-marin avec les joueurs. Dans la foulée, j’ai commencé à travailler avec MatteoGuendouzi, avec BenjaminPavard et JulesKoundé. Grâce à eux, j’ai vécu l’intensité de matches de Liga, de Premier League ou de Bundesliga. Avec à chaque fois cette même question pour guider mon travail: En gros, qu’est-ce qu’il faudrait donner au scout de City pour qu’il vienne te chercher? »

Singulière parce qu’individuelle, son approche fait finalement mouche et attire le Amiens de LukaElsner en janvier 2020. Intégré pour la première fois au staff d’une équipe professionnelle, Costa apprend la vie en groupe et métaphorise la vie d’entreprise façon start-up. « Je dois tout à Luka parce qu’il m’a permis de me mettre au service d’un club. Mais travailler avec un groupe tout entier nécessite une approche différente. Travailler en club, c’est un peu comme de gérer Coca Cola et Fanta. C’est la même boîte, mais à l’intérieur, tu as plusieurs produits qui se concurrencent. C’est parfois un peu particulier à gérer au quotidien, mais tu te dois de les faire évoluer, c’est pour le bien de l’entreprise. »

Le duo Serge Costa (à gauche)-Luka Elsner a débuté son aventure commune en janvier 2020, à Amiens.
Le duo Serge Costa (à gauche)-Luka Elsner a débuté son aventure commune en janvier 2020, à Amiens.© STANDARD DE LIÈGE

Pour le bien de son exploitation, Serge Costa apprend alors à façonner son disque dur interne en fonction de ses publics. « Pour moi, il a une forme de don », refuse de tourner autour du pot l’ancien élève courtraisien LucasRougeaux. « Il sait scanner notre jeu en très peu de temps et trouver nos points de travail, mais il a aussi la capacité de savoir comment se comporter avec chacun d’entre nous. Il peut être volontairement déstabilisant ou au contraire hyper relax. Je l’ai vu faire avec différents joueurs, c’est saisissant. Il sait ce qu’il peut se permettre avec chacun. Mais dans tous les cas, c’est très subtil. Il n’y a jamais d’insulte, c’est plus du travail sur l’orgueil. »

« En fait, ses analyses sont tellement fouillées que ça se transforme parfois en coaching psychologique », restitue lui ThomasMonconduit, milieu offensif lorientais qui croise la route de Costa sur les bords de la Somme à l’époque. « Sincèrement, j’ai déjà eu des coaches mentaux dans le passé, mais Serge mêle à son approche tactique un travail psychologique qui t’apporte bien plus que cela. »

L’ÉCHELLE DE COSTA

Une dilution du travail façon tableau Excel qui permet au nouveau T3 liégeois de classer chacun de ses protagonistes dans une case bien spécifique. « Je viens d’un milieu populaire, je sens les autres et par rapport à ça, je pense avoir une forme d’intelligence émotionnelle. Le danger, ça reste de penser que tout le monde fonctionne comme toi. J’ai suivi une formation qui m’a amené à diviser les gens en quatre couleurs. Et chacune correspond à ce que tu as besoin de mettre dans ton moteur comme liquide pour avancer. Ça n’empêche pas toujours les erreurs. Il y a, par exemple, des joueurs avec qui j’ai été méga dur, alors qu’il suffisait juste de les prendre dans les bras et de leur donner de l’amour. »

Bipolaire volontaire, Serge Costa est aussi un homme de chiffres. De ceux assez scrupuleux pour élaborer des échelles de notation à taux variables. « Dans mon cas, on travaillait beaucoup ma réception des passes dans la latéralité, pour ensuite se projeter vers une frappe au but », revient Monconduit. « Lui cherchait à me mettre dans des contraintes de temps. En fonction de la réussite de l’ exo, il me mettait une cote allant de 0 à 100. Mais parfois, tu pouvais être à 150 ou à moins dix ( Il rit). »

L’homme ne cherche même pas à fuir sa réputation et s’étonne à moitié de voir un « intello qui joue au golf » comme son copain Thomas Monconduit se souvenir si bien de son écolage amiénois. « En gros, 150 sur 100, c’est l’action de Klauss quand il frappe sur l’action qui mène au but de Tapsoba contre OHL. Là, il y a un dépassement de fonction. La demi-volée de Pavard contre l’Argentine au Mondial, c’est 3000 sur 100 évidemment. L’échelle, elle est là pour te pousser à prendre la meilleure décision. Mais il ne faut jamais forcer, il faut que le choix reste cohérent. Contre l’Argentine toujours, Ben ne pouvait pas faire autre chose que tenter sa chance sur ce ballon-là. Donc il tente, c’est cohérent. »

Les probabilités comme moteur, la vidéo comme appui principal, pas de doute, Serge Costa est un entraîneur de son temps. Mais refuse l’étiquette trop vite accolée de geek. « Il a raison, c’est loin d’en être un », termine Monconduit. « Parce qu’il a des qualités humaines qui dépassent l’obsédé statistique qu’il peut être. À mon époque, il prenait souvent Guendouzi et Gueye comme points de comparaison. Il nous disait qu’on n’avait pas grand-chose à leur envier. Qu’il suffisait de travailler sur certains points. Serge, sa force, c’est qu’il arrive à te faire croire que tu peux arriver au niveau des meilleurs. Mais dans sa bouche, ce n’est même pas un mensonge, il y croit vraiment. »

Une sincérité, aveugle ou non, qui rendrait la compagnie de Serge Costa agréable. Au minimum pour Luka Elsner. L’homme est en tout cas devenu ces derniers mois le bagage préféré du nouveau coach liégeois. Si bien qu’au moment de négocier le contexte salarial et professionnel de son arrivée au Standard, le Franco-Slovène n’a pas multiplié les caprices, mais seulement quémandé à la direction le renfort de son allié de l’ombre, pour venir officier en tant que T3 derrière WillStill.

De quoi donner au staff rouche – 102 ans à eux trois – des airs « de navette spatiale du futur » selon un proche de l’encadrement liégeois. Il va falloir ne plus trop tarder à décoller, maintenant…

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