© Collection Union 1897 - Les Archives

Quand l’Union était le club des millionnaires

Jacques Sys
Jacques Sys Jacques Sys, rédacteur en chef de Sport/Foot Magazine.

L’histoire de l’Union Saint-Gilloise est émaillée de périodes remarquables. Comme le court passage de l’ambitieux homme d’affaires Ghislain Bayet.

On est au printemps 1975. L’Union vient de traverser une période compliquée, mais désormais, le climat est au beau fixe. L’homme d’affaires Ghislain Bayet a repris le club qui évolue alors en troisième division et l’ambition est de rejoindre l’élite endéans les trois ans. Bayet invite les responsables de la rubrique football de tous les médias dans un célèbre restaurant bruxellois pour leur exposer son projet. Les convives se régalent de plats plus succulents les uns que les autres, accompagnés de grands vins. Pendant ce temps, Bayet se montre intarissable. Il travaille dans l’immobilier et est un grand orateur. Il sait se montrer convaincant. Mais, on le découvrira plus tard, davantage en paroles qu’en actes.

Tout le monde passe une très agréable soirée. Les souvenirs du passé remontent à la surface. On se rappelle les derbies entre l’Union et Anderlecht, dans un Parc Duden plein à craquer, devant 15.000 spectateurs. Ou un déplacement au Cercle Bruges effectué en… train, la gare étant située à deux kilomètres du stade. Un trajet terminé à pied, avec des joueurs qui doivent aider à porter les coffres contenant le matériel. Amusé, Ghislain Bayet écoute ces récits empreints de nostalgie.

Mais cette fois, les choses tournent différemment. Grâce à ses bonnes relations avec Constant Vanden Stock, Bayet attire quelques joueurs d’Anderlecht, dont Jan Verheyen, le père de Gert. Fait unique, ce passage en D3 n’empêche pas le sélectionneur Raymond Goethals de continuer à le convoquer pour les matches des Diables rouges. L’Union est le club des millionnaires et c’est avec cette étiquette que l’équipe entame sa saison. L’entraîneur n’est autre que Georges Heylens. La première confrontation entre les deux voisins de la capitale a lieu en Coupe de Belgique, sur la pelouse du Sporting. Une rencontre pleine d’émotion, remportée après prolongations par l’équipe la plus chanceuse. En l’occurrence, Anderlecht. L’Union a pourtant livré une excellente prestation collective, emmenée par Jan Verheyen et par un attaquant qui possède, lui aussi, un passé anderlechtois: André De Nul.

L’élimination passe très mal du côté de l’Union, qui comptait sur la Coupe pour réaliser quelques belles recettes. Au coup de sifflet final, les joueurs sont perplexes. Ils n’en sont pas moins prêts à entamer le championnat. En titre, Sport 70, l’ancêtre de ce magazine, annonce: « Cette Union sera un vrai plus pour la première division. »

C’est dans ce contexte que le championnat de D3 débute, par un déplacement à l’Eendracht Zele. Les joueurs montent sur le terrain en pleine confance: Jan Verheyen et André De Nul, mais aussi les anciens défenseurs de Courtrai Louis De Weerdt et Ghislain Vergote, l’ancien milieu de terrain d’Anderlecht Eddy De Bolle et le buteur allemand Harald Nickel, arrivé de Turnhout et qui jouera plus tard au Standard. Le petit stade de Zele n’a jamais accueilli autant de public. Pendant une semaine, on ne parle que de l’Union. C’est aussi le cas de l’entraîneur Robert Weyn, un ancien joueur du Beerschot, qui axe toute sa préparation sur le match face aux Bruxellois. Il n’a cependant dispensé que deux entraînements, car le match de Coupe de Belgique contre Berchem, perdu 0-1 une semaine plus tôt, est encore dans les jambes.

Les joueurs de l’Eendracht Zele se battent comme des lions et créent la première sensation de la saison, en venant à bout de l’Union, 2-1. Dans la tribune, le mécène Bayet ne peut cacher son énervement. Après le coup d’envoi, il confie à un sympathisant de l’Union que les joueurs sont bons pour une mise au vert d’une semaine entière. Georges Heylens s’aperçoit que les qualités techniques de ses joueurs ont du mal à s’exprimer dans le climat de la troisième division, où l’impact physique est important. Mais son équipe se reprend. La défaite à Zele est la première et la dernière de la saison. Dans les autres matches, l’Union déroule et est sacrée championne avec plusieurs longueurs d’avance.

Et l’avenir? On ne va pas tarder à s’apercevoir que l’Union de Ghislain Bayet repose sur des sables mouvants. Elle fait carrément faillite, et le club est placé sous curatelle. Mais l’Union, qui a remporté le titre à onze reprises, est finalement sauvée. Grâce à des clubs comme Anderlecht et le Standard, qui viennent jouer un match gratuitement, et aussi grâce au soutien de Paul Van den Boeynants, le Premier ministre de l’époque, dont le coeur est jaune et bleu. Par la suite, l’Union connaîtra pas mal de hauts et de bas, agrémentés de montées et de descente. Coup de bol, 2021 est à ranger dans la première catégorie.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire