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Mata arrive

Guillaume Gautier
Guillaume Gautier Journaliste

Pour la quatrième fois de la saison, la route de Clinton Mata croise celle de Charleroi. Un club qui est toujours son employeur. Mais pour combien de temps ?

Feuilletonné par la presse, au coeur de semaines d’intersaisons rendues creuses par l’absence de compétition internationale, le transfert de Clinton Mata a traversé l’été à la Une des journaux. Longtemps cité à Anderlecht, où le latéral droit angolais devait aboutir au bout d’un dossier téléguidé par Mogi Bayat, le meilleur Zèbre de la saison écoulée s’engageait finalement avec Genk, sous forme d’un prêt sec pour l’ensemble de la saison.

Une décision qui, à l’époque, avait surpris. Pourquoi dire non au champion en titre, et à la perspective de disputer la Ligue des Champions, pour finalement s’engager avec un club qui sortait d’une saison de play-offs 2, avec une année sans Coupe d’Europe à tirer ?

L’histoire est désormais connue. Clinton Mata, mis en appétit par les récits d’outre-Manche de Christian Kabasele, l’un de ses meilleurs amis, rêvait tout haut de sauter du tremplin carolo pour rejoindre une escouade de Premier League. Impossible, lui rétorquait-on au sein du club zébré, insistant sur le fait qu’un club anglais préférerait certainement attendre une année de confirmation en mauve, quitte à ouvrir plus grand son portefeuille en cas d’explosion à plus grande échelle du talent du Verviétois. Quelques mois plus tard, c’est avec ironie que Mata a dû découvrir le départ de Dodi Lukebakio pour Watford, en ligne directe depuis le Pays Noir.

Clinton Mata à Genk, c’est une situation win-win-win.

Désabusé par le comportement de son agent, Clinton a claqué la porte de la Bayat Company, en même temps que celle d’Anderlecht, bouleversant les plans des deux Sporting. Surtout du carolo, qui se voyait privé d’un montant de trois millions d’euros à déposer dans son coffre-fort. Écarté des sélections en tout début de saison, quand son départ semblait déjà inéluctable, Mata a alors continué à chercher une porte de sortie, confiant les clés de son avenir au sulfureux John Bico.

Ce dernier a tenté de réactiver la filière anglaise, faisant jouer des relations tissées lors du transfert d’ Eden Hazard à Chelsea. Pas franchement intéressés par la perspective d’un achat et d’un prêt dans la foulée, les Blues ont décliné une construction à trois qui devait se faire avec Genk, point de chute annoncé. Finalement, le deal s’est donc conclu sans l’intermédiaire londonien.

UN DEAL, TROIS GAGNANTS

Parfois conclus dans l’urgence, quitte à léser l’une des parties, les accords de fin de mercato ne sont pas toujours bien pensés. Celui du prêt de Mata, s’il semble étrange au premier abord, laisse pourtant l’impression d’une situation de win-win-win, au moment de l’analyse. Charleroi, d’abord, se débarrasse d’un épineux problème de gestion de vestiaire, car la promesse avait été faite la saison dernière à Stergos Marinos qu’il obtiendrait un statut de titulaire après le départ de Mata, mis en vitrine en vue d’un transfert.

En outre, les Zèbres encaissent un montant de 750.000 euros dans l’aventure, tout en conservant la main sur l’avenir d’un joueur dont ils possèdent encore 75 % des parts. La somme versée par Genk leur permet en effet d’acquérir un quart de la valeur de Clinton, estimé à trois millions d’euros, à savoir le montant qu’Anderlecht était prêt à débourser pour l’attirer à Bruxelles.

Du côté de Genk, on devait également parer à une situation d’urgence au poste de latéral droit. Le départ de Timothy Castagne pour l’Italie, précipité par les problèmes cardiaques d’un Thomas Foket qui était la cible initiale de l’Atalanta, a laissé le seul Joakim Maehle à l’arrière droit. Le Danois, dont le potentiel devait encore être assorti d’expérience, ne semblait pas prêt aux yeux de Dimitri De Condé à assumer d’emblée un statut de titulaire, et l’arrivée de Mata permettait donc au Racing d’assurer en douceur la transition entre Castagne et Maehle, tout en comblant le passage avec le prêt d’une valeur sûre, consacrée  » meilleur arrière droit du championnat  » par la majorité des suiveurs l’année précédente. Les 750.000 euros dépensés dans l’aventure pourraient, en outre, être remboursés en cas de vente de l’Angolais pour 3 millions d’euros à la fin de la saison. Voire offrir quelques centaines de milliers d’euros de bénéfices en cas d’explosion de la valeur du joueur.

Mata, lui, s’est installé à Genk en poursuivant son rêve d’un futur au-delà des frontières. Son ami Kabasele n’a pas manqué de lui rappeler que les Limbourgeois jouissaient d’une réputation flatteuse sur le continent européen, et qu’ils vendaient souvent leurs meilleurs joueurs à des clubs plus prestigieux qu’Anderlecht. Là où le Sporting envoie Stefano Okaka à Watford ou Aleksandar Mitrovic à Newcastle, Genk vend Sergej Milinkovic-Savic à la Lazio, Kalidou Koulibaly à Naples ou Leon Bailey à Leverkusen. La Luminus Arena ne quitte jamais le viseur des meilleurs scouts d’Europe, et Mata reçoit, dans le Limbourg, la garantie d’une saison sous les projecteurs.

PUBALGIE ET AVENIR

Le début de l’histoire ne se passe pas comme prévu. Genk prend un faux départ, et Clinton Mata passe deux mois loin des terrains à cause d’une pubalgie qui lui occasionne la plus longue indisponibilité de sa jeune carrière. Finalement, l’Angolais se relance, et renoue avec son meilleur niveau au début des play-offs, quand il neutralise Anthony Limbombe, tout juste devenu Diable rouge.  » C’est vraiment le meilleur arrière droit du pays « , affirme-t-on dans les rangs brugeois.

S’il se plaît beaucoup dans le Limbourg, où il s’est installé à Zutendaal, et dans un vestiaire du Racing où le mélange des cultures ne l’empêche pas de conserver son rôle d’ambianceur, il serait étonnant de voir Clinton Mata prolonger son aventure à Genk. D’abord, parce que les négociations avec Charleroi seraient ardues. Ensuite, parce qu’il bloquerait l’éclosion de Maehle, déjà auteur de cinq passes décisives pour sa saison d’adaptation. Et enfin, parce que s’il conserve son niveau dans les semaines qui viennent, l’étranger lui tendra les bras. Genk et Charleroi, eux, pourront certainement se consoler de la perte sportive en contemplant le bilan comptable avec le sourire.

Par Guillaume Gautier

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