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Mats Rits: « Je suis heureux d’avoir déjà pu me montrer »

Mats Rits (25 ans) évoque la façon dont il a fait son deuil après la relégation de Malines et des moments difficiles.  » Quand on est jeune, on pense que ça n’arrive qu’à soi. Puis on regarde les autres dans le vestiaire et on réalise que tout le monde a connu la misère. « 

Pour la première fois depuis le début de la saison, Mats Rits s’est retrouvé sur le banc mercredi. Ce n’est pas tout à fait une surprise : après quelques mauvais résultats, Marvelous Nakamba a pris sa place. Il le sentait venir et, après quelques remarques suite au match nul contre Waasland-Beveren, il avait même demandé à ce qu’on lui mette le match sur une clef USB afin qu’il qu’il puisse le revoir.

On avait en effet soulevé quelques questions quant à son jeu mais aussi quant au fonctionnement de toute l’équipe. Et comme la perception sur le terrain est parfois différente, Rits voulait vérifier certaines choses. Maintenant, c’est à lui de se battre pour retrouver sa place.

 » Naka a gagné ses galons la saison dernière « , dit Rits.  » Quand on débarque à Bruges, on sait qu’il y aura de la concurrence. Si Naka prend ma place, je serai déçu mais je pense déjà au prochain match.  »

La déception, il connaît. Il se console en se disant que ses premiers mois à Bruges ont été bons. Meilleurs que prévus, même. Lorsque Bruges est venu le chercher, c’était pour suppléer éventuellement Ruud Vormer ou Hans Vanaken à une des deux places de médian offensif.  » Je savais que je ne prendrais pas leur place « , dit-il.

En cours de préparation, c’est donc à ces places qu’il a joué. Jusqu’à ce que Nakamba se blesse.  » Alors, on m’a aligné en 6. Ruud aurait pu jouer à cette place aussi mais il était plus logique qu’on le laisse là où il jouait. Donc, au cours de la dernière semaine de préparation, nous avons quelque peu changé.  »

Jamais en 6

Pour lui, c’était une nouvelle expérience :  » À Malines, j’avais joué un peu partout mais jamais en 6. Quand on jouait en 4-4-2, on était deux dans l’axe. Et quand on jouait de la façon dont Bruges joue actuellement, j’étais un des deux plus offensifs. En 6, c’était nouveau mais ça fait quand même longtemps que je joue au football et j’ai été formé à l’Ajax. Je pense que, tactiquement, on y est mieux formé qu’ailleurs. Je me suis dit que je devais y arriver.  »

Les atouts de Nakamba, c’était/c’est d’être intraitable au duel et de chasser le porteur du ballon. Son problème ? Parfois, il défend trop haut et ne voit pas ce qui se passe dans son dos. Ou alors, il se laisse entraîner sur les flancs. Ces dangers, Rits les connait :  » Ce qu’un 6 doit faire dépend un peu de l’adversaire et de son système de jeu. Il doit parfois récupérer des ballons et lancer la contre-attaque mais, dans certains matches, il est très impliqué dans la construction. Dans ces cas-là, une formation de numéro 10, ça aide. Je pense qu’une de mes forces, c’est ma capacité à m’infiltrer. Mais à ce poste, ce n’est pas possible. Parfois, je vois des espaces mais je me dis : Stop ! Ta place, c’est devant la défense. Je suis un verrou, je dois rester. Je m’en suis très vite convaincu. Et on me l’a dit clairement. Ivan Leko demande à son 6 de jouer simplement. Pas de dribble, élargir le jeu de dix, vingt mètres en deux ou trois touches de balle. Ne pas se laisser enfermer, c’est le plus difficile. Et il faut toujours savoir ce qui se passe dans son dos, anticiper. Prendre l’homme devant soi, c’est le plus simple, surtout s’il vous tourne le dos.  »

Mats Rits:
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Lorsque Nakamba a été rétabli, Rits a conservé sa place. À Bruges, on était content du nouveau. Jusqu’à mercredi dernier, donc.  » Je suis content de ce que j’ai montré jusqu’ici « , dit Rits.  » J’ai joué plus que prévu, beaucoup plus même. Et j’ai pu prouver que j’avais ma place. Quand on est nouveau, c’est important.  »

Penalty loupé

Avant cela, il a vécu la relégation de Malines, dont on a beaucoup parlé. S’il la sentait venir ?  » Non. On sortait d’une très belle saison au terme de laquelle on avait échoué de justesse aux portes des play-offs 1 alors qu’on aurait dû se qualifier. Tout allait bien : les matches étaient bons, le système de jeu était clair. On avait livré une saison fantastique. Puis, au début de la saison suivante, quelques matches ont tourné à notre désavantage.

