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Plongée dans les coulisses des comptes du Standard

Guillaume Gautier
Guillaume Gautier Journaliste

Les finances du Standard sont de retour sur le devant de la scène. Avec leur lot d’analyses contradictoires, de déclarations incendiaires et de rumeurs alarmantes. Plongée dans les comptes, à la recherche d’un fil rouche.

Plutôt discret sur la scène médiatique depuis l’annonce estivale de son arrivée au capital du Standard, François Fornieri semble dégainer ses premiers mots avec la hâte de celui qui n’a pas eu un trimestre pour y réfléchir. À la RTBF, le patron de Mithra annonce que, selon ses banquiers, « le Standard risque de connaître de graves problèmes financiers et/ou judiciaires à l’avenir ». Une découverte étonnante, après des mois potentiellement passés à éplucher les comptes, mais qui fait suite à l’annonce rouche de la fin des négociations avec l’un des Princes de Liège. L’homme d’affaires remet une bûche sur les flammes d’une Cité Ardente surchauffée par la publication d’un bilan dont la dette est chiffrée à 51 millions d’euros.

L’inquiétude deviendrait presque un refrain. À dire vrai, la situation financière du matricule 16 est turbulente depuis la reprise du club par Bruno Venanzi. Avec une explication simple: en manque de liquidités pour une opération d’une telle ampleur, le nouveau président accepte non seulement que les vingt millions prélevés des caisses par Roland Duchâtelet ne soient pas réinjectés dans le club – faisant ainsi baisser le prix d’achat – mais rembourse également à l’homme d’affaires flamand dix millions d’euros via les comptes rouches, étalés sur cinq ans. La trésorerie du Standard en prend un coup, et ne s’en est jamais vraiment relevée. Au point de finalement voir la Commission des Licences pointer, au printemps dernier, que « le fonds de roulement négatif du club au 31 décembre 2019 n’est pas couvert dans sa totalité et, d’autre part, que sur base du cash-flow statement fourni par le club, un besoin important de liquidités est avéré. »

Le vestiaire, qui avait longtemps attendu au sortir de l’hiver le versement de la deuxième partie de ses primes à la signature, était également conscient de ces problèmes de liquidités. Le Standard, pourtant, se sortait prévisiblement de l’écueil réglementaire, notamment en fournissant des documents plus clairs quant à la revente de son stade, opération financière destinée à renflouer des caisses vidées par un mercato débordant par ambition les limites du raisonnable.

SALAIRES PRINCIERS

S’il a toujours refusé de l’affirmer ouvertement, c’est bel et bien pour ramener une nouvelle fois le titre à Sclessin que Michel Preud’homme avait fait son retour en bords de Meuse. Sa deuxième saison, toujours vendue comme sa plus aboutie à la tête d’un club, avait donc commencé par un marché d’été parcouru avec un appétit gargantuesque: onze nouveaux joueurs, et trente-deux millions d’euros ponctionnés des caisses liégeoises pour les faire débarquer à Sclessin. Le trésor de guerre constitué par les ventes successives de Christian Luyindama, Moussa Djenepo et Razvan Marin est dilapidé aussi vite qu’il s’est formé, et empêche le club de faire souffler sa manne financière.

Désireux de marquer un grand coup, dans une saison où beaucoup de ténors du championnat pourraient être en reconstruction alors qu’il a pu poser les bases de son jeu, Preud’homme met les bouchées doubles, et profite de ses casquettes d’administrateur et de directeur sportif pour faire décoller la quantité de son noyau, emmenant la masse salariale dans son sillage. En deux saisons sous les ordres de MPH, les émoluments au sein du club passent de 29,8 à 38,9 millions d’euros annuels. Un décollage qui, en 2018-2019, place même le Standard à la hauteur de Bruges, seulement débordé par un Anderlecht encore plus noyé dans ses finances, mais sauvé par un président plus riche, qui n’hésite pas à mettre la main au portefeuille pour compenser le déficit structurel. À Sclessin, les problèmes de structure sont également là, et l’épisode de la licence semble avoir servi de révélateur. Car depuis le printemps, le Standard donne l’impression de s’être résolument engagé dans une politique de réduction des coûts.

ZINHO VERS L’ÉQUILIBRE

Aux départs hivernaux de Paul-José Mpoku et Renaud Emond ont succédé les résiliations de contrat de Luis Pedro Cavanda, Sébastien Pocognoli et Orlando Sá, ainsi que le terme de l’onéreux bail d’entraîneur de Preud’homme. Couplés à une politique de transferts moins ambitieuse, où les deux millions d’euros dépensés pour la venue de Jackson Muleka ont fait office de gros coup, ces départs devraient avoir un effet bénéfique sur la masse salariale rouche. Insuffisant, néanmoins, pour honorer les dettes à moins d’un an, qui s’élèvent dans le bilan présenté à la fin du mois dernier à 24,2 millions. Les créances à moins d’un an étant, quant à elles, de 11,6 millions, un simple calcul permet de constater que le club doit combler dans l’année un déficit de plus de douze millions d’euros, avec seulement deux millions dans les caisses.

Comment le Standard a-t-il pu, dès lors, refuser l’offre de dernière minute de West Ham United pour Samuel Bastien, alors que seul Mërgim Vojvoda a fait entrer de l’argent sur les comptes mosans cet été? Le dernier joker du club, avant sa quête de l’équilibre structurel, s’appelle Zinho Vanheusden. Dans les comptes publiés par les Rouches, on remarque dans les opérations non inscrites au bilan que seize millions d’euros sont prévus sous la dénomination « ventes à terme déjà conclues portant sur de s droits relatifs aux joueurs ». De quoi faire disparaître onze millions – toujours présents dans les dettes – du passif, et ajouter la somme de cinq millions versée par l’Inter, toute heureuse d’avoir échappé au gendarme financier de l’UEFA grâce à cette manoeuvre menée à l’été 2018.

Après Djenepo et Marin et la constitution de l’Immobilière, la vente de Zinho pourrait être le dernier gros exercice d’équilibriste du club de Bruno Venanzi. En fin de saison, le Standard se débarrassera très probablement de ses trois plus gros salaires, avec les fins de contrat de Mehdi Carcela et Duje Cop en plus du départ annoncé de Vanheusden. De quoi ramener la masse salariale vers des sommes plus conformes aux standards du club. En faisant confiance aux jeunes pour assumer la relève sportive?

En attendant l’été, grands noms et ambitions se concentrent dans l’Immobilière, nouvelle propriétaire de Sclessin. L’Écho annonce l’investissement de Nacer Chadli, et précise que les parts initialement destinées à François Fornieri sont finalement reprises par Jean-Yves Reginster, administrateur du club établi en Suisse et ancien propriétaire d’une villa qui sert aujourd’hui de QG à Protection Unit. Au dernier bilan publié par la société, on retrouve parmi les administrateurs un certain François Fornieri. Liège est décidément un village.

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