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Les Flames font feu de tout bois

Frédéric Vanheule
Frédéric Vanheule Frédéric Vanheule is redacteur bij Sport/Voetbalmagazine.

Le sélectionneur de l’équipe nationale féminine, Ives Serneels, a emmené 19 Red Flames et 11 High Potentials à San Pedro del Pinatar, en Espagne. Récit d’une semaine dans le sillage du numéro 21 au ranking FIFA.

Lorsque c’est nécessaire, on peut toujours compter sur Hubert De Neef et Rudy Vanderelst. Dans le lobby de l’hôtel Martin’s Red à Tubize, le camp de base de toutes les équipes nationales belges de football, les préposés au matériel sont mis à contribution par beaucoup des 23 internationales présentes, juste avant le départ pour l’aéroport de Charleroi. Car les deux hommes ont reçu pour consigne de prévoir une limite de 20 kilos par valise.

Quelques Red Flames et High Potentials (jeunes talents dans la catégorie 1996-2001) ne peuvent cacher leur étonnement lorsque l’aiguille indique 23 ou 25 kilos. La gardienne Justien Odeurs doit chercher une coéquipière qui accepte de prendre avec elle ses sept paires de gants.

Au total, on arrive à un surpoids de 366 kilos, répartis dans 48 valises. Elles contiennent également 50 ballons, des modèles utilisés lors du Championnat d’Europe 2017 aux Pays-Bas – où les Red Flames avaient terminé troisièmes du groupe A derrière les Pays-Bas et le Danemark, mais devant la Norvège – et qui rappellent donc de bons souvenirs.

Heleen Jaques, Maud Coutereels et Nicky Evrard rejoignent le groupe au ‘Brussels South Charleroi Airport’ : elles avaient encore des obligations avec leur club de la Fiorentina, du LOSC et du FC Twente, respectivement. Julie Biesmans (Bristol City) et Yana Daniëls (Liverpool FC), elles, ne passent pas par la Belgique : elles s’envolent directement pour Murcie depuis l’Angleterre. Davinia Vanmechelen (tibia) et Tessa Wullaert (hanche) ont reçu le feu orange du staff médical : elles ne rallieront San Pedro del Pinatar que le jeudi.

Janice Cayman est allée saluer son cousin dans le cockpit.
Janice Cayman est allée saluer son cousin dans le cockpit.© photo news-philippe crochet

Une délégation de 45 personnes

Après le club de D1B d’Oud Heverlee Louvain, ce sont Waasland-Beveren, Anderlecht et Saint-Trond qui avaient investi les magnifiques infrastructures du centre sportif Pinatararena. Le sélectionneur des Red Flames Ives Serneels se réjouit de pouvoir les utiliser à son tour.

Elles existent depuis six ans : sept terrains de football parfaitement entretenus, un grand centre de fitness et de bien-être, deux courts où l’on peut pratiquer le tennis-football pour des petits matches à deux contre deux, et cinq terrains de padel, tous situés à distance de marche du lieu d’hébergement. Les conditions de travail sont donc idéales, d’autant qu’en cette période de l’année, on peut encore jouir d’une température moyenne de 15 à 20 °C.

L’hôtel (sportif) 4 étoiles peut héberger sept équipes en même temps. Une petite vitrine comprenant des maillots dédicacés atteste que de nombreux clubs de tous pays y ont déjà séjourné. C’est au sein d’une délégation forte de 45 personnes que les Red Flames vivent leur première expérience d’un stage à l’étranger.

Elles sont choyées. Aux côtés du sélectionneur national, on trouve aussi la coordinatrice du projet High Potentials et responsable sportif des Red Flames U17 Tamara Cassimon, l’assistant Kris Van Der Haegen, l’entraîneur des gardiens Sven Cnudde, le préparateur physique Cédric Lehance et le médecin de l’équipe Kris Vanderlinden.

Ella Vierendeels à l'oeuvre dans la salle de fitness sous le regard approbateur de Davina Philtjens.
Ella Vierendeels à l’oeuvre dans la salle de fitness sous le regard approbateur de Davina Philtjens.© photo news-philippe crochet

On relève en outre les présences encore des physiothérapeutes Jan Van Der Jeugt, Fabienne Van De Steene et Saar Nevejans, de l’analyste vidéo Yannick Euvrard et de l’attaché de presse Brecht Schelstraete. La psychologue du sport Steffi Van Ranst de TICka – dont Jef Brouwers est le membre le plus connu – rejoindra le groupe le vendredi pour une séance collective et un suivi individuel.

Kassandra Missipo a 20 ans et fait partie de la jeune garde de Gand.
Kassandra Missipo a 20 ans et fait partie de la jeune garde de Gand.© photo news-philippe crochet

Pour une culture de la gagne

 » Un tel encadrement professionnel est nécessaire lorsqu’on veut atteindre ses objectifs « , souligne Serneels qui, le 21 février à Nyon en Suisse, assistera au tirage au sort qui désignera ses adversaires pour la prochaine campagne de qualification au Championnat d’Europe 2021 qui se déroulera en Angleterre.

Les premiers matches auront lieu fin août, début septembre.  » Nous voulons faire feu de tout bois, nous affichons nos ambitions. Mais nous voulons aussi prendre du plaisir. Nous voulons former des athlètes de haut niveau et leur insuffler une culture de la gagne. Autrefois, nous nous reposions toujours une sur une bonne organisation en perte de balle.

C’était notre force. Aujourd’hui, nous voulons produire un football plus dominant. Et optimiser nos phases arrêtées. Les High Potentials reçoivent ici une occasion unique de démontrer leur potentiel individuel. Si elles veulent devenir un jour des Red Flames, elles doivent se montrer sous leur meilleur jour. Car les places sont chères.  »

Le responsable sportif s’appuie sur des chiffres.  » 24 filles seront retenues pour participer à la Cyprus Women’s Cup, qui se disputera du 25 février au 7 mars. Et j’emmènerai 20 joueuses au stage que nous organiserons du 2 au 8 avril à Los Angeles, où nous affronterons le numéro 1 mondial, les États-Unis.

La lutte pour les places tant convoitées peut commencer. Les filles qui feront le voyage vivront une expérience exceptionnelle, car le stade sera probablement soldout. Cela signifie 22.000 spectateurs.  »

Montée en flèche

Serneels, qui a succédé à Anne Noë en 2011, insiste sur un point. En septembre 2013, lorsque les Diablesses Rouges sont devenues les Red Flames, il n’aurait jamais imaginé pouvoir vivre un tel stage. À l’époque, notre équipe nationale féminine était classée 34e au ranking FIFA et 24e au ranking UEFA.

Aujourd’hui, elle est respectivement 21e – le meilleur classement depuis l’établissement d’un classement en 2003 – et 14e.  » Nous avons donc déjà beaucoup progressé « , souligne l’ancien milieu de terrain du Lierse et de Westerlo.  » Aujourd’hui, notre priorité est de nous hisser parmi les huit premiers en Europe. Nos bons résultats nous ont offert une certaine popularité dans le reste du monde. Nous le constatons tous les jours. Même la Jordanie veut jouer contre nous. Mais notre calendrier est très chargé cette année et nous n’avons pas pu accepter l’invitation.  »

Après la retraite d’ Aline Zeler (35 ans, PSV, recordwoman des sélections avec 109 capes), fin octobre de l’an passé, la moyenne d’âge des Red Flames a fortement baissé. Elle se situe aujourd’hui aux alentours des 23 ans. On ne dénombre plus que trois trentenaires : Maud Coutereels (32), Janice Cayman et Heleen Jaques (toutes les deux 30).

Contre l’Espagne, un match disputé à Carthagène devant 5.000 spectateurs et conclu sur un partage mérité 1-1, la High Potential Shari Van Belle (19 ans, Gand) a débuté à l’arrière gauche. Pour sa première titularisation, elle s’est directement mise au niveau des autres.  » J’étais pourtant nerveuse « , révèle l’étudiante de première année en management du sport à la Haute École de Gand.

 » Mais c’était du stress positif. Heureusement, Nicky Evrard et Heleen Jaques m’ont mise à l’aise. Je considère ce stage comme une opportunité unique. Saisir ma chance chez les Red Flames est pour moi une priorité. Je dois encore gagner en puissance, je travaille beaucoup en ce sens. Je repousse mes limites en m’entraînant avec des joueuses physiquement plus fortes que moi. Elena Dhont et moi sommes d’accord : participer à un tel stage est un privilège.  »

Un groupe à l’écoute

Lisa Petry (17 ans, Standard) est la benjamine. Elle est en dernière année d’humanités à Tongres, section sciences sociales. Une blessure l’a empêchée de participer à tous les entraînements sur le terrain. Mais cela n’a pas altéré son enthousiasme. Elle aussi a à coeur de démontrer son potentiel et a livré une prestation encourageante lors du match contre les U23 norvégiennes, qui s’est également soldé sur un partage 1-1.

 » C’est un apprentissage qui n’a pas de prix « , affirme la Limbourgeoise au tempérament offensif.  » L’ambiance au sein du groupe est incroyable, tout le monde s’entraide et pousse l’autre à repousser ses limites. Cela me plaît beaucoup et accroît encore mon envie de faire partie des vraies Red Flames. C’est du sport de haut niveau dans toute sa pureté. On reçoit gratuitement des conseils de professionnelles et cela aide à devenir meilleure.  »

À San Pedro del Pinatar, les Red Flames affichaient une belle cohésion. La convivialité était de mise, d’autant qu’il n’y avait pas la pression d’un tour final (comme lors d’un Championnat d’Europe ou d’une Coupe du Monde par exemple). L’attention s’est portée sur la mise en place de directives tactiques et le staff technique a constamment insisté sur la concentration et la discipline. Le groupe des joueuses était à l’écoute et avide de conseils. Tout le monde était calme, même si parfois, le sélectionneur Serneels a été interpellé pour une discussion en petit comité, en dehors des entretiens individuels.

 » Je rentre en Belgique très satisfaite « , affirme Cassimon.  » Ce stage s’est révélé utile pour tout le monde. Créer un vrai groupe, c’était la priorité. Après avoir échoué dans la qualification à la Coupe du Monde ( la Suisse s’est imposée de justesse au terme d’un barrage aller-retour, ndlr), c’était nécessaire pour retomber dans une spirale positive. Pendant une semaine, on a pu tisser des liens. Ce stage a répondu à nos attentes.  »

Vouloir et pouvoir

 » J’ai été agréablement surprise par le changement de mentalité des High Potentials, qui n’ont pas hésité à faire leur autocritique « , poursuit-elle.  » Et qui ont découvert qu’il existait une énorme différence entre vouloir et pouvoir. Leur vitesse d’exécution doit être améliorée. Se battre l’un pour l’autre, cela fait partie de la mentalité que des sportives de haut niveau doivent acquérir. Ma tâche est de prêter une oreille attentive aux joueuses réservistes. Et de leur donner un bon sentiment, de leur offrir des arguments pour qu’elles comprennent que chez les Red Flames, nous ne voulons pas dépendre d’une ou de quelques joueuses.  »

David Delferière, président du football féminin à l’Union belge depuis septembre de l’an passé, était lui aussi un homme heureux. Dès son arrivée, le jeudi, le successeur de Marc Lesenfants a pu constater que la tradition qui veut que les Red Flames ne perdent jamais un match lorsqu’il est présent avait été respectée. Ce qui a le plus impressionné le citoyen de Soignies, aujourd’hui âgé de 65 ans, c’est la dynamique, le climat professionnel et l’ambiance positive dans le groupe.

 » Nous aimerions surfer sur cette vague de positivisme et de solidarité « , conclut Serneels. Pour également introduire le jeu du loup garou auprès de la jeune génération ? À moins que le club de rami de l’arrière droite Laura Deloose ne continue à faire fureur. Car, samedi, la joueuse d’Anderlecht avait réuni dix équipières dans le lobby pour une partie de loup garou.

Le Soulier d’Or comme catalyseur

Après Janice Cayman, la meilleure marqueuse de la campagne de qualification pour la Coupe du Monde l’an passé, c’était de nouveau au tour de Tessa Wullaert (25 ans, Manchester City) de remporter le Soulier d’Or pour la deuxième fois en trois éditions. La Flandrienne, qui en plus du titre et de la coupe avec le VfL Wolfsburg, a également atteint la finale de la Ligue des Champions, s’est imposée devant les autres nominées Davina Philtjens, Davinia Vanmechelen, Tine De Caigny, Janice Cayman, Aline Zeler, Kassandra Missipo, Heleen Jaques, Laura De Neve et Ella Van Kerkhoven.

