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Obbi Oulare dans le noyau B du Standard: les coulisses d’une mise à l’écart

Des prestations insuffisantes, un transfert avorté, un manque de communication et une question familiale sont à la source du renvoi d’Obbi Oulare vers le noyau B du Standard. Sauf miracle, le géant vit ses derniers mois à Sclessin. Reconstitution d’une apothéose en mode mineur.

Nous sommes le 28 décembre. Deux jours plus tôt, la défaite à la maison contre Saint-Trond a sonné le glas du règne de Philippe Montanier en Principauté. Sur la route, en compagnie de sa femme, Obbi Oulare décroche le téléphone. L’appel vient de son agent, Zouhair Essikal (membre de CAA Base, l’agence qui gère notamment les intérêts de Varane, Son ou Walker). Il annonce cette nouvelle: la direction du Standard a trouvé un accord avec Barnsley, un club de l’antichambre du foot anglais qui n’attend désormais plus que la venue du géant de Sclessin pour finaliser l’opération. Pour des raisons familiales ( voir encadré), Oulare ne voit pas une traversée de la Manche d’un bon oeil, et décline poliment la proposition. En pleine revalidation suite à une déchirure, il ne souhaite en outre pas débarquer blessé chez son nouvel employeur. Obbi commence à se connaître: il sait qu’il voudrait prouver sa valeur dès son arrivée, et que cela entraînerait forcément une rechute. Le Standard essaie néanmoins de le convaincre, en insistant sur le fait qu’il s’agit d’une bonne option pour lui et que son avenir ne se situe plus à Liège. En vain.

En janvier, un transfert trop loin de chez lui aurait obligé Oulare à ne pas voir ses enfants pendant plusieurs mois. À ses yeux, c’était hors de question.

Un peu plus tard, Oulare apprend qu’il devra poursuivre la saison dans le noyau espoirs. Officiellement, il doit y retrouver son meilleur niveau. Par contre, le club l’empêche de participer aux matches amicaux de l’équipe B. Au cours du mois de janvier, la direction appelle encore une fois Oulare, avec ce message: si tu ne trouves pas une solution, tu resteras avec les Espoirs jusqu’à la fin de la saison. À ce sujet, le Standard est rassuré par le joueur et ses agents. Ils ne sont pas opposés à un départ, mais ne veulent pas nécessairement poursuivre leur aventure dans un club que le Standard aura choisi pour eux.

Début décembre, cette mise à l’écart était pourtant loin d’être dans l’air. Selon nos informations, Oulare n’avait été averti à aucun moment par sa direction qu’il devait se reprendre d’urgence. Avant de quitter la pelouse liégeoise lors du match contre Mouscron à la suite d’une blessure, il avait même reçu des félicitations venues d’en-haut, notamment grâce à sa montée au jeu à Courtrai qui avait visiblement marqué les esprits. Deux semaines plus tard, le club était pourtant d’avis qu’Oulare ne serait plus d’aucune utilité au club dans sa course aux play-offs. L’arrivée annoncée de João Klauss, qui provoquait l’irruption d’un cinquième attaquant dans le noyau, créait forcément un excédent aux avant-postes.

COMME UN MOINE

Les raisons sportives, avancées par Alexandre Grosjean le jour de la présentation à la presse de Mbaye Leye, sont-elles la seule explication à ce renvoi dans le noyau B, ou le club souhaitait-il ainsi inciter Oulare à chercher son avenir ailleurs? En plus de Barnsley, le Standard a ouvert à son attaquant les portes d’autres clubs, qui ne convenaient jamais au joueur, que ce soit pour des raisons sportives ou familiales. Cette mise sous pression pour amener Obbi à quitter le club a peut-être finalement eu l’effet inverse sur un homme qui n’aime pas que d’autres tentent d’orienter démesurément ses choix.

Par contre, « le Standard n’a pas été jusqu’à faire usage de méthodes qui sont parfois employées dans d’autres clubs », affirme Zouhair Essikal. « Mais au sein d’un groupe de joueurs, une manière de communiquer pourra être efficace avec un joueur, mais peut-être moins avec un autre. » Le Standard a, jusqu’à aujourd’hui, respecté ses engagements envers Oulare. Il n’a pas été question de harcèlement psychologique, un phénomène qui survient souvent en Italie, en Grèce ou en Turquie, quand les clubs veulent se débarrasser d’un joueur. Essikal est d’ailleurs au fait d’anecdotes qui lui sont revenues depuis la Grèce. En Belgique, de tels actes ne resteraient pas impunis.

