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Quel genre d’entraîneur adjoint est Mbaye Leye au Standard?

Pierre Danvoye
Pierre Danvoye Pierre Danvoye est journaliste pour Sport/Foot Magazine.

En grattant dans son parcours de joueur et d’homme, on y voit déjà beaucoup plus clair.

Ça se passe le 17 mai 2019. Un triste Mouscron – Waasland-Beveren en PO2, avec 2.500 courageux dans les tribunes. Sur le coup de 21 heures, Mbaye Leye sert un assist à Taiwo Awonyi. C’est la toute dernière fois de sa vie qu’il est décisif sur un terrain de foot. Il va s’arrêter là, à près de 140 buts et une cinquantaine d’assists chez nous. A la 85e minute, le capi quitte le terrain. Mbaye Leye joueur, c’est définitivement terminé. Le grand public ne le sait pas encore. Aujourd’hui, on comprend qu’à ce moment-là, il avait déjà mûri sa décision.

A Mouscron, Mbaye Leye était le prolongement de Bernd Storck sur le terrain.
A Mouscron, Mbaye Leye était le prolongement de Bernd Storck sur le terrain.© BELGAIMAGE

 » Sa décision d’arrêter était tout sauf un coup de tête « , nous explique Bernd Storck, qui restera donc son tout dernier entraîneur.  » Moi, j’étais au courant depuis quelque temps. On a discuté plusieurs fois de son avenir, en tête à tête.  » Pourtant, l’Excel a tout fait pour le convaincre d’en remettre une couche, de refaire une saison. Malgré ses 36 balais, la direction le croyait encore capable d’apporter quelque chose.

 » J’ai compris assez vite que ça ne servait à rien d’insister « , lâche Paul Allaerts, le directeur.  » Dans son esprit, c’était le bon moment pour stopper. Il m’a expliqué que le temps était venu, pour lui, de faire un choix pour le long terme.  »

Mbaye Leye, qui suit les cours d’entraîneur, s’imaginait dans un staff technique.  » Je lui ai dit qu’il pourrait éventuellement y avoir des possibilités chez nous « , continue Paul Allaerts.  » Mais quand j’ai appris que le Standard et Michel Preud’homme étaient sur le coup, j’ai compris qu’il n’allait pas rester chez nous. Il n’y avait pas photo entre les deux propositions, évidemment.  »

Porte-parole de Bernd Storck

La dernière saison pro de Leye (7 buts et 3 assists) n’a pas été la meilleure de sa vie, très loin de là. Fragilité physique, lassitude mentale, usure tout court : c’était parfois l’image qu’il dégageait avec le maillot de Mouscron sur le dos. Ça peut donc étonner que le club ait essayé de le faire prolonger en tant que joueur.

 » Il ne faut pas se limiter à ses statistiques pures « , dit Storck.  » Je n’avais pas besoin qu’il soit sur le terrain 100 % du temps pour apporter quelque chose à l’équipe. Il nous a aidés à être bons. Pourtant, ses débuts ont été très compliqués. Il est arrivé quand j’ai repris l’équipe, début septembre. Il n’était sûrement pas dans la meilleure période de sa carrière. Il n’était tout simplement pas prêt.

Il débarquait d’Eupen où il n’avait pas du tout joué pendant le premier mois du championnat, il n’avait pas eu une vraie préparation. Et il se retrouvait subitement dans un club tout en bas du classement. Il ne comprenait pas toujours pourquoi je ne le faisais pas plus jouer, j’ai passé du temps à tout lui expliquer. Petit à petit, on s’est trouvés, découverts mutuellement. A partir de là, il a pris un rôle important, dans le vestiaire et sur le terrain.  »

Là-bas, on gardera le souvenir d’un Leye qui était le bras droit du coach allemand.  » Il était le porte-parole de Bernd Storck « , lance Paul Allaerts.  » Il suffit d’aller revoir des images de nos matches de la saison dernière, c’était fréquent que Leye vienne vers le banc pour prendre des consignes puis les communiquer aux autres joueurs. Aujourd’hui, je ne suis pas du tout étonné par son choix de devenir entraîneur adjoint.  »

Un autre homme pour qui c’était écrit que le Sénégalais allait intégrer un staff dès la fin de son parcours d’attaquant : Georges Grün. Ils se côtoient sur le plateau de RTL lors des soirées européennes.  » Dès qu’il est arrivé chez nous, il nous a frappés par ses qualités d’analyse « , détaille l’ancien Diable.  » Il n’avait clairement pas le profil du consultant qui débarque en dilettante. Mbaye Leye s’est directement impliqué, on sentait que l’aspect tactique le passionnait. Quand il analyse des phases de jeu, il va jusqu’aux plus petits détails, jusqu’à des choses qui peuvent paraître anecdotiques mais qui ne le sont pas pour lui.