Les saisons précédentes, il ne nous fallait qu’une occasion pour marquer. Ici, tout se passait toujours mal. Je pense que Zulte Waregem est en train de vivre la même chose. Voyez son match à Charleroi… C’est typique. Et c’est triste. La seule chose qu’on puisse faire dans ces moments-là, c’est travailler dur. On se l’est dit 100.000 fois en interne. Pour le dire platement : on devait bouffer l’herbe et continuer, relever la tête après une mauvaise passe. Ça doit toujours être le cas mais encore plus dans ces moments-là. Et malgré ça, ça n’a pas marché.

Le noyau manquait-il de qualité ? Je ne sais pas. Tout le monde prétendait qu’on avait une meilleure équipe que la saison précédente. Je n’irai pas jusque là mais elle n’était pas beaucoup plus mauvaise. Je ne peux vraiment pas dire où est la différence entre les play-offs 1 et la relégation. C’est un concours de circonstances : une spirale négative, la poisse dans plusieurs matches, le manque de confiance…  »

Et un penalty manqué à un moment crucial face à Charleroi.  » Oui. Ça a été un moment très difficile pour moi. Certains supporters m’en ont voulu et je les comprends. C’est leur club de coeur. Mais c’était très dur pour moi aussi. J’ai dû tirer ce penalty en raison de certaines circonstances et le gardien l’a arrêté.  »

Contacté par d’autres agents

De quelles circonstances parle-t-il ?  » Certains joueurs avaient été désignés mais ils étaient sur le banc et l’autre était celui sur qui on avait commis la faute. Une règle non écrite dit que, dans ces moments-là, il ne faut pas tirer un penalty. Ça se passe comme ça dans beaucoup de clubs, même si je ne sais pas pourquoi. J’ai donc pris mes responsabilités. Ce n’était pas une erreur mais j’aurais dû marquer. C’est comme ça.  »

Mats Rits
Mats Rits© belgaimage

Ces derniers temps, on a beaucoup reparlé de la relégation. Son agent est en prison et il ne veut pas parler de cette affaire. Est-il dégoûté du football ?  » Dégoûté, non. Mais ça fait peur. Dans tous les secteurs, il se passe des choses qui n’ont pas lieu d’être et c’est le cas en football aussi. J’ai déjà été contacté par d’autres agents. Pas de problème pour moi : le malheur des uns fait le bonheur des autres. C’est cynique ? Je m’y attendais.  »

Après la relégation, dès le 28 mars, les joueurs de Malines ont cessé de s’entraîner. Qu’a-t-il fait de ses journées ?  » Le week-end, je m’octroyais deux jours de congé, comme n’importe quel travailleur. En semaine, je m’entraînais individuellement. Le matin, je courais – un circuit d’une douzaine de kilomètres – puis j’allais voir Bart et Dieter, les kinés de Malines.

Le club nous avait fait un plan d’entraînement qui commençait par deux semaines de repos mais je ne l’ai pas suivi. Je n’avais pas envie de rester sans rien faire. Je n’étais pas en vacances, ma copine travaillait, mes amis aussi. J’étais tout seul. Donc, je suis allé courir et j’ai beaucoup réfléchi. J’étais tout seul à la maison, tout seul pour courir… (il rit). J’ai beaucoup amélioré ma condition physique, cela s’est vu quand j’ai passé les tests ici.  »

Le top et l’enfer

Quand il a débuté en D1 à l’âge de 16 ans (avec deux buts contre Westerlo), il avait affirmé qu’un jour, il jouerait dans un grand club. A-t-il atteint son objectif ?  » Question difficile. Quand on débute en D1 à l’âge de 16 ans, on vit beaucoup de choses. J’ai connu le top et l’enfer. Quand, à 19 ans, on passe de l’Ajax à Malines, on ne peut pas dire qu’on va remonter la pente !

