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Mazzù : « Ma fierté, c’est d’avoir donné un nom à mon père »

Bruno Govers

Invité dans les locaux de Sport/Foot Magazine, Felice Mazzù retrace son parcours atypique, qui l’a mené des séries provinciales à la Division 1. Voyage entre Pays noir et tableau noir, avec une bonne dose d’humanité en toile de fond. Extrait.

Est-ce que ta philosophie de jeu est restée la même, des provinciales à la D1 ?

MAZZU : Oui. Il y a une chose que je ne retirerai jamais de mon credo, c’est le plaisir. Je l’ai toujours mis en évidence. Ça ne veut pas dire que tout le monde fait n’importe quoi. Mais j’estime que dans tout ce qu’on fait dans la vie, il faut être heureux. Et le résultat sera meilleur, parce que quand on prend du plaisir on est beaucoup plus productif. Donc, je veux toujours que les joueurs se sentent bien. J’ai besoin de sentir que les gens sont heureux. Et ma manière de travailler en découle : dans tous les entraînements, je suis un adepte du jeu. Même mon travail tactique, je le fais sous forme de jeu.

Concrètement, comment tu rends tes joueurs heureux à l’entraînement ?

MAZZU : Pour moi, le football c’est le ballon. Pour lancer le javelot, il faut le javelot. Au foot, il faut le ballon. C’est la chose la plus importante. Et je me bats, tous les jours, avec tous les entraîneurs de jeunes que je croise, pour que tous les entraînements de jeunes soient faits de la première à la dernière seconde avec le ballon. C’est interdit de faire autre chose. Parce qu’on peut tout faire avec le ballon : courir, faire crever les joueurs… Le préparateur physique fait évidemment des séances sans ballon, mais Mario Notaro et moi, on utilise le ballon, même quand on veut mettre un paramètre physique dans un atelier. J’ai la chance de pouvoir compter sur un staff extraordinaire, où tous les gens me soutiennent alors qu’ils auraient pu me prendre de haut lors de mon arrivée à Charleroi.

Tu accordes beaucoup d’importance à la relation avec tes joueurs ? Tu veux aussi les connaître en tant qu’hommes ?

MAZZU : Je pense avoir un bon contact avec mes joueurs. Je communique beaucoup avec eux. J’essaie de connaître leur vie privée. Quand je dis connaître leur vie privée, je parle de savoir s’ils ont des besoins familiaux par rapport à leur femme ou à leurs enfants. Après, ça s’arrête là. Quand un joueur a des soucis avec sa famille, j’essaie de les aider en leur accordant des préférences, ou plus de liberté. Je parle beaucoup avec eux. Un joueur qui ne joue pas saura toujours pourquoi il ne joue pas. Même chose si un joueur est remplacé sans comprendre pourquoi, alors qu’autre chose avait été prévu.

Être entraîneur en première division, ça a fait de toi un homme différent ?

MAZZU : Mazzù, c’est toujours Mazzù. Il s’habille avec des jeans, il s’occupe de ses enfants quand il peut, il a une femme qui travaille, il fait les courses… Voilà. Je suis juste entraîneur en D1, j’ai un niveau de vie un peu plus élevé, j’ai une belle voiture, mais je ne pense pas avoir changé fondamentalement. Je vis de la même manière. J’ai toujours ma maison, que j’ai achetée et retapée pendant quinze ans quand j’étais enseignant. Rien n’a changé.

Le football ne t’a pas changé ?

MAZZU : Le football m’a rendu confiant en moi, en mes capacités. Donc, je suis devenu confiant dans la communication alors que j’étais quelqu’un de très timide face aux gens. Dans mon enfance, je n’avais pas la possibilité de sortir faire des choses, donc on ne faisait rien. Maintenant, quand je ne suis pas content, j’ose le dire à quelqu’un, alors que ce n’était pas le cas avant ma période foot.

Quelle est ta plus grande fierté, dans ce que tu as accompli jusqu’ici ?

MAZZU : Ce dont je suis le plus fier, c’est que Mazzù est devenu un nom connu à Charleroi. Pas pour moi : pour mon père. Il est parti d’un petit village de 50 personnes en Calabre, détruit par la guerre. Et aujourd’hui, il reçoit du monde dans sa petite maison ouvrière, des gens qui viennent lui demander des autographes ou des t-shirts. Quand il va sur le marché, on lui offre ses légumes. Ce n’est pas le fait que ce soit gratuit, hein. Mais ma fierté, c’est ça : avoir donné un nom à mon père. Aujourd’hui, il est heureux. Et si ça peut lui donner quatre ou cinq ans de vie en plus, pour moi c’est la plus grande fierté. Le reste, ce n’est pas important.

Par Geert Foutré, Guillaume Gautier, Bruno Govers et Jacques Sys

Retrouvez l’intégralité de l’interview de Felice Mazzù dans votre Sport/Foot Magazine

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