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Mouscron: les coulisses d’une lutte pour la survie

Pierre Danvoye
Pierre Danvoye Pierre Danvoye est journaliste pour Sport/Foot Magazine.

Mouscron joue sa survie en D1A. Et sa survie tout court. On s’infiltre dans les coulisses.

Le coup de la grève est passé tout près. À la mi-mars, il a fallu une discussion entre le noyau et la direction, avec un représentant du syndicat Sporta comme démineur, pour que les joueurs de Mouscron acceptent de ne pas stopper le boulot. Dans cette conversation, le directeur Paul Allaerts a rassuré, l’argent des salaires de février allait arriver. Et il est finalement arrivé.

Merci le LOSC. Tout partait de là. Le club français se faisait tirer l’oreille. Frappé, comme toutes les équipes du monde, par la crise et la diminution des rentrées, il ne voulait pas assumer un versement convenu au moment où Gérard Lopez a repris Mouscron, lors de l’été 2020. Entre-temps, Lopez a été dégagé de Lille où on lui reprochait une gestion financière dramatique, et la nouvelle direction se sentait donc moins tenue. Mais tout est rentré dans l’ordre. Avec une certitude, prononcée officiellement par la nouvelle équipe dirigeante du LOSC: après le 30 juin prochain, il n’y aura plus aucun lien, plus aucun mouvement d’argent et de joueurs, entre le club nordiste et l’Excel. Clap de fin.

Bientôt un sixième propriétaire en sept ans?

Il y a, à côté de ce fait avéré, une grosse incertitude. Qui sera le propriétaire du club dans quelques mois? L’Excel en est à son cinquième actionnaire principal depuis 2014: le LOSC, deux fonds d’investissement maltais, l’invisible Thaïlandais Pairoj Piempongsant, Gérard Lopez aujourd’hui. Mais on n’a pas la conviction que l’homme d’affaires hispano-luxembourgeois ait envie de prolonger son investissement. Il ne le dit pas clairement en tout cas. Son but était limpide quand il a repris le club: mettre en vitrine et faire grimper la valeur marchande de joueurs du LOSC, trop courts pour jouer un rôle dès maintenant en équipe A, mais trop bons pour disputer le championnat de CFA2 où ils venaient d’être rétrogradés, avec Fernando Da Cruz aux commandes.

Dès la saison prochaine, il n’y aura donc plus cette possibilité puisque Lille ne veut pas prolonger l’aventure. Le LOSC a prêté une douzaine de joueurs, avec une réussite sportive très relative, et prend en charge l’intégralité de leur salaire jusqu’à la fin de la saison. Pour le prochain championnat, il faudra faire un nouveau noyau. Et donc débourser de l’argent, en transferts et en salaires. Ce que Lopez ne semble pas décidé à faire.

La bourgmestre persona non grata

Dans les coulisses, on entend que Gérard Lopez prie pour que l’Excel assure son maintien, ce qui lui permettrait de revendre à un prix correct. Il sait qu’en cas de chute en D1B, le matricule ne vaudra plus grand-chose. Le businessman ne veut plus assumer seul. Une autre possibilité serait qu’il trouve des investisseurs pour l’assister. On entend aussi que d’autres personnages-clés de la direction agiraient chacun dans leur coin pour trouver des repreneurs. Sans avoir la certitude que Lopez est réellement vendeur.

C’est le flou et certains l’entretiennent jalousement. Ainsi, il nous revient qu’une réunion vidéo a été programmée récemment entre Gérard Lopez et le président Patrick Declerck. Ils allaient forcément évoquer l’avenir. Un employé du Futurosport a eu vent de ce rendez-vous et a mis la bourgmestre Brigitte Aubert au courant. La patronne de la Ville a demandé à être invitée. Comme beaucoup de monde à Mouscron, elle voudrait y voir plus clair sur l’avenir du club. Mais elle a été boycottée, pas invitée, pas tolérée. Brigitte Aubert estime qu’elle a sa place dans des conversations sur le futur de l’Excel à partir du moment où la Ville est propriétaire des installations. Et puis elle se doute que si le club meurt, on va reprocher à sa majorité de n’avoir rien fait. Participer à cette réunion à distance, pour elle, c’était une façon de se protéger politiquement.

La licence (à nouveau) en danger

Il y a un an, sans le rachat par Gérard Lopez et les garanties financières apportées par Lille, Mouscron aurait peut-être été déclaré en faillite. C’est ce rachat et ce document de garantie qui ont permis d’avoir la licence. Et Lopez ne s’est pas ruiné dans l’aventure. On évoque un montant de rachat de quatre millions, il a encaissé la somme de la vente de Jean Butez à l’Antwerp et obtenu douze joueurs lillois en prêt sans devoir payer leur salaire. En plus de la garantie signée par le LOSC et transmise à la Commission des Licences.

Aujourd’hui, plus rien de tout ça. Les Lillois devront être remplacés, il n’y a pas beaucoup de jeunes du cru prêts pour l’équipe première, aucun Hurlu n’est vraiment bankable et il n’y a plus personne pour fournir une garantie de continuité financière au département des licences. Pour obtenir le sésame, une seule solution: mettre la main au portefeuille. Il faudra prouver que six millions d’euros sont disponibles pour la campagne 2021-2022. On pourrait donc repartir pour un nouveau tour de carrousel avec une licence contestée par des adversaires si Lopez ne s’engage pas. À Waasland-Beveren, on suit le dossier avec intérêt. La Commission doit rendre ses verdicts pour le 14 avril.

Un proche du dossier ouvre une autre porte: « Descendre en D1B et remettre un dossier de licence beaucoup moins contraignant. Avec la crise, la Commission va quand même être plus coulante. Le RWDM tourne cette saison avec un budget de moins de trois millions, ce serait possible de trouver cette somme pour Mouscron parce que s’il y a un vrai projet local, avec des joueurs de la région, des entreprises sont prêtes à monter sur le bateau. Mais pour le moment, les dirigeants brûlent des cierges pour que Gérard Lopez reste et avance l’argent pour recevoir la licence de D1A. »

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