Il faut d’abord montrer qu’on a le niveau, qu’on peut jouer un rôle important dans sa nouvelle équipe puis se dire qu’on envisagera ce qui se présente. C’est ce que j’ai fait : je me suis fait une place et j’ai essayé de confirmer. Puis, après quelques années, j’ai saisi une autre chance. Et je suis heureux de jouer en Ligue des Champions avec Bruges.

Regardez ce vestiaire. Presque tout le monde a pour ainsi dire connu la misère. Le tout est de s’en sortir. Quand on est jeune, on pense que ça n’arrive qu’à soi. Et on en veut au monde entier, y compris parfois à soi-même. Cette saison aussi, j’ai dit à mon père que j’étais trop juste. Il faut pouvoir le dire.

 » À partir de quand ai-je livré une bonne saison ? À partir de l’âge de 22 ans. Là, j’ai senti que j’avais un bon niveau. Je jouais parfois moins bien mais je faisais toujours mon boulot et j’étais content alors qu’avant, je ne me serais pas contenté de ça, j’aurais forcé. Alors, on m’aurait dit que j’étais jeune et que je devais réfléchir. Tout ça était vrai. Est-ce lié au physique ? Oui, sans doute. Ai-je éclos sur le tard ? Dire cela, c’est exagéré car je n’avais que 21-22 ans.

Ceux qui sont prêts à 16 ou 18 ans sont des exceptions. Souvent des Africains. Et je n’en suis clairement pas un (il rit). En vieillissant, on apprend à faire face aux moments difficiles parce qu’on se connaît mieux, on est plus calme. Les moments creux, je pense que c’est une question de personnalité. Je suis un type positif. Peut-être que quand on est négatif, on sombre davantage.  »

Chacun son truc

Des conseils à donner aux autres ?  » Je pense que chacun vit cela à sa façon. J’ai toujours accordé beaucoup d’importance à ma famille, à ma copine, aux amis… En faisant des choses avec eux, j’ai mis certaines choses de côté. Quand on allait manger, on parlait peu de football. Il fallait que je m’aère l’esprit. Et que je travaille dur. Ce n’est pas parce que je ne joue pas demain que je vais stopper le fitness ou les soins. Au contraire : je vais courir encore plus.  »

Comprend-il désormais pourquoi certains entraîneurs l’ont écarté ?  » Parfois oui, parfois non. Jos Daerden le faisait régulièrement au Beerschot et je comprends mieux. On veut toujours jouer. C’était déjà le cas à l’époque, même si je n’avais que 16 ans et que l’équipe traversait une période difficile. Mais je comprends désormais que le coach ne voulait pas prendre de risque. Car à l’époque, j’étais un risque… Si le coach peut m’expliquer ce que je ne fais pas bien à ses yeux, je n’ai pas de problème. Je dois juste savoir où je dois progresser. Je ne suis pas obligé d’être d’accord avec lui mais je dois savoir ce qu’il attend de moi.  »

Le mouvement de Leko

Au Beerschot, Mats Rits a joué avec Bart Goor, Faris Haroun, Wim De Decker, Daniel Cruz et… Ivan Leko. Comment était ce dernier ? Rits :  » Ce n’était pas celui qui bossait le plus, il l’a d’ailleurs reconnu ( il rit). Techniquement, c’était un bon joueur. Un chouette type aussi. Il était très présent dans le vestiaire. Je n’étais pas chaque jour à ses côtés mais je n’ai jamais senti qu’il serait un jour entraîneur. Sur le terrain, il faisait toujours le même mouvement, à l’entrée du rectangle : il rentrait dans le jeu et tirait d’un angle fermé, entre les jambes du gardien… Plus tard, j’ai inscrit quelques buts comme ça et, à chaque fois, j’ai pensé à lui. C’est idiot mais il le faisait parfaitement et ça marchait à tous les coups. « 

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