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Nuno Da Costa, le Mister Cool de l’Excel Mouscron

Passé pro à 24 ans, Nuno Da Costa en aura trente dans quelques jours. Promis à la Premier League il y a moins d’un an, il est devenu l’atout numéro 1 de Mouscron dans la course au maintien. Portrait d’un homme qui n’a pas peur des grands écarts.

C’est le dernier trou noir recensé de l’histoire du football belge. Il aura duré huit secondes. Le temps pour Laurent Jans de se demander ce qui aurait bien pu lui arriver de pire. Nous sommes le dimanche 20 décembre 2020, et le Luxembourgeois a encore Philippe Montanier comme entraîneur au Standard. Menés 0-1 par l’Excel, les Liégeois sont dans le trou. Nuno Da Costa, lui, en profite pour livrer à Sclessin une de ses plus belles partitions de la saison. De celles qui n’ont pas besoin d’un but pour être soulignées. On joue la 58e minute quand le Franco-Capverdien décide d’éteindre la lumière. Dans quelques secondes, Laurent Jans aura la tête qui tourne et les idées noires.

Humilié successivement par Fabrice Olinga, d’un joli coup du foulard, puis par Nuno Da Costa, d’une subtile roulette, Jans aurait dû être la victime d’une des actions de la saison si le service parfait de Da Costa n’avait pas été galvaudé par Bruno Xadas dans la foulée. Pas grave. Ce soir-là, Mouscron avait déjà fait le plus dur en ouvrant le score contre des Standardmen incapables de réagir. D’autant moins dramatique que Nuno Da Costa n’est pas exactement le genre de gars à comptabiliser ses stats.

C’est l’avantage des esprits libres et décomplexés. Des parcours chahutés, aussi. Nuno Da Costa est né au Cap-Vert, a passé une partie de son enfance à Lisbonne, y a croisé Cristiano Ronaldo au Sporting CP, a un jour échangé son maillot avec Neymar, mais s’est construit en tant que footballeur sur les pelouses jaunies du département des Bouches-du-Rhône, du côté d’Aubagne, au début de la décennie.

L’APPEL DU NORD

Jusqu’à 24 ans, Nuno Da Costa est un étudiant en fac de langues à Marseille, qui joue au foot sous le soleil. Pour la beauté du geste. C’était avant de passer pro à Valenciennes, de poser ses valises à Strasbourg, de traverser la Manche direction Nottingham Forest et de finalement se voir offrir ce qui ressemble à une dernière chance du côté de Mouscron, depuis octobre.

En Wallonie picarde, loin de son réel potentiel. C’est ce que pensent les gens qui connaissent le numéro 20 mouscronnois depuis seulement trois mois et demi. C’est aussi, et c’est sans doute plus révélateur, ce qu’estiment les entraîneurs qui l’ont le mieux connu. À commencer par Thierry Laurey, son coach à Strasbourg entre août 2017 et janvier 2020. « Quand il est parti de chez nous, il y a un an, j’étais persuadé qu’il allait exploser en Angleterre, que Nottingham ne serait qu’une étape avant de rejoindre la Premier League. Du coup, et sans manque de respect aucun, il y a un sentiment de gâchis en le voyant aujourd’hui à Mouscron. »

Une incompréhension surtout pour ceux qui l’on vu plier bagages il y a un an. « Je suis assez persuadé que c’est parce qu’il a été influés par des agents qu’il a provoqué son départ de Strasbourg », rejoue Faruk Hadzibegic, son premier T1 du côté de Valenciennes. « Pour moi, c’est une évidence qu’il ne devait pas aller en Angleterre. C’était oublier qu’il y a cinq ans, je récupérais un joueur qui arrivait d’Aubagne et qui devait tout apprendre de ce qu’était le football professionnel. »

Placé pour la première fois en 9 par Hadzibegic dans le Nord, Da Costa apprend surtout dans les Hauts-de-France qu’on peut gagner plus en jouant moins haut. À Valenciennes, Da Costa doit d’abord se contenter d’un contrat amateur de 800 euros net par mois. Loin de son statut de joueur phare et protégé dans les séries amateurs en Provence. « On en parle comme s’il s’agissait d’une autre vie, mais c’était il y a seulement cinq ans », insiste Hadzibegic. « Alors, vous savez, la Premier League… Je pense que c’est un homme qui a énormément de qualités, mais aussi le défaut d’être un grand impatient. »

La même précipitation qui avait déjà poussé un jour le néo-international capverdien à prendre son téléphone pour appeler son coach du temps de Valenciennes pour lui demander son bon de sortie. « Quand il m’a contacté un soir pour me dire qu’il voulait partir, j’ai d’abord été vexé. Vexé de voir un joueur avec qui j’avais pris le temps de nouer une relation vouloir me quitter au moment où il aurait commencé à pouvoir donner le meilleur de lui-même. Mais je n’ai pas voulu le braquer, alors je l’ai laissé partir. Mais je reste convaincu qu’il lui aura manqué une ou deux saisons avec moi pour encore franchir un palier. »

DANSEUR ÉTOILE AU BALLET DE STRASBOURG

Ses meilleurs années, Nuno Da Costa décidera de les offrir à Strasbourg et à Thierry Laurey, en Ligue 1. À 26 ans, il découvre le premier échelon du football professionnel français et réalise un rêve.

« À Strasbourg, il a encore franchi un cap. Il a acquis les codes du monde pro qu’il lui manquait encore », pense Laurey. « Par exemple, Nuno a toujours privilégié le beau à l’efficace. Chez moi, il a dû apprendre à se mettre au service du collectif. Mais ça reste un super danseur, capable de grandes partitions individuelles. Et souvent, quand on a la musique dans la peau, ça se retrouve dans le dribble. Il a une souplesse du corps, un mouvement, une fluidité. Il y a quelque chose d’élastique chez lui, de chaloupé. D’autres se casseraient les os dans des situations où il donne l’impression de voler. »

Quand vous luttez chaque semaine contre la relégation, pouvoir compter sur un mec comme ça dans le vestiaire, ça n’a pas de prix.

Thierry Laurey, son coach à Strasbourg

Son plus bel exercice de haute voltige, il l’avait justement déjà réalisé sous la vareuse strasbourgeoise, en mai 2018, contre Lyon. Entré à onze minutes du terme pour inverser la tendance d’un match qui envoie alors Strasbourg tout droit vers la Ligue 2, Nuno Da Costa sort ses plus beaux artifices. Une envolée aérienne pour prendre le dessus sur Mouctar Diakhaby et une tête décroisée pour tromper Mathieu Gorgelin. Avant de provoquer, 120 secondes plus tard, un coup franc à l’extrême limite de la surface lyonnaise, que se chargera de convertir Dimitri Liénard. De quoi assurer la survie du Racing au sein de l’élite. De quoi aussi s’offrir une réputation d’homme imperméable à la pression. « Quand vous luttez chaque semaine contre la relégation, pouvoir compter sur un mec comme ça dans le vestiaire, ça n’a pas de prix », loue Thierry Laurey. « Parce qu’il n’a jamais la tête dans le guidon, il ne sent pas la pression. C’est l’un des gars les plus cools avec qui j’ai eu l’occasion de bosser. »

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