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Le nouveau visage de l’Antwerp (analyse)

Ivan Leko a attiré cinq nouveaux joueurs censés lui permettre de varier ses systèmes. Et affronter un calendrier bien chargé.

Jordan Lukaku (26 ans), Cristian Benavente (26 ans), Nana Ampomah (24 ans), Jérémy Gelin (24 ans), Guy Mbenza (vingt ans) : ce sont les cinq noms que l’Antwerp a ajoutés à son noyau dans les derniers instants du mercato. Tous des joueurs bien connus chez nous, à l’exception de Gelin, un défenseur central qui a été formé à Rennes. Avant eux, le club avait déjà recruté des têtes connues, comme Jean Butez, Birger et Louis Verstraete, Nill De Pauw ou Pieter Gerkens. Et aussi un joueur plus exotique, le gardien iranien Alireza Beiravand.

L’Antwerp a envoyé un signal fort à Didier Lamkel Zé en ne l’inscrivant pas sur la liste européenne.

Le plus vieux club du pays copie ce qu’Anderlecht faisait dans le passé, à savoir prendre des joueurs à la concurrence plutôt qu’aller chercher dans des contrées lointaines. Des gars dont on cerne déjà très bien les qualités et les défauts, plutôt que des paris.

Autre constat intéressant : sur les cinq joueurs arrivés en toute fin de mercato, quatre sont simplement loués. L’Antwerp ne veut pas faire de folies et il faut aussi rester dans les clous du fair-play financier. Par ailleurs, il faut tenir compte des conséquences de la campagne européenne de l’année dernière.

On se souvient d’incidents sérieux à Bruxelles contre l’AZ, quand des supporters avaient ouvert des grillages et menacé de monter sur la pelouse. Dieumerci Mbokani manquera le match contre les Bulgares de Ludogorets et les Anversois accueilleront 5.000 supporters de moins que prévu lors de leur premier match à domicile. Justement contre Tottenham, la grosse affiche, l’adversaire censé attirer le plus de monde. Le week-end dernier, on ne savait pas encore combien de personnes pourraient venir au stade. Mais on sait déjà que ce sera un sale coup pour les finances.

Il était nécessaire de réduire un peu la voilure au niveau du recrutement, il n’a pas été possible de donner entièrement satisfaction au staff. Ainsi, deux demandes précises n’ont pas été rencontrées : un défenseur gaucher et un attaquant expérimenté. Le club a longtemps cherché le défenseur en question. Le but était d’en faire venir deux pour compenser les départs de Dino Arslanagic (droitier) et Wesley Hoedt (gaucher), mais la direction n’a finalement trouvé qu’un droitier.

L’heureux élu s’appelle donc Jérémy Gelin. On entend que le gars est timide, réservé. Il a été contacté une première fois il y a un mois, mais à l’époque, il espérait encore recevoir sa chance à Rennes. Le tirage des poules de l’Europa League, avec le rendez-vous prestigieux face à Tottenham notamment, a aidé à le convaincre de venir chez nous. Lors de ses premiers entraînements à Anvers, il a montré une belle fiabilité et il peut se débrouiller tant dans l’axe que du côté droit. Vu l’arrivée de Gelin, Junior Pius a disparu de la liste rentrée à l’UEFA. Si un gaucher était venu, Ivan Leko aurait pu déplacer Ritchie De Laet à droite. Dans une défense à trois, il reste positionné du côté gauche. Ce joueur, en fin de contrat, n’a pas déçu Leko depuis la reprise de la saison. Mais sa passe vers l’avant, meilleure que celle d’ Abdoulaye Seck, manque à droite.

Ne pas comparer Jordan Lukaku à Defour et Mirallas

Après la difficile victoire à domicile contre Eupen, mi-septembre, Leko – en l’absence des flancs Aurelio Buta et Simen Juklerod – avait opté à Courtrai pour un 4-4-2 classique en perte de balle. Une fois en possession, un des deux flancs devait monter dans l’entrejeu. Mais ce système n’a pas fonctionné. Leko a toujours la décision finale en matière de tactique, mais il discute une fois par semaine avec ses patrons, qui lui ont fait comprendre que ce n’était pas la solution idéale. Il y a les entraîneurs têtus qui s’obstinent et ceux qui acceptent de revoir leur organisation. Quitte à faire de nouveau marche arrière par la suite, comme le coach l’a fait à la mi-temps à Courtrai.

Cristian Benavente débarque pour concurrencer Lior Refaelov.
Cristian Benavente débarque pour concurrencer Lior Refaelov.© belgaimage

Les arrivées enregistrées dans les derniers instants du mercato doivent permettre d’alterner les systèmes. Jordan Lukaku est un défenseur polyvalent avec beaucoup de qualités. Mais il suscite aussi des interrogations sur le plan physique. C’était le cas aussi la saison passée avec Steven Defour et Kevin Mirallas. Mais par rapport à ces deux joueurs, Lukaku a l’avantage d’être plus jeune. À 26 ans, on n’est pas grillé.

Quand il a signé à Ostende en provenance d’Anderlecht, il avait des lacunes défensives. Il s’est directement mis en évidence par son endurance, son engagement et sa mentalité (même s’il mettait parfois un peu trop gaiement le pied), mais il avait été tellement habitué à tout écraser avec les équipes d’âge du Sporting qu’il n’avait pas appris certains principes défensifs basiques. Frederik Vanderbiest puis Yves Vanderhaeghe ont corrigé tout ça. Vanderhaeghe demandait à son défenseur droit de rester à sa place, mais de l’autre côté, Lukaku avait souvent le champ libre. Il était systématiquement couvert dans son dos quand il s’aventurait dans le camp adverse, c’est comme ça qu’il s’est mis en évidence, qu’il a aussi marqué des buts et qu’il a finalement attiré les recruteurs de la Lazio.

Aujourd’hui, Jordan Lukaku est un produit fini. Leko hérite d’un footballeur adulte, qui peut faire des dégâts quand il n’a pas de pépins physiques. Le frère de Romelu a éjecté Didier Lamkel Zé de la liste européenne. Simen Juklerod y a sauvé sa place. C’est un signal fort pour le Camerounais, qu’on a revu concentré lors des entraînements de la semaine passée. Il y a désormais beaucoup plus de concurrence à l’Antwerp et Lamkel Zé ne recevra plus des titularisations offertes sur un plateau, faute de mieux, comme c’était parfois le cas la saison dernière.

La venue de Nana Ampomah et la présence de Benson Manuel donnent aussi la possibilité à Leko de passer à un 4-3-3, avec des flancs dédoublés, en fonction des qualités spécifiques de l’adversaire. Avec la nouvelle formule de l’Europa League, dictée par le Covid, il y aura des matches en milieu de semaine trois fois d’affilée, et il faudra donc faire tourner. C’est pour cela que l’Antwerp a recruté des profils différents, susceptibles de pratiquer différents systèmes.

On se souvient de bons matches d’Ampomah avec Waasland Beveren. Le Ghanéen était totalement inconnu quand il avait débarqué là-bas, avec un petit contrat et une faim XXL. Aleksandar Boljevic s’y était occupé de lui comme on s’occupe d’un petit frère. Philippe Clement lui a donné de la confiance, et pendant six mois consécutifs, le joueur a presté à un haut niveau. Par la suite, il est devenu plus irrégulier. De plus, l’équipe s’est désunie et a perdu des éléments de qualité. Ampomah a aussi commencé à planer un peu et à avoir des envies d’ailleurs. Il n’était plus toujours parfaitement concentré et il y a aussi eu quelques frictions. Il s’est mis à arriver en retard aux entraînements. Il a commencé à avoir un comportement de petite star. Il s’est même fâché avec Boljevic, son protecteur. On lui a reproché de marcher à côté de ses pompes. Finalement, les frères ont été séparés : Boljevic a filé à Sclessin, Ampomah s’est retrouvé au Fortuna Düsseldorf. Aujourd’hui, à Beveren, on se demande quel Ampomah fait son retour dans notre championnat : la version adulte ou la version immature ? Si c’est le meilleur Ampomah, l’Antwerp aura une bonne solution supplémentaire sur le flanc. Comme Benson, il ne rechigne pas à assumer une part de boulot défensif. Reste à voir s’il sera prêt à enchaîner ces efforts pendant plusieurs semaines consécutives.