Oulare face à Anderlecht lors de l'une de ses dernières apparitions sous le maillot rouche.
Oulare face à Anderlecht lors de l’une de ses dernières apparitions sous le maillot rouche.© BELGAIMAGE

« Nous respectons le choix de la direction du Standard, même si nous ne sommes évidemment pas ravis de cette décision », reprend Essikal. « Mais leur attitude est normale. Le Standard est leur club, ils y ont investi beaucoup d’argent, et ils restent les patrons en toutes circonstances. Les joueurs sont des employés. Naturellement, je défendrai toujours mon joueur, et s’il ne veut pas rejoindre un certain club pour l’une ou l’autre raison, je soutiendrai toujours son choix. Mais il n’y a pas eu de mots plus hauts que les autres ni de menaces. Tout est resté courtois. Ils ont leur point de vue, nous avons le nôtre. À la mi-janvier, une réunion avec la direction a eu lieu. Ils ont dit: Obbi, tes stats cette saison ne sont pas bonnes. Alors que le meilleur buteur de l’équipe est un milieu de terrain… Il était mécontent de voir des milieux alignés en pointe, mais il n’a jamais réagi. Il ne s’est pas battu avec le coach, n’a pas pleuré dans la presse, n’a rien posté sur les réseaux sociaux… Mais nous avions l’impression qu’Obbi était la cause du malaise sportif, alors qu’il avait pourtant peu joué et que les difficultés étaient aussi présentes pour les autres attaquants. » En interne, l’attitude parfois victimaire de l’attaquant aurait pourtant fini par en lasser plus d’un.

Malgré les événements de ces derniers mois, le dialogue est toujours ouvert entre le clan Oulare et le Standard.

Oulare était conscient que le moindre écart pourrait être utilisé contre lui. Il a donc laissé couler, a même supprimé un moment son compte Instagram, et s’est mis à vivre comme un moine, avec un seul but: revenir en forme. « C’est dommage que ça ait dû aller si loin », explique un proche du joueur. « Ils connaissent Obbi, ils savent comment il fonctionne. Ils lui ont même dit qu’il était respectueux et qu’il n’était pas un joueur à problèmes. Pourquoi n’ont-ils pas montré plus d’empathie, au lieu de le mettre dos au mur? Il ne méritait pas ça. » En présentant cette mise à l’écart dès le début du mois de janvier, assortie d’une solution immédiate pour le recaser à court terme, le Standard laissait pourtant un mois presque complet au joueur pour trouver une issue à cette situation.

PORTE ENTROUVERTE

La plupart des joueurs du Standard soutiendraient Oulare à distance, et ne comprendraient pas pourquoi ses qualités ont été ainsi jetées aux oubliettes. Chez les patrons de Sclessin, par contre, la foi en Oulare a fortement diminué. Ni cette réalité ni les deux mois passés au sein du noyau B n’ont suffi à convaincre Obbi de baisser les bras. Parce que le joueur en a vu d’autres, mais aussi qu’il est conscient que le traitement qui lui est réservé est loin d’être aussi extrême que celui qu’ont subi Luis Pedro Cavanda et Orlando Sá la saison dernière. Les coaches et le staff médical le traitent avec respect, et il a toujours accès à tous les recoins de l’Académie.

Malgré les événements de ces derniers mois, le dialogue est d’ailleurs toujours ouvert entre toutes les parties. Maintenant que la nervosité du mois de janvier appartient au passé, les protagonistes n’excluent pas une réconciliation. Dans le camp du joueur, l’hypothèse d’un divorce douloureux n’est en tout cas pas l’issue souhaitée. Oulare lui-même aurait d’ailleurs déclaré qu’il voulait encore signifier quelque chose pour le Standard. À ses proches, l’attaquant confie qu’il trouverait dommage de conclure son chapitre rouche de cette manière. « Obbi est reconnaissant envers le club », dit-on autour de lui. « Alors qu’il avait été blessé, ils ont transformé son prêt de Watford en transfert définitif. Il veut désormais rendre au Standard ce qu’il lui a donné, parce qu’il n’a pas encore pu montrer ce qu’il avait dans le ventre. Il croit que son histoire à Sclessin n’est pas encore terminée. En fait, il voudrait revenir en arrière, jusqu’au moment où il était encore possible de trouver une solution. »

Oulare au sol, blessé: une image qu'on a bien trop souvent vue ces dernières saisons.
Oulare au sol, blessé: une image qu’on a bien trop souvent vue ces dernières saisons.© BELGAIMAGE

La porte n’est pas entièrement fermée, confirme son agent, mais Oulare veut lever au plus vite l’incertitude sportive. Essikal espère que le Standard franchira le pas rapidement: « Obbi n’est pas naïf, il est conscient que l’opportunité d’un retour dans le noyau A cette saison est extrêmement faible, mais il croit qu’il peut encore aider le club. Disons qu’il y a entre 5 et 10% de chances que ça se passe bien et dans ce cas, ce sera uniquement son mérite. Il n’a appelé personne, il n’a frappé personne, n’a rien fait de mal et a fait preuve de beaucoup de maturité. Si le club ne change pas d’avis, nous examinerons toutes les options en juillet. Obbi est encore sous contrat jusqu’en 2023, mais il n’a naturellement pas envie de finir son contrat dans le noyau B. »

Fin juin, après trois saisons à Sclessin, Oulare aura quoi qu’il arrive des sentiments mitigés à l’heure de regarder son séjour rouche dans le rétroviseur.

