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Les mésaventures de Tintin

Bartolomé ‘Tintin’ Márquez López a été limogé par Saint-Trond la semaine dernière après 53 jours de galère. Ses caprices, des problèmes de communication et un président hésitant lui ont été fatals. Chronique d’un licenciement annoncé.

« Il y avait longtemps que je n’avais plus vu autant de monde en salle de presse », disait Philippe Bormans, le CEO de Saint-Trond, envoyé pour défendre la politique du club au lendemain du licenciement de Bartolomé ‘Tintin’ Márquez López. Étrangement, Roland Duchâtelet était absent. À la fin de la conférence de presse, Bormans s’est levé et a ramassé les bouteilles vides, renforçant encore l’impression que le jeune manager bien propre sur lui faisait le sale boulot.

Car jusqu’à nouvel ordre, c’est Duchâtelet qui décide. Mais Bormans veille. Et cela faisait plusieurs semaines qu’il entendait dire que le coach espagnol ne travaillait pas bien. Alors, après 53 jours, il en a eu marre des frasques de son entraîneur. Selon lui, les divergences de vues étaient insurmontables. Les méthodes de Márquez López suscitaient trop d’interrogations, ses nombreuses absences aussi.

Le fait qu’il avait trouvé nécessaire de rentrer en Espagne la semaine du match face au Standard, par exemple. Il s’en est défendu en disant: « C’est ma façon de travailler. » Il a ainsi scié la branche sur laquelle il était assis même si, à ce moment-là, la décision de le limoger avait déjà été prise. « Il vaut parfois mieux crever l’abcès qu’attendre que l’infection se propage », dit-on au Stayen.

Un sabir pathétique

L'Espagnol n'aura tena que 53 jours.
L’Espagnol n’aura tena que 53 jours.© BELGA

Aujourd’hui encore, on se demande comment Márquez López a pu franchir le stade de l’entretien d’embauche. L’ex-adjoint d’ Ernesto Valverde, actuel coach du Barça, n’a en effet rien d’un grand communicateur. C’est d’ailleurs cela qui irritait de plus en plus ses proches collaborateurs. À Eupen, où il a travaillé pendant trois ans (2012-2015), il pouvait encore se retrancher derrière un staff exclusivement espagnol. Mais à Saint-Trond, c’est le néerlandais qui prévaut et il aurait fallu qu’il sorte de sa tanière.

Mais le Barcelonais est peu sociable. Il préférait rester seul dans son coin. Il ne communiquait même pas avec Cristian Ceballos, pourtant espagnol comme lui. Le départ de son assistant unilingue Ramón Calderé, dont on dit qu’il quittait à peine sa chambre d’hôtel, aurait dû constituer un déclic mais au lieu de s’ouvrir, Márquez López s’est encore replié davantage sur lui-même.

C’est ainsi que Tintin s’est isolé du reste de son staff. Au fil du temps, il a également perdu l’emprise sur son groupe. Il tentait de donner ses consignes dans un mélange pathétique d’anglais, d’espagnol et de français mais son message ne passait pas. À la fin, le T2, Chris O’Loughlin, donnait de plus en plus souvent l’entraînement tandis que Márquez López se tenait sur le côté, en train de regarder ou de pianoter sur son smartphone.

En fait, le trio Márquez-Calderé-O’Loughlin était voué à l’échec. Son indifférence et son désintérêt font penser que Márquez López en était conscient. Cela pourrait expliquer que, parfois, il dépassait les limites de la bienséance. Comme à Herk-de-Stad, à la mi-juillet, après un mauvais match amical contre Westerlo. L’Espagnol était alors allé s’appuyer contre un mur, allumant sans gêne une cigarette. Une scène symptomatique de son dégoût.

À Waregem, en deuxième mi-temps, alors que son équipe était menée, il ne s’est pas levé une seule fois du petit banc pour motiver ses joueurs. L’Espagnol n’avait pas le feu sacré. L’ancien joueur de l’Espanyol était aux antipodes d’un Guido Brepoels, capable de soulever son équipe rien qu’en agitant les bras. Entre son limogeage à Eupen, au printemps 2015, et son arrivée à Saint-Trond, Márquez López n’a décroché qu’un job: celui de conseiller sportif de l’Irak aux Jeux Olympiques de Rio. Il songeait probablement déjà à prendre sa retraite.

Les caprices de l’Espagnol font oublier que Saint-Trond est responsable de ses erreurs de casting. Il y a deux mois, Duchâtelet se disait convaincu que Márquez López pourrait être le premier entraîneur à qualifier l’équipe pour les play-offs 1. « Nous avons eu des doutes au sujet de Márquez López dès le début, comme cela avait été le cas avec Ivan Leko, mais ceux-ci ne se sont hélas jamais estompés », concède Bormans. « Mais ce n’est tout de même que la première fois en six ans que nous limogeons un entraîneur en cours de saison. Le dernier, c’était Brepoels. »

Un clone de Ferrera

Pour sa première après le licenciement de
Pour sa première après le licenciement de « Tintin », Saint-Trond s’est imposé face au Standard.© BELGA

Depuis, Saint-Trond a tout de même usé quatre entraîneurs en autant d’années (Yannick Ferrera, O’Loughlin, Leko et Márquez López) mais le club comptait sur davantage de crédit auprès de la presse. Il donne toujours l’impression d’être un moulin, sans doute parce que son intention de s’inscrire dans la durée reste soumise au modèle économique de la famille Duchâtelet.

Les Limbourgeois veulent avant tout attirer de jeunes joueurs bon marché et les revendre le plus rapidement possible. Les dirigeants savent que les jeunes se vendent plus facilement et sont plus enclins à changer de club. Les transferts de Stef Peeters à Caen et de Djené Dakonam à Getafe ont fait du bien au club. À Saint-Trond, on se dit qu’on ne doit plus nécessairement passer par un autre club belge pour gagner de l’argent. « Nous essayons de garder nos joueurs plus longtemps en leur offrant des contrats de plus longue durée », dit Bormans. « Avant, ils signaient pour un an plus un. Maintenant, nous proposons des contrats de trois ans. »

Après le limogeage de Márquez López, la direction de Saint-Trond est rapidement passée au point suivant de l’ordre du jour: elle a rapidement dressé le profil du nouvel entraîneur. Celui-ci ne devait pas nécessairement être belge mais il devait croire au projet trudonnaire et faire appel au maximum au staff présent. Saint-Trond veut être moins dépendant de son entraîneur. Bormans & Co ont finalement opté pour Jonas De Roeck, champion avec Berchem en D2 amateur la saison dernière. L’Anversois, âgé de 37 ans, connaît le football belge comme sa poche. On dit de lui que le contenu de ses entraînements est très bon et qu’il ne vit que pour le football. Ce serait donc un clone de Ferrera et de Leko.

Mais Saint-Trond a aussi besoin d’un entraîneur qui réinstaure de la discipline et peut tenir des joueurs pleins de tempérament comme Babacar Gueye, Jordan Botaka ou Damien Dussaut. Quelques joueurs ont en effet profité de la nonchalance de Márquez López pour prendre la direction du vestiaire. On dit que le capitaine, Steven De Petter, n’arrive plus que très difficilement à tenir le groupe. Il y a deux semaines, un joueur s’est rendu à la Versluys Arena pour assister au match entre Ostende et Marseille.

À 2h30 du matin, plus de quatre heures après la fin du match, il était encore au stade. Il avait vraisemblablement oublié qu’il avait entraînement le lendemain. C’est à De Roeck qu’il appartient désormais de remettre de l’ordre.

Par Alain Eliasy

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