Jacques Sys

Pro League: quand Bruges se croit trop beau

Jacques Sys Jacques Sys, rédacteur en chef de Sport/Foot Magazine.

Faut-il parler d’un excès de confiance? D’un sentiment de supériorité? Ou y avait-il une autre explication à ce choix? Bruges a en tout cas entamé son match à Gand avec une défense à trois. Dans les parages de Brandon Mechele, on avait un Ignace Van der Brempt de 19 ans et un Noah Mbamba de… seize printemps. Comme s’il ne pouvait rien arriver de fâcheux au champion de Belgique. Mais ce qui a suivi, ce fut, pour le Club, une marche funèbre comme on en avait rarement vue.

Bruges sur la pelouse de Gand, ce n’était pas un bloc mais onze individualités.

Les Buffalos se sont enfoncés dans la ligne arrière brugeoise comme dans du beurre. Les errements défensifs du champion piquaient aux yeux. Et plus le match avançait, plus on avait du mal à croire ce qu’on voyait. Les Brugeois manquaient d’engagement dans les duels derrière, mais aussi dans le milieu du jeu, où ils cherchaient à peine à arracher des ballons. Même Ruud Vormer, habitué à ne rien lâcher, a flanché avec ses coéquipiers. Après le match, il a dit qu’il avait déjà affronté des équipes plus fortes que celle-là. Il faut croire que quand on est habitué à gagner, on peut avoir du mal à analyser correctement une défaite.

Pro League: quand Bruges se croit trop beau
© BELGAIMAGE

Cette correction, 6-1, ramène brutalement les Brugeois les pieds sur terre, quelques jours après ce discours de Philippe Clement qui avait déclaré que dans sa poule infernale en Ligue des Champions, il ambitionnait de prendre quelques points. Ces dernières années, Bruges a régulièrement été loué. À raison. Sur le terrain comme en dehors, on fait là-bas de l’excellent boulot et le fossé avec la concurrence ne se cesse de s’agrandir. C’est à nouveau le cas cette saison, avec un noyau qui a encore été amélioré, même si les opérations se sont faites assez tard. Le but est clairement d’être compétitif sur tous les fronts.

Mais le Club n’a pas entamé le championnat sur les chapeaux de roue. Pire, même: il n’y a qu’à Zulte Waregem, avec une victoire 0-4, qu’il a joué à son niveau. Ce soir-là, on avait à nouveau sorti les superlatifs. On avait claironné que ce Bruges était trop fort pour le championnat de Belgique. Mais quand il y a ce genre de commentaires, il y a aussi le risque qu’une certaine arrogance s’installe. Même si ce n’est pas une habitude dans ce club qui a bâti la plupart de ses succès en misant sur le collectif, l’engagement, le caractère, la discipline.

Avoir encaissé six buts sur la pelouse de la Ghelamco Arena, c’est inquiétant. Mais, tout aussi interpellant, il y a la façon dont les Brugeois ont bougé. Ce n’était pas un ensemble, mais un amoncellement de onze individualités, sur autant d’îles comme l’a dit Philippe Clement après la déroute. Quand on lui a demandé s’il se sentait responsable de la défaite, le coach a acquiescé, sans en dire plus. En tout cas, sa décision d’aligner deux gamins dans l’axe de la défense n’a pas été la plus judicieuse de sa carrière. Il a aussi protégé Ignace Van der Brempt de façon assez spectaculaire, en affirmant qu’il avait été un des meilleurs joueurs de l’équipe.

Le Club doit maintenant réagir. En formant un bloc. Avec des joueurs qui prendront leurs responsabilités au lieu de se désigner mutuellement du doigt. S’ils y parviennent, le couac de Gand passera simplement pour un accident de parcours. La qualité est toujours là. Mais à partir du moment où on se croit meilleur que tout le monde et intouchable, on ne peut plus pratiquer son meilleur jeu.

Pour Gand, cette victoire spectaculaire est un bon coup de boost, trois jours après la qualification pour les poules de la Conference League. Les Buffalos ont été critiqués après avoir commencé le championnat sur un mode mineur. À tort, selon Hein Vanhaezebrouck. Son équipe avait bien joué, mais manqué de concrétisation. HVH l’a dit après la qualification européenne, il l’a répété après la victoire historique sur le voisin.

Il est étrange qu’un entraîneur avec autant d’expérience continue à marteler ce discours et ne supporte pas ce qu’on dit et écrit. Ces dernières semaines, on a vu une équipe gantoise qui avait effectivement des bons moments, mais aussi des périodes où rien ne roulait. Un entraîneur doit être au-dessus de la critique. Comme ça semble être le cas à Anderlecht avec Vincent Kompany.

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