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Les coulisses du cas Selemani

Faïz Selemani a effectué ses débuts à Courtrai dimanche. La semaine dernière, la cour d’appel de Bruxelles a fait savoir pourquoi la fédération était obligée de le qualifier.

L’ailier Faïz Selemani a enfin pu disputer un match officiel pour Courtrai. Un juge a contraint l’Union belge de football à lui donner le feu vert. La fédération a refusé, dans un premier temps, à cause du changement de club discutable forcé par le Comorien en août. L’Union Saint-Gilloise, son club précédent, lui avait refusé l’accès à une séance avec le noyau A. Selemani s’est emparé de l’incident, invoquant une « raison grave » de rompre son contrat à Bruxelles. D’après l’Union, il avait agi en accord avec Courtrai.

Le milieu du football n’aime pas que les joueurs rompent brusquement leur contrat, fût-ce en accord avec leur prochain club. Chaque fois, on se demande pourquoi des clubs verseraient encore de fortes indemnités de transfert s’ils peuvent tout aussi bien profiter de la rupture de contrat des footballeurs convoités. Des pratiques comme celles de Selemani menacent donc tout le système des transferts alors que la plupart des clubs professionnels en ont besoin pour ne pas être dans le rouge.

Le règlement fédéral stipule les conditions qui permettent à un joueur de rompre son contrat. La législation belge autorise toutefois souvent pareilles ruptures, même sans « raison grave ». En cause, la fameuse loi du 24 février 1978. Elle permet aux sportifs de rompre leur contrat à tout moment contre versement d’une indemnité. La somme à payer est généralement nettement inférieure au montant d’un transfert. Les clubs professionnels ont donc convenu de n’engager aucun footballeur qui aurait quitté son club précédent grâce à la loi de 1978. Il n’est donc pas évident d’y avoir recours. En outre, en cas de rupture, un sportif ne peut plus se produire pour une équipe de la même division ou série durant la saison en cours. Or, le règlement de l’UB considère que la D1A et la D1B font partie de la même série, dans ce contexte.

Un effet domino?

En cas de rupture brutale, on peut cependant invoquer un motif important mais en général, l’employeur précédent, l’Union dans ce cas-ci, ne l’accepte pas. C’est que les joueurs essaient parfois de contourner la législation en invoquant une faute grave.

Si ce motif est contesté, le tribunal du travail doit trancher quant à sa validité. Malheureusement, en Belgique, ce jugement peut se faire attendre plus d’un an. Or, il est impossible qu’un footballeur ne puisse se produire aussi longtemps pour son nouveau club. L’UB tente donc d’y remédier via la commission d’arbitrage pour le sportif rémunéré. Le règlement fédéral l’autorise à juger de la valeur du motif grave. Mais Selemani a refusé de déposer son sort entre les mains de cette commission, qui est une instance fédérale. Le Comorien s’est donc tourné vers le tribunal en référé. En appel, les juges ont estimé que l’UB était une tierce partie, dans le différend opposant Selemani à l’Union. Ils estiment qu’une tierce partie n’a pas le droit de déterminer si un motif est valable ou non. En attendant le verdict du tribunal du travail, l’UB doit donc autoriser Selemani à jouer.

Si Selemani était débouté par le tribunal du travail fin 2020, il n’aurait aucune raison sérieuse d’avoir quitté l’Union et aurait utilisé, de facto, la loi du 24 février 1978. Mais l’UB ne pourrait plus lui appliquer la sanction prévue – l’interdiction de se produire en D1A et en D1B, puisque la saison en cours serait achevée.

D’aucuns redoutent que l’affaire ne provoque un effet domino. Toutefois, Selemani a été sur la touche pendant des mois avant d’obtenir gain de cause et les joueurs qui seraient tentés de suivre son exemple s’exposeraient au même problème. Si le tribunal du travail juge que Selemani n’avait pas de motif sérieux, le Comorien devra en principe payer plus de 600.000 euros à l’Union. On peut douter que beaucoup de footballeurs soient prêts à assumer de pareils risques.

Par Kristof De Ryck

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