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Les deux faces du Standard

Pierre Danvoye
Pierre Danvoye Pierre Danvoye est journaliste pour Sport/Foot Magazine.

Le Standard a montré à Charleroi son pire visage après trois prestations abouties contre des grands. C’est l’histoire de toute sa saison et ça peut inquiéter à l’approche des play-offs. Tentative d’explications.

Eric Deflandre va finir par détester ça ! Pendant l’été 2015, il avait fait un intérim d’un match sur le banc du Standard, entre le C4 de Slavo Muslin et l’arrivée de Yannick Ferrera. Pour un déplacement à Bruges et une raclée (7-1).

Dimanche, il était à nouveau T1 intérimaire, en compagnie de Mbaye Leye, avec Michel Preud’homme en superviseur depuis la tribune. Encore une fois, les Liégeois ont bâclé leur copie. Comme si la qualification mathématique pour les play-offs 1, validée une semaine plus tôt, suffisait à leur bonheur.

Incapable d’enchaîner trois victoires de suite

Le Standard version 2019-2020 est incapable d’enchaîner trois victoires de suite. On a eu l’impression de voir une équipe paralysée par l’enjeu et l’ambiance. Un peu la même équipe qu’au début du mois de septembre sur le terrain d’Anderlecht, sans envie, sans âme, sans génie. Deux affiches cochonnées par les Rouches. Pourquoi ça coince ? Pourquoi ce Standard n’arrive-t-il pas à être régulier ?

Pendant le derby, on a repensé à l’interview récente de Jordan Lukaku qui signalait que le discours tactique de Marc Wilmots pouvait se résumer au fameux  » Passe à Eden.  » À Charleroi, c’était  » Passe à Obbi.  » On a vu une multitude de longs ballons expédiés depuis la ligne arrière vers le crâne du géant.

Obbi Oulare a tout pris de la tête, il a tout dévié, mais ça ne servait à rien car derrière, c’était le plus souvent un Carolo qui s’emparait de la balle. Comme si les Liégeois étaient trop mous et pas assez inspirés pour essayer de construire au sol. Pendant qu’ils pestaient contre l’état du terrain et des décisions de l’arbitre, les adversaires, eux, s’arrachaient et jouaient au foot.

Le seul club du Top 6 sans buteur

Ce Standard n’a plus de vrai buteur depuis le départ de Renaud Emond en janvier. Critiqué ou pas, le Luxo faisait le boulot. Il avait mis sept buts avant de partir à Nantes. La direction et le staff ont décidé de ne pas le remplacer. Discours officiel :  » On a ce qu’il faut dans la boutique.  »

C’est-à-dire trois hommes potentiels, sur le papier : Obbi Oulare, Duje Cop et Felipe Avenatti. Depuis le début de la saison, ils ont trouvé – à eux trois – six fois le chemin du but. Un moins bon bilan en trio que Renaud Emond tout seul. Et puis Oulare n’a jamais été un vrai buteur, Cop non plus, alors qu’Avenatti doit le redevenir après ses gros soucis physiques.

Dans un premier temps, après le départ d’Emond, les stats ont semblé donner raison aux patrons du club et à son entraîneur parce que plusieurs autres joueurs, venant d’autres lignes, ont su marquer : Zinho Vanheusden, Mergim Vojvoda, Kostas Laifis, Aleksandar Bojlevic, Selim Amallah, Mehdi Carcela,… Mais ils ne le feront pas chaque week-end.

Les trois attaquants de pointe – Obbi Oulare, Felipe Avenatti et Duje Cop – ont marqué ensemble six buts depuis le début de la saison. C’est moins qu’Emond en une demi-saison.

Toutes les autres équipes du Top 6 ont leur(s) buteur(s) attitré(s) : Hans Vanaken à Bruges, Jonathan David et Roman Yaremchuk à Gand, Kaveh Rezaei à Charleroi, Dieumerci Mbokani et Lior Refaelov à l’Antwerp, William Togui à Malines. Tous des gars qui marquent régulièrement. Il n’y a plus ça à Sclessin.

Duel aérien entre Samuel Bastien et Kaveh Rezaei. Les Zèbres auront le dernier mot lors du derby wallon.
Duel aérien entre Samuel Bastien et Kaveh Rezaei. Les Zèbres auront le dernier mot lors du derby wallon.© BELGAIMAGE

Ça coince contre les grands

Le bilan chiffré du Standard contre les autres équipes du Top 6 est famélique ( voir encadré). Sur ces dix matches, l’équipe de Michel Preud’homme n’a gagné que deux fois : à Malines et contre l’Antwerp. Charleroi n’avait plus battu le Standard depuis cinq ans, ça c’est fait maintenant.

