© ISTOCK

« Pour survivre en football quand on est homo, il faut tricher »

Spécialement pour Sport/Foot Magazine, le « Secret Footballer » explique comment l’homosexualité est perçue dans les vestiaires belges.

« L’homosexualité est sans doute le plus grand tabou du football masculin. On fait comme si ça n’existait pas et en parler est hors de question. On savait tous qu’un homme avait été battu à mort à Beveren parce qu’il était homo, mais on n’en a pas parlé dans le vestiaire. On passe à côté de ce débat sociétal. Ne soyons pas naïfs : il y a plus que quelques homosexuels dans le football professionnel belge. J’en suis convaincu à 100%. Mais le football est un milieu macho, au sein duquel la perception et l’apparence sont importantes.

On ne peut donc pas dire comme ça : « Je suis homo ou bisexuel ». Alors que l’homosexualité est très répandue dans le football féminin et est en général mieux acceptée. Savez-vous ce qu’un homo doit faire pour survivre dans un vestiaire de football ? Tricher. Faire semblant d’être un coureur de jupons. On fait souvent les malins au sujet des femmes. On montre quelles femmes on suit sur Instagram et je peux imaginer qu’un homo doit alors user de tout son talent d’acteur pour ne pas se faire remarquer.

Un homo n’a donc pas intérêt à faire part au monde entier de ses préférences sexuelles. Dans le meilleur des cas, il rate un transfert. Dans le pire, il peut faire une croix définitive sur sa carrière.

Le Secret Footballer

Je suis footballeur professionnel depuis des années et jamais encore je n’ai rencontré de joueur dont j’ai pensé qu’il pourrait être homosexuel. Il y a un certain temps, j’ai quand même appris qu’un ancien coéquipier avait fait part de son orientation sexuelle, mais il ne s’était jamais rendu « suspect ». Je comprends pourquoi. Une fuite de ce genre place l’entraîneur et le club dans une situation difficile. La presse raffole de ces histoires et à partir de ce moment, tous les regards seront tournés vers lui. Ce n’est pas l’objectif. Un homo n’a donc pas intérêt à faire part au monde entier de ses préférences sexuelles. Dans le meilleur des cas, il rate un transfert. Dans le pire, il peut faire une croix définitive sur sa carrière.

Comment réagirais-je si un coéquipier me confiait qu’il est homo? Je ne suis pas de ceux qui colportent ce genre d’informations, mais je serais tellement surpris que je le bombarderais de questions. Ça me laisserait un sentiment étrange, car je ne connais personne qui soit homo dans mon entourage. Je me demande d’ailleurs comment un noyau réagirait à la présence d’un homo dans l’équipe. Il serait probablement la tête de turc. Beaucoup de joueurs se demanderaient aussi si le joueur en question a déjà tenté de les séduire. (Il rit)

Plaisanteries douteuses

Je me souviens qu’un kinésithérapeute apparemment gay a effectué un stage au club. Comment nous l’avons appris ? C’est toute une histoire. Il projetait de partir à l’étranger, mais il a été contraint de rester en Belgique. Il est arrivé chez nous via-via. Un jour, alors qu’il s’occupait d’un joueur, celui-ci lui a dit en plaisantant qu’il appréciait beaucoup le massage, mais qu’il préférait les femmes. Le kiné lui a sèchement répondu : « Moi, j’aime les hommes ». Le kinésithérapeute en chef, qui était dans le local, par hasard, n’en a pas cru ses oreilles. Il a demandé s’il avait bien compris. Mais personne n’a approfondi le sujet. Quelques semaines plus tard, le stagiaire ne s’est plus présenté. On a demandé pourquoi. Une des raisons de son départ était l’ambiance dans le vestiaire. Il ne s’y sentait vraiment pas à l’aise…

Le fait qu’on ait fait des plaisanteries douteuses au sujet de l’homosexualité démontre qu’on n’est pas encore prêts à accueillir un homo.

Le Secret Footballer

On n’a appris que bien plus tard la fameuse révélation du stagiaire et on s’est demandé pourquoi le joueur couché sur la table de massage ne nous en avait pas parlé plus tôt. Par honte ? Je n’en sais rien. Maison l’a charrié pendant un certain temps. On lui demandait en rigolant s’il avait aimé se faire masser le derrière par un homo. Un autre a dit : « Je comprends maintenant pourquoi tu voulais te faire masser par lui ». On s’est surtout moqué du joueur, pas du kiné. Mais le fait qu’on ait fait des plaisanteries douteuses à ce sujet démontre qu’on n’est pas encore prêts à accueillir un homo. La mentalité doit changer, mais ce n’est pas pour demain. »

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire