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Le Standard, candidat au titre?

Pierre Danvoye
Pierre Danvoye Pierre Danvoye est journaliste pour Sport/Foot Magazine.

Le Standard n’a remporté qu’un seul de ses six derniers matches mais se positionne clairement comme le premier rival de Bruges dans la course au titre. Explications.

« Il faudra peut-être un peu compter sur nous.  » C’est une des conclusions tirées par Michel Preud’homme après le nul arraché au courage sur le terrain de Bruges. Le choc de la douzième journée n’a pas atteint des sommets de beau jeu ou de maîtrise technique mais le maître a bien maîtrisé son élève Philippe Clement. Les Rouches ont tranquillement laissé les Brugeois posséder et faire circuler le ballon, ils les ont souvent empêchés d’être dangereux. Un football de contrôle et d’attente qui a payé.

Carcela, Limbombe, Dragus : tous des artistes qui ont raté le train.

Au niveau psychologique, ils ont quitté la Flandre avec plus qu’un point. Ils restent dans la roue des Bleu et Noir. Pour reprendre les mots de Thomas Chatelle, présent sur place pour la télé :  » L’état de grâce de Philippe Clement s’est un peu arrêté cette semaine.  » Balayé face au Paris Saint-Germain et tenu en échec par le Standard, le Club cale un peu. Et s’il n’était finalement pas promis à un cavalier seul en championnat ?

Psychologiquement, donc, le Standard est bien. Mais si on s’en tient aux chiffres des dernières semaines, c’est étonnant. Parce que l’équipe de Preud’homme vient d’aligner quatre matches de championnat en signant une seule victoire, contre Genk. À côté de ça, elle a partagé contre Charleroi, l’Antwerp et Bruges.

Entre-temps, il y a eu les deux défaites en Europa League, à Arsenal et à Francfort. Le mois d’octobre n’est donc pas terrible dans les chiffres. Voici ce qui rend le tableau plus beau. Et les raisons de croire que ce Standard peut concurrencer Bruges sur la durée.

Les bijoux techniques de Bastien

Le remplacement de Razvan Marin était une des clés de l’été. Comment compenser le départ de l’un des meilleurs joueurs du championnat ? Dans l’intervalle, le Roumain est occupé à se noyer du côté d’Amsterdam. Il n’y trouve pas du tout ses marques. Il n’a pas décollé du banc lors des cinq derniers matches de championnat et il n’a pas encore joué une seule minute en Ligue des Champions. Il a eu sa chance en tout début de saison mais il ne l’a pas saisie. Aux Pays-Bas, certaines voix s’élèvent : l’Ajax devait-il vraiment dépenser près de 15 millions pour ce joueur ?

Dans le même temps, à son poste, Samuel Bastien fait un début de championnat de malade. Une semaine après son joli but victorieux contre Genk, avec son mauvais pied, il a refait le coup à Bruges, avec le bon ! Dans les deux cas, c’étaient des bijoux techniques, dans des styles très différents. Bastien totalise 99 % de temps de jeu en championnat, 100 % en Coupe d’Europe. Son association avec Gojko Cimirot devant la défense est une réussite totale.

Cimirot s’occupe de la plus grande partie du sale boulot de récupération et Bastien a l’opportunité, à tout moment, de se projeter vers l’avant. La saison dernière, on ne s’était pas rendu compte qu’il avait autant d’aisance technique. Il était clairement paralysé, étouffé par la concurrence de Marin. Il a mal vécu cette campagne dans l’ombre car il était persuadé qu’en revenant du championnat d’Italie, il aurait plus de temps de jeu en Belgique. Mais il n’a jamais montré de signes de mauvaise humeur.

Aujourd’hui, on voit un Bastien souriant, positif, libéré, qui ose des gestes spectaculaires et tente sa chance au but.  » Dimanche, il avait clairement reçu la consigne d’empêcher Ruud Vormer de jouer « , explique Marc Degryse.  » Il l’a très bien fait, sauf sur l’action du but brugeois. Un seul moment d’inattention qui a coûté cher, mais Bastien a de nouveau fait un match très solide. L’action de son but est l’action d’un gars qui une fameuse technique dans les pieds.  »

Avenatti comme de Camargo ?

 » On aurait pu faire 0-2 « , a aussi lâché Michel Preud’homme après le match. Une façon de rappeler que ce Standard manque de tueurs. Il n’a qu’un seul joueur dans le top 10 des buteurs (Renaud Emond) – et un seul dans le top 10 des donneurs d’assists (Mehdi Carcela). Un profil à la Dieumerci Mbokani ferait du bien. MPH ne l’a pas, alors il cherche depuis le début de la saison.

