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Nicolas Penneteau, des « pennetades » à N°1 entre les perches zébrées

Guillaume Gautier
Guillaume Gautier Journaliste

Au coeur d’une Pro League qui semble toujours se chercher des gardiens de référence, un portier parti de France avec une réputation de fournisseur de boulettes occupe désormais le peloton de tête. Histoire d’un trentenaire ressuscité.

Longuement retenu dans le couloir des vestiaires carolos par un contrôle anti-dopage, Nicolas Penneteau campe le rôle du héros discret. Un  » je n’aime pas trop les louanges  » en guise de passeport pour garder les pieds sur Terre, après quelques envolées salvatrices une bonne heure plus tôt. Richairo Zivkovic et Zinho Gano ont trouvé les gants du Français sur le chemin qui devait les mener aux filets et à la victoire.  » Nico « , comme le tout-Charleroi l’appelle, est l’homme en forme du moment. Au Freethiel et contre Malines, déjà, il s’était déployé pour sortir des coups francs de Ryota Morioka et de Tim Matthys. Même son approximation hebdomadaire semble avoir disparu.

Penneteau a grandi dans son rôle depuis qu’il est l’indiscutable numéro un entre les perches zébrées.

C’est pourtant avec cette réputation de gaffeur en série que Penneteau a quitté la France, il y a maintenant trois étés. Au bout d’une saison ratée entre les perches de Valenciennes, conclue par un séjour prolongé sur le banc de touche et une relégation, le Français est déçu de ne recevoir aucune offre au sein de l’élite nationale. Seul Claude Makélélé tente alors de l’attirer à Bastia, mais les dirigeants corses ne sont pas chauds à l’idée de faire revenir leur ancien portier au bercail. Étiqueté hors du coup à cause de ses erreurs fréquentes des derniers mois, rebaptisées pennetades dans les travées des enceintes françaises, le taulier des cages de Ligue 1 traverse la frontière pour poser ses valises à Charleroi.

Longtemps mis en concurrence avec Parfait Mandanda, pourtant indéboulonnable dans les buts zébrés depuis deux saisons à son arrivée, Penneteau suscite parfois plus de doutes que celui qui est devenu son numéro 2. La faute à cette fameuse pennetade hebdomadaire, tantôt ballon anodin mal négocié, tantôt sortie loin de sa ligne de but transformée en course folle derrière l’attaquant. La mauvaise réputation traverse alors la frontière, et dans les rapports de scouting préparés par les adversaires du Sporting carolo, on voit souvent à côté du nom du portier français la mention :  » une erreur par match.  » Et lorsque la préparation emmène les Zèbres chez leurs voisins d’outre-Quiévrain, les Français présents dans les tribunes ne manquent jamais d’éclater de rire quand ils voient Penneteau occuper le but adverse, pour accompagner une remarque du style :  » on devrait marquer assez facilement aujourd’hui.  »

Nicolas Penneteau : le style, c'est l'homme.
Nicolas Penneteau : le style, c’est l’homme.© belgaimage

Gardien offensif

Systématiquement présent la saison dernière, mais rarement puni par l’adversaire, ce moment d’égarement semble avoir disparu depuis plusieurs semaines. De quoi porter Penneteau à un niveau encore supérieur à celui qui, il y a douze mois, le plaçait pour certains dans le costume du favori au titre de Gardien de l’année. Lors du gala du Soulier d’or, plusieurs membres de la délégation carolo s’indignaient d’ailleurs en privé de voir le Français absent du podium des derniers remparts, devancé par Ludovic Butelle, Silvio Proto et Matz Sels. Dans la presse, le nom de Penneteau avait pourtant filtré du côté de Gand et d’Anderlecht, alors confrontés à des problèmes de gardiens finalement réglés par Lovre Kalinic et Frank Boeckx.

Le Corse paie parfois le prix d’un style de gardien offensif qu’il a toujours cultivé, entre prises de risques fréquentes dans son jeu au pied (par ailleurs très précis) et dans ses sorties aériennes, souvent loin de sa ligne et parfois trop audacieuses.  » C’est une question de confiance « , se défend l’intéressé.  » Si le staff te dit de sortir sans hésiter, à partir du moment où tu soulages l’équipe neuf fois sur dix en prenant la balle, ce n’est pas grave si tu encaisses un but la dixième fois parce que dans l’ensemble, ça nous rapportera des points. Parfois, j’ai l’impression que les gardiens ont peur de sortir, par peur de la boulette qui ferait perdre sa place.  »

Coïncidence ou pas, le coefficient de sécurité de Penneteau s’est considérablement amélioré depuis la saison dernière, quand Felice Mazzù a décidé d’arrêter de faire  » du ping-pong avec les gardiens  » pour installer l’expérimenté Nicolas dans le costume de numéro un. Une décision qui faisait suite à plusieurs mois de rotation fréquente, Penneteau ayant notamment été renvoyé sur le banc après la fin de match chaotique à domicile contre le Standard, marquée par une remontée folle des Rouches après une interruption due aux pétards qui avaient martyrisé les oreilles du gardien carolo.

