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Portrait tactique: Jonathan David, l’attaquant du futur

Guillaume Gautier
Guillaume Gautier Journaliste

Il presse. Il combine. Il dribble. Il percute. Et surtout, il marque. Le Canadien de Gand coche toutes les cases de l’attaquant trop complet pour n’être qu’un buteur. Et invite une seule question: pourquoi est-il si fort?

Les spécialistes de l’industrie musicale vous le diront. Pour réussir un hit de l’été, il vaut mieux ne pas se limiter au son. Les vibes estivales se transmettent aussi à travers une chorégraphie, aux mouvements amples et répétitifs. Le cocktail idéal pour marquer les esprits ensoleillés.

L’été dernier, le clip le plus en vogue des pelouses belges s’est tourné sur le pré de la Ghelamco Arena. Installés devant un milieu positionné en losange, Roman Yaremchuk et Laurent Depoître dansent un slow très rapproché avec les défenseurs centraux adverses. Progressivement, l’Ukrainien et le Belge s’écartent du centre de la piste, pendant que le ballon remonte dans le couloir. Soudain, quand la musique s’accélère et que le refrain approche, un homme dynamise le dancefloor. Jonathan David se déhanche en solo aux alentours du point de penalty. Le Canadien ne tremble pas. Il laisse ça aux filets.

Cette saison, Jonathan David a marqué 23 buts avec 16,02 expected goals.

« Notre système de jeu me permet d’arriver souvent en position de but », explique l’intéressé en début de saison. Avec 5,48 ballons joués par match dans la surface adverse, difficile de contredire l’analyse du buteur gantois. Parmi les joueurs à plus de mille minutes de temps de jeu cette saison, seuls Emmanuel Dennis et Siebe Schrijvers, bien servis par la domination sans partage de Bruges, parviennent à faire mieux.

Face au but, les chiffres de David sont exceptionnels. Cette saison, il a marqué 23 buts toutes compétitions confondues sous le maillot gantois, alors que ses statistiques détaillées recensent seulement 16,02 expected goals. Pour l’enfant de Brooklyn, les circonstances d’une frappe paraîssent moins importantes que pour ses semblables à l’heure de trouver la cible. « C’est un vrai finisseur, et son calme le rend imprévisible », esquisse Bart Van Renterghem, qui l’a dirigé quelques semaines dans le noyau des Espoirs gantois. « Dans des trois contre huit, il recevait dix ballons dans le rectangle, et il marquait trois fois. »

Chiffres des attaquants de référence des clubs du top 10 du championnat cette saison.
Chiffres des attaquants de référence des clubs du top 10 du championnat cette saison.© D.R.

La mire semble particulièrement bien réglée. Parmi les attaquants de référence du top 10 du championnat, David est celui qui présente le plus haut taux de réussite par tranche de 90 minutes jouées, avec 0,73 but marqué. S’il frappe moins souvent que Paul Onuachu ou David Okereke, l’international canadien cadre plus de 50% de ses tentatives (54% exactement), contrairement aux Nigérians. Et quand il atteint sa cible, le Buffalo trouve plus souvent les filets que les gants du gardien.

Au total, ce sont 28% de ses frappes qui finissent au fond. Parmi les attaquants du top 10 belge, seul le renard des surfaces croate Stipe Perica fait mieux, avec 35% de réussite chez les Hurlus. Avec une nuance importante, qui explique partiellement la différence entre les deux hommes au classement des buteurs: Perica frappe au but une fois toutes les 49 minutes. David, toutes les 34 minutes.

Un seul des 23 buts de David a été marqué depuis l’extérieur de la surface.

Si le Canadien trouve si souvent la cible, ce n’est pas seulement parce que sa qualité de frappe est supérieure à la moyenne, mais aussi parce qu’il a appris à connaître les zones où sa présence est la plus douloureuse pour l’adversaire. « Comme lui, je sais où le ballon va arriver », raconte David quand on lui demande de comparer ses qualités à celles de Dieumerci Mbokani. Une fois que la course de ses attaquants a attiré les défenseurs centraux, le Buffalo profite de l’espace libéré dans l’axe du but pour activer son démarrage d’exception et se démarquer avant la finition. Cette saison, un seul de ses 23 buts a été marqué hors de la surface, à l’occasion d’un face-à-face avec le gardien de Larnaca lors des tours préliminaires de l’Europa League.

David se déplace dans les zones où les chances de faire trembler les filets sont les plus importantes, à savoir dans le prolongement du petit rectangle, rarement plus loin que le point de penalty. « Cette saison, j’ai beaucoup progressé au niveau du placement », reconnaît le Canadien. Et forcément, les chiffres ont suivi.

Jonathan David est l'attaquant le plus décisif du championnat.
Jonathan David est l’attaquant le plus décisif du championnat.© BELGA – D.R.

Meilleur passeur de Pro League parmi les attaquants, Jonathan David étale un registre qui dépasse largement celui du numéro neuf classique, et qui lui permet d’être l’homme le plus décisif du championnat. « En vérité, c’est plutôt un numéro 10 qui bouge entre les lignes et surgit dans la surface qu’un attaquant qui joue dos au but », analyse Jess Thorup, le coach danois des Buffalos. Un discours partagé par son prédécesseur Yves Vanderhaeghe: « Pour moi, c’est davantage un 10, qui doit pouvoir faire la différence en une action aux abords de la surface. »

Idéalement positionné dans le dos de Depoître et Yaremchuk au sein du losange installé par Jess Thorup pour faire briller tous les éléments de son trident offensif, David a continué à semer la terreur dans le couloir axial du terrain quand il a dû intégrer le duo d’attaquants suite à la blessure de son coéquipier ukrainien. Brillant dans son positionnement, le Canadien s’installe à la fois entre les lignes verticales et horizontales du bloc adverse. Au beau milieu du carré formé par le défenseur central, le milieu défensif, le latéral et l’ailier, David s’oriente parfaitement dans les pocket zones, que Pep Guardiola qualifie de « zones impossibles à défendre », pour recevoir le ballon et se lancer à l’assaut de la charnière défensive. Ses jambes et ses pieds font le reste.

Chiffres par match des attaquants de référence du top 10 du championnat, en termes de dribbles réussis et de passes permettant le tir d'un coéquipier.
Chiffres par match des attaquants de référence du top 10 du championnat, en termes de dribbles réussis et de passes permettant le tir d’un coéquipier.© D.R.

S’il réussit moins de dribbles que Cyle Larin et offre moins de situations de tir à ses coéquipiers que Kaveh Rezaei, le diamant de Brooklyn reste l’attaquant le plus créatif du championnat. Une fois orienté face au jeu, il peut déclencher les fameuses actions décrites par Yves Vanderhaeghe, avec une réussite insolente: sur les 29 tirs tentés par David en sortie de dribble cette saison, 16 étaient cadrés et 9 ont alimenté le marquoir.

La panoplie crée un danger constant. Qu’il reçoive le ballon face au but ou face au jeu, Jonathan David crée les mêmes dégâts. « Il multiplie les efforts sans se fatiguer, il est très rapide, il dribble facilement et il a une très bonne vision du jeu. Il a toutes les qualités de l’attaquant moderne », détaille un Laurent Depoître admiratif. Les chiffres s’ajoutent à la manière. 0,73 but et 0,28 passe décisive par 90 minutes. Cette saison, Jonathan David est décisif plus d’une fois par match. La moyenne des cracks.

Tous les chiffres utilisés sont issus de Wyscout.

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