Alors que pas mal d’entraîneurs pataugent pour trouver la bonne formule, Preud’homme a huit ou neuf joueurs presque sûrs de leur place.

Jusqu’ici, personne n’a encore su faire l’unanimité devant. Orlando Sà ne fait plus partie des plans depuis un bon moment. Duje Cop est récemment ressorti de nulle part mais on l’imagine mal s’installer en pointe dans la durée. Renaud Emond a beaucoup joué en début de saison mais il semblait plus être une solution de dépannage en 9, et il est aujourd’hui à l’infirmerie.

Le plus plausible est que Preud’homme fasse confiance à Obbi Oulare ou Felipe Avenatti. Mais aucun des deux n’est encore à son meilleur niveau. Oulare reste fragile physiquement. Il revient maintenant dans le coup, il a pesé sur la défense de Bruges, mais il est encore loin du joueur qu’on a connu autrefois au Club, avant son enchaînement de prêts, de blessures et de galères. Il dit lui-même qu’il ne se sent toujours pas à 100 % de ses moyens, qu’il est à 80 % et qu’il n’arrive pas à combler le trou, sans comprendre pourquoi.

Obbi Oulare, ici au duel avec Brandon Mechele, n'est pas encore à 100%.
Obbi Oulare, ici au duel avec Brandon Mechele, n’est pas encore à 100%.© belgaimage

On n’a toujours pas revu, non plus, le Felipe Avenatti de la saison dernière avec Courtrai, auteur de 15 buts. Alors qu’Obbi Oulare crachait le feu en préparation, Avenatti était un pari sur le moyen terme. Il a été blessé pendant une bonne partie de l’été et, clairement, il n’a toujours pas retrouvé ses sensations. On voit un joueur qui se cherche, assez indécis et maladroit par moments. L’Uruguayen a vécu un été pourri. Le staff médical l’estimait apte mais il n’arrivait pas à taper normalement dans le ballon parce qu’il souffrait toujours. C’était la première grave blessure de sa carrière et ça n’a pas été simple.

Quand il a quitté le terrain en fin de match contre Genk, une partie du public de Sclessin l’a sifflé. Preud’homme a réagi :  » Ce public va le découvrir et l’aimer.  » Avenatti peut-il devenir la première option en pointe ? Pas sûr. On prête à Preud’homme l’intention d’associer Oulare tout devant et Avenatti dans son dos. Le Sud-Américain estime qu’il n’a pas tout à fait le profil requis car il manque de mobilité pour évoluer derrière la pointe. Mais l’entraîneur n’est peut-être pas de cet avis.

Avenatti pourrait donc connaître une reconversion semblable à celle d’Igor de Camargo à son époque rouche. Il y avait alors tellement de concurrence devant, avec Milan Jovanovic et Dieumerci Mbokani, que le Brésilien avait accepté de descendre de quelques mètres. Et il avait fini par s’imposer dans ce rôle.

Les oubliés du système

Nicolas Gavory, Mërgim Vojvoda et Selim Amallah étaient au coup d’envoi à Bruges. C’est symbolique. On a là trois joueurs arrivés durant l’été qui ont toute la confiance de Michel Preud’homme. En transférant très tôt, contrairement à l’habitude de la maison, on a pu avoir une équipe rodée dès le départ de la saison. L’équipe type change peu, de semaine en semaine. Il y a sept, huit ou neuf joueurs qui sont presque assurés de leur place. C’est aussi une explication du bon début de championnat alors que pas mal d’autres entraîneurs de D1 pataugent pour trouver la bonne formule.

Cette constance dans la compo rejette à l’arrière-plan des joueurs qui auraient pu être des valeurs sûres. L’exemple le plus frappant est évidemment Mehdi Carcela. Dimanche dernier, il n’est même pas monté au jeu. On se demande de plus en plus s’il a encore un avenir à Liège. Il reste calme, mais à l’intérieur, ça bout. Semaine après semaine, il voit des concurrents comme Paul-José Mpoku, Maxime Lestienne ou Selim Amallah qui enchaînent les bons matches. Carcela n’est donc pas dans une position de force pour revendiquer actuellement une place dans l’équipe de base et il doit se contenter de grappiller quelques minutes de jeu ici et là. Aleksandar Boljevic est même passé devant lui dans la hiérarchie.

Cimirot s’occupe de la plus grande partie du sale boulot de récupération et Bastien a l’opportunité, à tout moment, de se projeter vers l’avant.

Il n’est pas le seul oublié du système. Le gardien Vanja Milinkovic-Savic, qui débarquait quand même avec certaines références, semble condamné au poste de numéro 2. Preud’homme lui donne juste du temps de jeu en Europa League. Durant les premiers matches de championnat, on pensait que c’était simplement une question de temps, qu’ Arnaud Bodart faisait un dépannage en attendant que Milinkovic-Savic arrive à son pic de forme après avoir perdu quelques kilos. Mais la situation s’est prolongée et rien n’indique que le Serbe entrera prochainement dans l’équipe. Bodart fait le boulot sans faire de show.

On disait aussi le plus grand bien de Denis Dragus, un jeune Roumain destiné à faire aussi bien que Razvan Marin à Liège. Jusqu’ici, on l’a juste vu quatre petites minutes avec l’équipe Première, en fin de match à Anderlecht. Autre flop momentané : Anthony Limbombe. Il est revenu au pays pour se relancer après son passage à Nantes, il a eu plusieurs fois l’occasion de se montrer lors des premières journées mais il a rarement été impressionnant. Pas assez en tout cas pour barrer la route des Lestienne ou Mpoku. Après cela, il a enchaîné quelques matches sans quitter le banc puis s’est blessé. Il a juste fait reparler de lui il y a quelques jours, quand le tribunal de police de Bruges l’a condamné par défaut pour un gros excès de vitesse commis quand il était encore au Club.

 » Il faudra peut-être un peu compter sur nous « , estime Michel Preud’homme.© belgaimage

Et la fameuse deuxième saison de MPH, mythe ou réalité ?

C’est devenu un gimmick, une vérité de notre foot : la deuxième saison de Michel Preud’homme comme entraîneur est meilleure que celle qui précède. Les chiffres ci-dessous prouvent que c’est presque toujours comme ça en bout de parcours. Et quid de l’équipe de MPH durant les trois premiers mois de chaque saison ? Sur cette période, la progression est moins frappante, en tout cas elle n’est pas systématique.

STANDARD (1)

2000-2001 (Preud’homme reprend l’équipe en janvier 2001)

Championnat 12 m 5 v 6 n 1 d 21/36

Classement final : 3e (Standard 3e quand Preud’homme reprend l’équipe)

2001-2002

Championnat 12 m 6 v 4 n 2 d 22/36

Qualif. UEFA 2 m 2 v 0 n 0 d 6/6

Classement final : 5e

STANDARD (2)

2006-2007 (Preud’homme reprend l’équipe en septembre 2006)

Championnat 12 m 8 v 2 n 2 d 26/36

UEFA 2 m 0 v 0 n 2 d 0/6

Classement final : 3e (Standard 16e quand Preud’homme reprend l’équipe)

2007-2008

Championnat 12 m 7 v 5 n 0 d 26/36

Qualif. UEFA 2 m 2 v 0 n 0 d 6/6

UEFA 2 m 0 v 1 n 1 d 1/6

Classement final : champion

GAND

2008-2009

Championnat 12 m 5 v 4 n 3 d 19/36

Qualif. UEFA 2 m 1 v 0 n 1 d 3/6

Classement final : 4e

2009-2010

Championnat 12 m 5 v 3 n 4 d 18/36

Qualif. EL 4 m 1 v 0 n 3 d 3/12

Classement final : 2e

BRUGES

2013-2014 (Preud’homme reprend l’équipe en septembre 2013)

Championnat 12 m 7 v 2 n 3 d 23/36

Classement final : 3e (Bruges 2e quand Preud’homme reprend l’équipe)

2014-2015

Championnat 12 m 5 v 6 n 1 d 21/36

Qualif. EL 4 m 4 v 0 n 0 d 12/12

Poules EL 3 m 1 v 2 n 0 d 2/9

Classement final : 2e

STANDARD (3)

2018-2019

Championnat 12 m 5 v 5 n 2 d 20/36

Qualif. CL 2 m 0 v 1 n 1 d 1/6

Poules EL 3 m 2 v 0 n 1 d 6/9

Classement final : 3e

2019-2020

Championnat 12 m 7 v 3 n 2 d 24/36

Poules EL 3 m 1 v 0 n 2 d 3/9

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