 » Ce trophée est une belle récompense pour ses prestations personnelles, mais aussi pour tout le football féminin en Belgique « , affirme Cayman.  » Enfin, nos mérites sont reconnus. Nous sommes très heureuses de faire partie de cette génération à laquelle le trophée a été décerné. Je trouve que c’est un grand honneur. Au moins, on porte de l’intérêt à notre sport, via le Soulier d’Or. Cela doit devenir une tradition. Pour cela, il faut continuer à obtenir de bons résultats et à entretenir l’enthousiasme autour de notre équipe.

Nous avons placé les Red Flames sur la carte du monde et nous sommes devenus un produit populaire. Que l’Espagne et les États-Unis veuillent nous affronter, c’est motivant. Notre potentiel est élevé. Nous devons en profiter au maximum ces prochaines années. Nous sommes sur la bonne voie. C’est mon rôle, et celui des joueuses expérimentées, de guider des jeunes talents comme Kassandra Missipo, Chloé Vande Velde, Shari Van Belle et Elena Dhont. Afin qu’elles puissent prendre le relais en temps voulu. Et que nous puissions à notre tour assister à leurs matches, avec le sentiment du devoir accompli. « 

L’appel de l’étranger

Dix des dix-neuf Red Flames officient pour l’instant à l’étranger. Heleen Jaques a mis à profit une belle saison à Anderlecht pour obtenir un transfert à la Fiorentina. C’est là aussi que, depuis l’été dernier, l’explosive Limbourgeoise Davina Philtjens (29 ans) est sous contrat, après un titre et une coupe avec l’Ajax.

Davinia Vanmechelen a été récemment prêtée par le PSG au PSV : c’est cette Limbourgeoise de 19 ans qui avait permis à l’équipe nationale féminine de disputer les barrages en marquant contre l’Italie. Aline Zeler joue également à Eindhoven. Janice Cayman (Montpellier), Diede Lemey (Atalanta Mozzanica CFD), Yana Daniëls (Liverpool), Nicky Evrard (FC Twente), Maud Coutereels (Lille OSC) et Julie Biesmans (Bristol City) sont les autres joueuses actives hors frontières.

La Limbourgeoise de 24 ans joue en Angleterre depuis 2017. Biesmans estime que les autres joueuses n’ont pas nécessairement besoin de franchir ce pas pour repousser leurs limites et continuer à progresser.  » Le championnat de Belgique n’est pas aussi mauvais qu’on le dit parfois « , affirme le milieu de terrain.  » Personnellement, je suis longtemps restée dans ma zone de confort au Standard, mais je m’épanouis comme personne à Bristol. Je parle désormais beaucoup plus facilement. En outre, je suis devenue plus forte physiquement. Mais ce départ à l’étranger ne doit pas être considéré comme une obligation. Au moment de prendre une décision, il faut surtout suivre son intuition. Même si je suis convaincue que toutes les filles qui partent à l’étranger, progressent. Les Red Flames profitent également de l’expérience acquise par les joueuses hors frontières. C’est donc une situation win-win. « 

Janice Cayman, Soulier d'Or en 2017, engagée dans un solide duel.
Janice Cayman, Soulier d’Or en 2017, engagée dans un solide duel.© photo news-philippe crochet
Le sélectionneur Ives Serneels se montre ambitieux.
Le sélectionneur Ives Serneels se montre ambitieux.© photo news-philippe crochet
Notre rédacteur Frédéric Vanheule, présent de bout en bout à San Pedro del Pinatar, en conversation avec Tessa Wullaert.
Notre rédacteur Frédéric Vanheule, présent de bout en bout à San Pedro del Pinatar, en conversation avec Tessa Wullaert.© photo news-philippe crochet
Fabienne Van De Steene s'enquiert d'Elke Van Gorp.
Fabienne Van De Steene s’enquiert d’Elke Van Gorp.© photo news-philippe crochet
 » Kassie  » Missipo, solide dans le trafic aérien face à l’Irlande.© photo news-philippe crochet
Le préparateur physique Cédric Lehance donne le bon exemple.
Le préparateur physique Cédric Lehance donne le bon exemple.© photo news-philippe crochet

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