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Les supporters de Genk vont-ils trop loin ?

Les confrontations entre le Standard et Genk sont de plus en plus électriques au fil des années. Sur le terrain mais aussi en tribune. Analyse d’un phénomène persistant.

Quand le Standard se rend en terre limbourgeoise en début de saison, on ne donne pas cher de sa peau. Après neuf journées de championnat, les Liégeois occupent l’avant-dernière position. La rencontre tombe au plus mal mais il faut faire face. Question de prestige. Les Rouches sont finalement balayés (3-1). La revanche a lieu quatre mois plus tard en Coupe de Belgique. Un jour après avoir vandalisé le stade (murs tagués, portes et microphones brisés, ndlr), les Standardmen éliminent la bande à Nikos Karelis à la Cristal Arena.

Dès l’égalisation liégeoise par Adrien Trebel à la 27e minute, qui anéantit tout espoir de finale pour les limbourgeois, les chants communautaires vont redoubler d’intensité. Et les supporters de Genk entament leur couplet devenu célèbre :  » Et les Wallons, c’est du caca. «  Quelques jours plus tard, un café aux couleurs liégeoises situé à Looz, dans le Limbourg, sera même attaqué.

Une faible affluence francophone

S’il n’est pas rare de retrouver un néerlandophone dans les tribunes de Sclessin (13 clubs de supporters rouches sont issus de Flandre), la comparaison fait défaut quand on met en parallèle ces chiffres avec ceux de Genk. Aucun club de supporter ne traverse la frontière linguistique pour se rendre dans le Limbourg. Le Wallon s’y fait plutôt discret.

Dans l’ancien Stade du Phoenix, on croise toutefois Jean-Michel, originaire de Tournai :  » Quand je vais à Genk, nous sommes toujours bien reçus. Je m’y rends régulièrement avec mon fils de 17 ans. Le club apprécie que nous faisions autant de kilomètres pour venir soutenir l’équipe, je ne paie d’ailleurs jamais le parking. Mon fils est, lui aussi, gâté. Il a déjà reçu une écharpe de la part du club. Tout ça parce que ça les intrigue de voir des Tournaisiens faire le déplacement pour eux.  »

Il faut dire que Jean-Michel fait plus de deux heures de trajet à chaque match pour voir évoluer les Bleu et Blanc. Il semble vouer une admiration pour le jeu offensif de l’équipe même s’il avouera que le club perd petit à petit ses fondements.

 » Je dois bien avouer que lorsque j’entends les chants anti-wallons, ça ne me plaît pas. Je viens au stade avec mon fils depuis de nombreuses années. En tant que père, ce n’est pas ce que je veux que mon fils entende. ».

Incompréhension sur le fond

Le Tournaisien tient toutefois à ne pas mettre tout le monde dans le même sac :  » Je tiens à souligner la réaction des supporters qui m’entourent. Sachant que nous sommes francophones, ils nous regardent tout de suite dès que ça dérape. Je ne sais pas si c’est par gêne mais ils semblent presque s’excuser pour les autres. « .

Et, parfois, on range ses inimitiés de côté et sa provoc déplacée quand les événements sont graves. Le 18 décembre 2011, à la suite de la tuerie commise place Saint-Lambert à Liège, les Genkois rendent un vibrant hommage aux victimes. Ils arborent dans les tribunes de Sclessin une banderole saluée publiquement :  » Les larmes n’ont pas de couleur « .

Une simple éclaircie certes. Les chants anti-wallons se perpétuent. Mais du côté limbourgeois, on préfère calmer le jeu :  » Ca a toujours existé « , insiste Rudy Claessens, président de l’OSV (organisation coordinatrice des supporters de Genk). Il précise :  » C’est devenu un problème parce que ça ne marche pas au niveau politique. Je ne pense pas personnellement que ça part d’une mauvaise intention.

Le foot se vit dans l’émotion. Et, dans les tribunes, tous les moyens sont bons pour déstabiliser et rabaisser son adversaire. Mais les chants sont devenus interdits par la loi, donc on n’a pas d’autres choix que de la respecter. On essaye de punir au maximum les fauteurs de trouble « .

Ludique et taquin, vraiment ?

Lors de la saison 2008-2009, les Genkois se font tristement remarquer par leurs chants anti-wallons lors de la rencontre opposant leur équipe à l’AFC Tubize. Louis Derwa, alors manager du club, monte sur le terrain en guise de protestation. L’affaire rentre dans l’histoire. L’Union Belge s’empare du dossier et conclut : les supporters de Genk n’ont pas dépassé la limite de la tolérance. Elle qualifie ces chants de  » ludiques  » et  » taquins « .

Le club limbourgeois reprendra ces propos tout en s’excusant auprès de ceux qu’ils ont heurtés :  » Il est certain que nos supporters n’avaient nullement l’intention d’offusquer les supporters wallons […]. Le KRC Genk et la OSV s’engagent à être plus modérés dans le choix de leurs chants, et à tout mettre en oeuvre pour éviter des chants insultants à l’avenir. Le KRC Genk sanctionnera sévèrement tout supporter ne respectant pas cet engagement. « .

Sept ans plus tard, les positions sont figées. Les chants sont toujours présents mais ils semblent ne plus inquiéter grand monde. Au Standard, on préfère relativiser :  » Les supporters voient ça comme un jeu, une sorte de compétition. Il n’y a pas beaucoup de groupes de supporters en Belgique qui osent venir taguer nos installations. Ça prouve qu’ils ont du niveau. Ça te donne envie de les haïr et de te bouger pour montrer ta supériorité « , affirme un affilié des Ultras Inferno.

Un jeu entre fans

De l’autre côté du stade, Brandon Fontaine, membre du PHK, confirme ces propos :  » C’est une sorte de derby Province de Liège-Province du Limbourg. C’est davantage un jeu entre les supporters. La rivalité s’est accrue au fur et à mesure des rendez-vous cruciaux entre les deux clubs : finale de Coupe de Belgique en 2000, test match en 2004, match décisif pour le titre en 2011. Mais pour moi, ça ne dépasse pas le cadre du sport. Le football, c’est bien plus que 22 hommes qui tapent dans un ballon « .

Par Jason Vanherrewegge

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