Mbaye Leye fait partie aujourd'hui de la garde rapprochée de Michel Preud'homme.
Mbaye Leye fait partie aujourd’hui de la garde rapprochée de Michel Preud’homme.© BELGAIMAGE

Les loupes qu’on fait sur certaines images à la mi-temps et après les matches, il aime beaucoup ça. Il y a déjà pas mal de temps que je lui ai demandé ce qu’il aimerait faire après sa carrière de joueur. J’étais persuadé qu’il visait une reconversion comme entraîneur et il me l’a confirmé. Donc, ça fait un bon moment que je savais qu’il irait dans cette direction. Simplement, je ne m’attendais pas à ce qu’il le fasse aussi vite. Je croyais qu’il allait continuer à jouer, encore au moins un an, parce qu’il en était tout à fait capable.  »

Patron du vestiaire partout où il passe

Capable physiquement, oui. Mais il faut croire que la tête ne suivait plus.  » Il était arrivé à un âge où le foot de haut niveau devenait difficile, il ne se voyait pas rempiler comme joueur « , continue Bernd Storck.  » C’est l’impression que j’ai vite eue quand j’ai commencé à parler avec lui de son avenir. Le corps pouvait encore, mais au niveau du mental, c’était une autre affaire. Il voulait connaître mon avis sur la question. Les premières fois où on a évoqué son futur à deux, il n’avait pas encore pris sa décision, il envisageait toujours de continuer un peu. En même temps, je sentais qu’il avait envie d’un autre challenge.

Il a eu une carrière fantastique. La saison passée, il est entré dans une équipe qui ramait puis il a participé à son redressement, il a été un des acteurs de la superbe série de matches sans perdre, de notre remontée spectaculaire au classement. Tout le monde parlait en bien de Mouscron et Leye y était clairement pour quelque chose. Il a marqué quelques buts importants. Et puis, il y avait son gros apport mental. C’était mon joueur le plus expérimenté et il n’était jamais avare quand il fallait conseiller.

Bref, pour moi, il a fait une saison exceptionnelle. Tu fais ça à 36 ans, qu’est-ce que tu as encore à gagner en prolongeant ? Il a vu l’opportunité de partir par la grande porte, il l’a exploitée, il a eu bien raison. S’il avait stoppé à la fin de cette saison-ci, ça aurait peut-être été dans des circonstances bien moins sympas. Je lui ai aussi parlé dans ce sens-là.  »

 » Dans la programmation de sa carrière, il a le plus souvent fait les meilleurs choix aux bons moments « , témoigne José Riga, qui a eu Mbaye Leye sous ses ordres au Standard.  » Tout ce qu’il fait, il le fait avec une grande justesse. Il a quitté Mouscron après une bonne saison et en ne laissant que des bons souvenirs là-bas, qu’est-ce qu’on peut demander de plus ?  »

Sur un plan purement sportif, l’histoire commune entre cet entraîneur et ce joueur n’a pas toujours été simple. Mais au niveau humain, ce fut toujours nickel. Ils se sont revus l’une ou l’autre fois entre-temps et ce fut chaque fois chaleureux.  » Oui, c’est toujours le même plaisir de le revoir « , confirme José Riga.  » Il a gardé un manque par rapport à son passage au Standard, il pensait qu’il allait jouer plus là-bas, mais il ne m’en a jamais tenu rigueur.

Pas mal d’autres joueurs m’auraient accusé de ne pas leur avoir donné une vraie chance, Leye n’a pas joué dans cette pièce-là. J’avais six attaquants pour une place en pointe, et pas n’importe qui ! Christian Benteke, Gohi Bi Cyriac, Mémé Tchité, Michy Batshuayi, puis Imoh Ezekiel est revenu… Mbaye Leye comprenait que ce n’était pas simple. Mais comme c’est un gars très réfléchi, il a su faire la bonne lecture, tirer les bonnes conclusions. C’est un fil rouge de sa vie : il réfléchit beaucoup, il a plein de bon sens.