On sentait dans le stade, dimanche soir, une grosse envie chez les supporters carolos de prendre la première place du foot wallon. Check ! Avant le match, certains joueurs de Charleroi avaient même osé évoquer (sans nécessairement utiliser le terme) un certain complexe d’infériorité.

Plus que la défaite, c’est la mentalité affichée dans ce match qui inquiète. À aucun moment, on n’a senti une envie de révolte.  » On était en mode Courtrai « , a lâché Oulare. Traduction : en dilettante. Aucun Standardman n’est sorti du lot. On a vite compris que ça allait être compliqué à partir du moment où la charnière de l’équipe, le duo Samuel Bastien / Gojko Cimirot, n’était pas dans le coup.

Ce n’est pas nouveau : dès que Bastien tousse, c’est tout le Standard qui est enrhumé. Il a plusieurs fois sauvé le Standard en marquant son but, mais la dernière fois qu’il l’a fait, c’était en novembre. Ce n’est peut-être pas un hasard si dans les trois matches qu’il a ratés récemment pour cause de blessure (Waasland Beveren, Gand et Courtrai), le Standard s’est chaque fois incliné en étant complètement à côté de son sujet.

Dimanche, le contraste était saisissant entre le couple Bastien / Cimirot et la paire Ryota Morioka / Marco Ilaimaharitra. Ces deux-là ont survolé le milieu de terrain.  » On se connaît très bien et on communique énormément pendant le match « , a expliqué Morioka. Belle osmose entre un Japonais et un Malgache !

Les effets néfastes d’un mercato timide

Quelques clubs ont fait du bon boulot pendant le mercato de janvier. L’exemple le plus frappant est évidemment le Cercle Bruges qui, bien aidé par Monaco, a fait ce qu’il fallait pour se sauver. Dans le haut du classement, Charleroi a rapatrié Joris Kayembe de Nantes et c’est une toute bonne pioche. Il joue chaque semaine et il augmente la concurrence dans le noyau de Karim Belhocine.

Au Standard, on est resté très prudent, sans doute à cause des finances délicates. Il y a eu l’arrivée de l’Israélien Eden Shamir, censé offrir une solution de remplacement devant la défense, mais après son premier match catastrophique à Courtrai, il a disparu de la circulation. Cimirot et Bastien pourraient souffler s’il y avait un bon remplaçant dans leur zone mais Preud’homme ne l’a pas. Alors, il continue à aligner ces deux-là, même dans des moments où ils semblent un peu cramés.

Le Standard s’est clairement déforcé en janvier. À côté du départ de Renaud Emond, il y a eu la croix faite sur les buts et les assists de Paul-José Mpoku. Il aurait été sans doute bien utile dans la deuxième moitié de cette saison, dans des moments où des joueurs comme Mehdi Carcela, Maxime Lestienne et Selim Amallah ont besoin de souffler.

Guère de tournante

C’est une des particularités du Standard de cette saison : Michel Preud’homme modifie très peu son équipe-type, là où les autres coaches du Top 6 pratiquent régulièrement une certaine rotation. On a l’impression que plusieurs joueurs du Standard sont un peu sur les genoux à certains moments, qu’ils manquent logiquement de fraîcheur ( voir encadré sur les temps de jeu). MPH était pourtant un adepte de la tournante quand il entraînait Bruges. S’il ne le fait plus aujourd’hui, c’est sans doute parce qu’il estime que son noyau est insuffisant en profondeur.

Il y a aussi eu, en janvier, des pertes qui ne se résument pas à des statistiques chiffrées, à x buts ou x assists. Depuis des années, la direction martelait que trois joueurs à l’esprit Standard avaient une énorme importance dans le vestiaire, notamment pour taper du poing sur la table en cas de relâchement de la concentration ou de l’engagement.

Mpoku, Sébastien Pocognoli et Réginal Goreux étaient toujours cités en exemple. C’est d’ailleurs pour cela que les deux derniers étaient conservés alors qu’ils avaient un temps de jeu minime. C’était une autre forme d’investissement. À la mi-temps d’un match comme celui de Charleroi, des joueurs pareils auraient peut-être poussé une gueulante salutaire. Surtout en l’absence de Preud’homme, interdit de séjour dans le vestiaire pour toute la soirée.

Les deux faces du Standard

Sont-ils cramés ?

À cause du manque de profondeur de son noyau, Michel Preud’homme modifie peu son équipe type. Plusieurs joueurs ont un énorme temps de jeu et traversent logiquement des périodes de méforme.

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