À Beveren, on se demande quel Ampomah fait son retour dans notre championnat : la version adulte ou la version immature ?

Pas d’alternative à Mbokani

La grosse lacune dans le recrutement récent est l’absence d’un nouvel attaquant. Quand l’Antwerp a rapatrié Dieumerci Mbokani, les points d’interrogation étaient nombreux. On le voyait comme une star du passé, traînant son lot de problèmes physiques. On était très sceptique sur ses chances de réussite. Mais Dieu s’est révélé être un coup dans le mille. Il est à nouveau au taquet cette saison, avec trois buts et deux assists lors des huit premières journées. Son bilan anversois renseigne 41 goals et vingt passes décisives en 78 matches. Ces chiffres sont exactement dans la lignée de ce qu’il proposait lors de sa meilleure période à Anderlecht (48 buts et seize assists en 79 rencontres). Mais il avait à l’époque sept ans de moins ! On n’a pas l’impression que son corps a vieilli. Mais à partir de la semaine prochaine, il faudra prester tous les trois jours. D’ici le Nouvel An, l’Antwerp disputera onze matches de championnat, six matches d’Europa League et un seizième de finale en Coupe de Belgique. Mbokani devra faire l’impasse sur le premier rendez-vous européen, pour cause de suspension, mais ça reste un programme énorme.

Jordan Lukaku vient se refaire une santé à Anvers après ses galères romaines.
Jordan Lukaku vient se refaire une santé à Anvers après ses galères romaines.© belgaimage

C’est pour cette raison que Leko souhaitait recruter une alternative. La saison dernière, lors du match contre Zulte Waregem, Laszlo Bölöni et Luciano D’Onofrio avaient été impressionnés par le niveau et la présence de Cyle Larin, prêté aux Flandriens par Besiktas. Larin ne marque pas aussi facilement que le Congolais, mais il sait conserver un ballon et permettre ainsi aux autres éléments offensifs de monter vers le but.

Pendant tout l’été, la direction anversoise a essayé d’avoir Larin. Mais les discussions avec les Turcs n’ont finalement rien donné. Ce n’est apparemment pas le montant de transfert qui a bloqué, mais d’autres exigences financières, du joueur et de son entourage. Donc, l’Antwerp n’a pas trouvé d’alternative. À moins que Guy Mbenza ne soit l’oiseau rare. C’est un compatriote de Mbokani, il n’a que vingt ans et il avait tapé dans l’oeil du Great Old lors du match contre le Cercle, quand il avait marqué deux buts. Après ça, il s’est blessé. Avec Bruny Nsimba, un joueur aux origines angolaises qui a été formé à Genk, Mbenza passe pour un pari sur l’avenir.

Cristian Benavente peut-il jouer en pointe ? À Charleroi, on dit qu’il peut le faire. Ce Péruvien formé au Real avait débarqué chez les Zèbres en janvier 2016. Felice Mazzù avait découvert un petit gars très effacé et l’avait lancé par petites touches. D’abord sur un flanc, puis dans l’axe. Sa première année en Belgique n’a pas été un succès, mais il s’est ensuite complètement révélé, en association avec Kaveh Rezaei. De joueur timide qui demandait surtout le ballon dans les pieds, il est devenu un médian offensif généreux qui montait aussi très haut sans la balle. Bref, il s’est transformé en footballeur complet. Lui aussi avait sorti une grosse prestation contre l’Antwerp.

Vu que Lior Refaelov prend de l’âge et ne peut plus jouer tous les matches, il constitue une alternative intéressante. Aussi pour Mbokani, même si leurs profils sont différents. Alors que Refaelov, Benson et Koji Miyoshi aiment sortir ballon au pied, Benavente, Ampomah et Gerkens peuvent être alertés dans la profondeur. Ce qui permet à Ivan Leko de varier ses systèmes. Simplement, on peut se poser la même question pour Benavente que pour Ampomah : après une expérience à l’étranger qui a bien garni leur compte en banque, ont-ils encore assez faim ? Les gonfler à bloc, ce sera une mission pour le T1 croate.

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