Je retiens aussi que c’est un gars qui a toujours refusé de subir les événements. Quand j’ai vu qu’il devenait consultant pour la télé, je n’ai pas été surpris. Et aujourd’hui, je ne suis pas du tout surpris qu’il se retrouve dans un staff. Le foot l’a toujours intéressé dans tous ses aspects. Et il a des vraies qualités de guide. Il avait quitté le Standard pour retourner à Zulte Waregem, où ils avaient besoin d’un leader. Plus tard, à Eupen et à Mouscron, il a joué le même rôle de patron du vestiaire.  »

Bosser avec MPH, c’est cadeau

Paul Allaerts a vu tout ça, en première ligne.  » Il était constamment dans l’analyse. C’est le genre de footballeur qui voit ce qui se passe mais aussi ce qui va se passer. Il lit très bien un match. Il sait quels changements il faut faire pour faire basculer une rencontre. Il a clairement une intelligence footballistique au-dessus de la moyenne. Et donc le bon profil pour entraîner. Mais il ne s’est pas lancé directement comme T1, et c’est une autre caractéristique frappante chez lui : il ne veut pas brûler les étapes.

Il a vite compris que pour un débutant dans ce métier, travailler avec un gars comme Michel Preud’homme, c’est cadeau ! Il ne risque pas de se lancer tête baissée sur la première proposition qu’on lui ferait pour devenir entraîneur principal. S’il estime qu’il n’est pas prêt, il ne prendra pas. Il sait qu’il a des choses essentielles à apprendre et que ça prend du temps.  »

 » Pouvoir bosser dans un club du niveau du Standard, avec un T1 du niveau de Michel Preud’homme, c’est unique comme opportunité « , ajoute Storck.  » Un jour, probablement, il sera entraîneur principal. Mais je l’imagine encore mieux dans une fonction de manager de club. Il a plein d’expérience, il a le feeling, il est intelligent et ouvert, c’est le bon profil.  »

Georges Grün garde en mémoire quelques discussions tactiques passionnées avec son co-consultant :  » Surtout pendant des matches d’une équipe entraînée par Pep Guardiola. Ça pouvait être le Barça, le Bayern ou Manchester City. C’est le genre de foot qu’il préfère. Parfois, je lui disais que ça n’avait pas l’air spécialement compliqué à pratiquer, qu’il suffisait de travailler sa technique et d’être bon dans le passing.

Je lui lâchais : Je ne comprends pas pourquoi les joueurs du championnat de Belgique ne sont pas capables de faire la même chose. Il me répondait : Tout le monde n’est pas capable de le faire mais il faut toujours viser la perfection. J’espère que le jour où il entraînera, il aura toujours cette envie de faire jouer son équipe comme celles de Guardiola. « 

Le consultant qui ne passe pas inaperçu

 » Sa façon de s’exprimer sera un atout, le jour où il deviendra T1 « , prévoit Paul Allaerts.  » C’est toujours naturel, il ne force pas le trait, il n’y a pas de show. Les joueurs le sentent et ils le suivent. A Mouscron, il ne devait pas crier pour que tout le groupe se mette derrière lui. Ses paroles et ses raisonnements n’étaient jamais remis en question. Je parlerais d’une personnalité authentique.  »

José Riga constate le même phénomène.  » J’ai aussi vu son côté rassembleur, sa force de persuasion quand on était ensemble au Standard. Aujourd’hui, ça se remarque à la télé. Ce n’est pas le genre de consultant qui passe inaperçu. Dès qu’il commence une phrase, une analyse, tu deviens attentif, tu tends l’oreille. Parce que tu sais qu’il va aller droit au but. Déjà comme joueur, il avait une grande assurance, mais il n’en jouait pas nécessairement.  »

Et Georges Grün conclut :  » C’est clair que tu l’écoutes. Il a un vrai discours. Quand il était joueur, ses coéquipiers l’écoutaient. A la télé, les gens l’écoutent. Comme adjoint, il est sûrement écouté. Et le jour où il sera coach principal, il n’aura aucun mal à faire passer son message.  »

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