BONNES RÉSOLUTIONS

Fin juin, après trois saisons passées en rouge et blanc, Oulare aura quoi qu’il arrive des sentiments mitigés à l’heure de regarder son séjour en bords de Meuse dans le rétroviseur. Arrivé en 2018, en même temps que Michel Preud’homme, Senna Miangue, Samuel Bastien ou Maxime Lestienne, c’est avec beaucoup d’ambitions qu’il a débarqué à Liège, mais le talent présent à profusion dans le noyau n’a jamais permis au club de franchir l’étape qui le séparait encore du sommet du championnat.

Sur le plan personnel, les 42 apparitions en trois ans, avec cinq buts à la clé, laissent également un goût de trop peu. « Il est arrivé avec une blessure à la hanche, et Preud’homme lui a laissé le temps de se remettre complètement de son opération », raconte un témoin privilégié de l’époque. « Pour sa première titularisation contre Saint-Trond, il avait directement brillé, et sans sa fracture du tibia ( en décembre 2018, ndlr), il aurait certainement fait une top saison. La saison passée, il commençait à revenir en forme, mais il a été arrêté dans son élan par la pandémie. »

Contrairement au passé, Oulare cherche aujourd’hui les explications de ces blessures à répétition au sein de son propre comportement. Pendant la longue préparation qui a mené à la saison actuelle, il a pris quelques résolutions drastiques au sujet de ses habitudes de nutrition, de sommeil et de vie, s’entourant d’un cuisinier, d’un ostéopathe et d’un kiné pour remettre son corps sur pied. À côté de ça, il a fait l’acquisition en décembre – après en avoir parlé au club – d’une tente d’altitude pour améliorer sa VO2 max. Sa déchirure survenue contre Mouscron est la preuve que ces problèmes physiques ne sont pas encore totalement résolus, mais son entourage évoque malgré tout une amélioration, qui n’a pas encore convaincu tout le monde au sein du club.

« Oulare s’est regardé dans un miroir », confirme Essikal. « Si tu ne joues pas, tu dois prendre les choses en mains. Je ne trahis aucun secret en disant que son état physique est son plus gros problème. Il doit être complètement fit pour pouvoir jouer, et ça a trop rarement été le cas ces dernières saisons. Il ne doute pas de ses qualités, mais il s’est mis à réfléchir sur ce qu’il pourrait faire pour retrouver son ancien niveau, celui qu’il affichait au début de sa carrière. »

Obbi Oulare dans le noyau B du Standard: les coulisses d'une mise à l'écart
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Family first

Keep kalm and put your family first.C’est le slogan qui rythme la vie d’ Obbi Oulare depuis la naissance de ses filles Naya (cinq mois) et Amana (quatre ans), et c’est sans doute l’argument le plus important pour avoir refusé de foncer tête baissée vers l’étranger lors du dernier mercato hivernal. À cause des interdictions de voyage qui sont actuellement en vigueur partout en Europe, un transfert trop loin de son domicile aurait obligé le joueur à ne pas voir ses enfants pendant plusieurs mois. Et à ses yeux, c’était hors de question, surtout au vu de l’âge de ses filles.

Oulare devait également rester en Belgique pour régler la question de la garde de ses filles. Depuis l’Angleterre ou le Portugal, il n’aurait pas pu défendre son dossier personnellement, et cela aurait inévitablement eu des conséquences sur son rôle dans l’éducation de ses filles. « Pendant toute une période, il n’a vu ses filles que par FaceTime », raconte-t-on dans son entourage. « La plus âgée a commencé à poser des questions: Où es-tu Papa? Pourquoi tu ne viens plus? Sur le plan mental, c’était très compliqué pour lui. La saison passée, il a pu mettre ses ennuis personnels un peu plus de côté parce que le club croyait en lui, mais Obbi est aussi quelqu’un qui ne peut pas se livrer à 100% sur le terrain si tout ne va pas bien dans sa vie privée. » Dans son esprit, la famille passe avant tout.

Rares sont ceux qui savent ce qu’Oulare a enduré sur le plan extra-sportif ces derniers mois. Et comme cette période a coïncidé avec un temps de jeu réduit, il ne voyait pas comment briser cette spirale négative. Aujourd’hui, le bout du tunnel est en vue, et il en apercevra précisément les contours cet été. « Vu sa situation familiale, il ne pouvait pas se permettre d’aller vivre loin de la Belgique pour le moment », explique son agent Zouhair Essikal. « En juillet, tout sera réglé et il sera alors plus ouvert à des offres d’autres pays européens. Le Standard n’était peut-être pas au courant de ces circonstances. »

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