Militant de vestiaire

Même lors de ce passage sur le banc, Nicolas Penneteau restait un rouage important de la mécanique zébrée. Face à Ostende, par exemple, il avait coaché Mandanda depuis le banc de touche lorsque Cyriac s’était présenté devant lui pour tirer un penalty. Dans le vestiaire, le Corse a rapidement intégré le fameux  » conseil des sages « , servant de relais entre Mazzù et son groupe pour indiquer les embryons de problèmes potentiels.

Cette attitude, fil conducteur de la carrière du gardien, il l’avait définie d’emblée à son coach, précisant dès leur premier entretien qu’il avait besoin d’une relation d’échange avec son staff et son club, dans son désir de s’installer dans un projet à long terme. Jamais avare en discussion avec son coach spécifique, Michel Iannacone, Penneteau s’intéresse beaucoup à la tactique, et c’est d’ailleurs cette faculté à coacher les siens qui amène Mazzù à le placer au-dessus de Mandanda dans la hiérarchie.

 » J’aime donner mon avis et discuter « , confirme le Corse. C’est d’ailleurs lui qui, la saison dernière, prend la parole face à Mehdi Bayat dans le vestiaire, après un match compliqué à domicile. Le groupe se plaint de l’état de la pelouse, renommée  » dunes de Wallonie  » quelques semaines plus tôt par Francky Dury, et Penneteau fait comprendre à son patron qu’il est difficile de dominer des adversaires modestes dans des conditions de jeu si difficiles.

Passionnément pro

Dans les travées du Mambour, tout le monde le présente instantanément comme un joueur exemplaire. Chaque matin, il pousse avec le sourire la porte des vestiaires, généralement déserts, pour faire quelques exercices spécifiques en salle de musculation. Sa longévité inspire le respect aux plus jeunes membres du groupe carolo, qui ne cachent pas leur admiration pour un joueur qui a consacré sa vie à son sport.

Le football ne quitte jamais l’esprit de Nicolas Penneteau. Il n’hésite pas à faire la route jusqu’à Reims pour aller voir son fils aîné, attaquant de 17 ans, faire trembler les filets de l’autre côté de la frontière. Quant à Matteo, son deuxième enfant, Nico profite de chaque période de vacances pour l’emmener aux entraînements de Charleroi et lui infliger, à domicile, quelques séances spécifiques  » entre gardiens « .

Chez lui, le vétéran corse passe beaucoup de temps devant la télévision, sur laquelle il confie regarder  » une dizaine de matches chaque semaine « , et lit régulièrement des bouquins consacrés au ballon rond, comme celui de Diego Simeone qui fait également partie de la bibliothèque de Felice Mazzù.

Une telle passion ne devrait forcément pas s’arrêter d’un seul coup au mois de juin 2019, date d’expiration du dernier contrat paraphé par Penneteau dans le bureau de Mehdi Bayat. S’il envisage encore de garder les gants au bout des doigts pour trois ou quatre années, Nico réfléchit déjà à sa reconversion. Sur les terrains, évidemment. Et Felice Mazzù en est déjà persuadé :  » D’ici quelques années, il deviendra un très grand entraîneur.  » Le rendez-vous est pris.

Nicolas Penneteau, des
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LE CAS MANDANDA

La loi tacite du football raconte que les grands clubs doivent pouvoir compter sur deux grands gardiens. Mais dans l’ombre du premier des derniers remparts, la vie de gardien remplaçant comporte son lot de jours de galère. Confiné aux matches de Coupe ou aux rencontres sans enjeu depuis plus d’une saison maintenant, Parfait Mandanda n’a jamais caché la difficulté de sa situation quotidienne. Pourtant, au mois d’octobre dernier, Mehdi Bayat a annoncé via son compte Twitter que le portier congolais avait prolongé son séjour au Mambour. Étonnant quand on sait que la veille, c’était le contrat de Nicolas Penneteau qui avait été allongé jusqu’en juin 2019.

Pourquoi Mandanda, dont la possibilité d’un prêt a été maintes fois évoquée cet été, a-t-il fait ce choix ? Le frère de Steeve, le gardien de Marseille, a sans doute été convaincu par la durée de son bail, long de cinq saisons, qui fait de lui l’un des joueurs les plus longuement liés au club, en compagnie de l’enfant de la maison qu’est Dorian Dessoleil. Un contrat certainement assorti de garanties en matière de temps de jeu, puisque le club devrait lui confier le statut de numéro un à la fin de l’ère Penneteau.

La saison euphorique vécue par l’équipe, et ses nombreuses affinités au sein du groupe, aident Parfait à surmonter la situation.  » C’est plus facile à vivre quand l’équipe marche fort « , concède le Congolais, relais numéro un dans le vestiaire de l’objectif Coupe prêché à l’envi par Mehdi Bayat. Car la fin de l’aventure Croky pourrait rimer avec une fin de saison prématurée pour Mandanda.

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