Swann Borsellino

Le Standard de Liège n’est pas un club comme les autres

Une chronique de Swann Borsellino.

C’est ce qu’on ressent quand on approche des travées de Sclessin. C’est ce qu’on entend quand on échange avec des supporters. C’est ce que l’on m’a dit la première fois que j’ai mis les pieds en Belgique. J’avais une dizaine d’années, je supportais l’OM et j’aimais bien Sérgio Conceição depuis son passage à la Lazio. Un CV suffisant pour être bien vu du côté d’Oupeye, où je venais disputer un tournoi avec mon équipe parisienne. C’est là qu’on m’a dit que le Standard de Liège ressemblait beaucoup au club de mon coeur. Chez les Rouches comme à Marseille, on vit dans l’adversité 365 jours par an. Chez les Rouches comme à Marseille, on a fait le choix d’être ceux qui se dressent face aux puissants de la capitale. À Liège comme dans la cité phocéenne, on se gargarise d’être « la meilleure ambiance du pays ». C’est une simple vérité: il n’y a rien de plus beau que de ne pas être un club comme les autres. Mais il n’y a rien de pire.

S’affranchir de la norme est un immense motif de fierté. Encore plus dans un football toujours plus plat. Le seul risque est parfois de devenir sa propre caricature. Quand on est dix fois champion et qu’on n’a pas goûté au Graal depuis plus de dix ans, c’est tout logiquement que l’on commence à s’impatienter. Ce 26 décembre, le Père Noël a apporté aux supporters liégeois ce qui semble être un cadeau en retard au vu des envies locales ces dernières semaines. Démis de ses fonctions quelques mois après son arrivée, Philippe Montanier a été invité à quitter le club. La faute, entre autres, à un bilan sportif devenu difficilement soutenable. À l’image des deux récentes défaites à domicile face à Mouscron puis Saint-Trond, lanternes rouges de Pro League. À l’image, aussi, de cette onzième place au classement à la fin de l’année civile. Loin, très loin des ambitions initiales.

À l’heure où vous lirez ces lignes, un successeur aura peut-être été trouvé au Français. Je lui souhaite bonne chance. C’est la difficulté d’arriver dans « un club pas comme les autres », encore plus en quand la situation sportive est délicate. À cet homme, on demandera d’appréhender un contexte, un environnement. On lui demandera de connaître les us et coutumes, l’ADN du club, ce qui rend fiers les supporters, en somme. Puis, on jugera son travail. Alors pour faciliter l’apprentissage, j’ai vu ça et là que les préférences des uns et des autres iraient vers des gens du cru. Des gens qui connaissent le championnat ou mieux, qui connaissent le club. Comme si on oubliait le principal dans un club de football: le football. S’il y a bien une chose que j’ai découverte en Belgique, c’est qu’il y avait de bons coaches. Des entraîneurs qui travaillent, des entraîneurs qui ont des idées, des entraîneurs qui n’ont pas peur d’exiger autant qu’ils donnent. J’ignore si c’est à cause de ce tournoi de foot il y a vingt ans, mais j’ai beaucoup de respect pour le Standard, et j’aimerais que le club fasse honneur, sur le terrain, à son nom. Et selon moi, pour cela, il faut parfois oser le changement. Et ce n’est pas parce que le passage de Philippe Montanier n’a pas été bon que ce qui est nouveau est mauvais. Souvent, le tort d’un « club pas comme les autres », c’est de croire que son identité est tellement forte que « l’étranger » ne peut rien nous apprendre. Comme un être humain avec tant de caractère et de certitudes qu’aucune rencontre ne bouleversera le cours de sa vie. De ce point de vue, la brève amourette entre Montanier et les Liégeois s’est soldée par un échec. Jamais, ou très rarement, son équipe n’a donné l’impression qu’elle était dans une phase de progression cohérente ou que quelque chose de durable s’installait. Cependant, selon moi, ce dont a besoin le Standard aujourd’hui, ce n’est pas d’un pompier. Pas d’un homme qui, en maîtrisant les codes et avec un peu de caractère, va être capable de ramener les Rouches dans le top 8, grâce à un soupçon de bon sens et une bonne série. Quand on a un ADN, on le montre dans le jeu autant que dans le caractère ou le palmarès. Il y a, par exemple, une raison pour laquelle le passage de Marcelo Bielsa à l’OM restera infiniment plus remarquable que celui de coaches qui ont gagné ou mieux performé que lui, avant ou après sa pige. Malgré l’enthousiasme et la passion autour du Standard, ce n’est pas d’urgence dont a besoin ce club. Il a besoin du plus grand luxe du football moderne: du temps et des idées. Pour pouvoir, sur le terrain, servir un plat infiniment meilleur que celui de la grinta, roue de secours des clubs « pas comme les autres », qui valent en vérité beaucoup plus qu’un simple trait de caractère. Quand on n’est pas un club comme les autres, on ose. La sécurité, le conformisme, c’est pour les autres. Et tant pis si on se plante.

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