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Le nouveau Standard est né: voici ce qui a changé dans le jeu des Rouches

Guillaume Gautier
Guillaume Gautier Journaliste

Razvan Marin n’est plus là. Emilio Ferrera non plus. C’est dire si le Standard a changé. Premières saveurs de la fameuse  » deuxième saison  » de Michel Preud’homme.

Elle a beau s’être fait attendre, presque déraisonnablement face à un Cercle toujours en chantier, l’ouverture du score brille comme une chorégraphie exposée sous les projecteurs. Tout y est, ou presque, dans la recette du nouveau Standard. Le mouvement en trois temps commence par une récupération de Gojko Cimirot, bien installé sur la ligne de la passe mal distillée par Jordi Mboula. Il se poursuit avec un service vers Mehdi Carcela, auteur d’un centre déposé avec la précision d’un chirurgien oculaire sur le front de Renaud Emond, qui installe ses centimètres au-dessus de la défense locale. Un but posé sur des rails, avec un soupçon de génie individuel pour rendre la dernière passe inévitablement décisive.

Étirer les lignes, créer des transitions, et courir plus vite et plus longtemps que les autres, voilà la première recette rouche de la saison.

Au coup d’envoi de la rencontre, l’homme incontournable des dernières minutes était pourtant sur le banc de touche. Relégué hors du onze par les courses répétées d’ Aleksandar Boljevic, incarnation de l’ailier classique tout droit débarqué du Freethiel. Même sort pour le second buteur du début de soirée, Anthony Limbombe, à qui Michel Preud’homme a préféré Maxime Lestienne pour installer ses deux ailiers sur leur pied favori.

Des sourires de circonstance, au Cercle, pour Eric Deflandre, Michel Preud'jomme et Mbaye Leye.
Des sourires de circonstance, au Cercle, pour Eric Deflandre, Michel Preud’jomme et Mbaye Leye.© belgaimage

Une invitation aux centres répétés qui tranche avec le premier Standard aperçu douze mois plus tôt, quand Moussa Djenepo mettait le feu sur le flanc gauche en activant son pied droit tandis qu’à l’opposé, Paul-José Mpoku était plus souvent dans l’axe que le long de la ligne de touche.

Sur la pelouse du Jan Breydel, quand les lignes s’étirent, les couloirs finissent par ressembler à ceux d’une piste d’athlétisme, où les coureurs liégeois se régalent. À gauche, surtout, Nicolas Gavory empile les allées et venues malgré une préparation physique encore à peaufiner.

Le Français impressionne, et incarne l’un des points chauds du nouveau football liégeois, détaillé par Preud’homme dans les colonnes du Nieuwsblad :  » L’an dernier, on était l’équipe qui a parcouru le moins de kilomètres en championnat. Le volume de courses et la taille étaient nos points faibles.  »

VOGUER SANS MARIN

L’été a donc vu débarquer des muscles et des poumons dans la Principauté. Deux atouts indispensables pour ramener sur la pelouse de Sclessin cette verticalité qui a écrit les plus belles pages de l’histoire récente des Rouches. Les nouveaux profils bouleversent forcément le jeu.

Face au Cercle, rares sont les fois où les deux défenseurs centraux liégeois ont tenté d’alerter Cimirot ou Samuel Bastien. Le ballon semblait devoir arriver le plus rapidement possible dans la course des ailiers, que ce soit après un long ballon de Milos Kosanovic ou au bout d’une possession rapide passée par les pieds des arrières latéraux.

Avec le départ de Razvan Marin, la créativité a délaissé le coeur du jeu du Standard, formé par un duo plus apte à chasser le ballon qu’à le faire rouler proprement. En possession, Cimirot court avec le ballon, Samuel Bastien en fait de même ou s’infiltre sans le cuir, et Selim Amallah ne quitte pas sa zone pour intervenir dans sa moitié de terrain.

Le rond central est presque soigneusement contourné. Seules les possessions adverses sont invitées à s’y installer, pour mieux presser et récupérer le ballon dans les zones où chaque perte de balle peut se transformer en occasion de but.

Étirer les lignes, créer des transitions, et courir plus vite et plus longtemps que les autres, voilà la première recette rouche de la saison. Les attaques se limitent au quatuor offensif, souvent épaulé par l’infatigable Bastien. Preud’homme est prudent.  » On a décidé d’être moins naïf en déplacement que la saison dernière « , justifie-t-il après la rencontre.

Parce que les centres de Lestienne et de Boljevic manquent de précision, le danger arrive trop rarement jusqu’à la surface du Cercle. C’est tout de même au bout d’un centre, parti du pied gauche précis de Gavory, que les Liégeois obtiennent un penalty galvaudé par Renaud Emond.

Peu à l’aise pour peser sur la défense au bout des longs ballons, le buteur de la maison liégeoise devrait souffrir de la concurrence des géants Obbi Oularé et Felipe Avenatti, bien plus aptes à installer le jeu de l’autre côté de la ligne médiane en un duel.

PASSION ET PRESSION

Voilà où semble se situer la volonté de ce nouveau Standard : mettre le ballon loin de son but, tenter de marquer quitte à le perdre, puis retenter de marquer juste après l’avoir récupéré. Dans ce plan soigneusement préparé, Bastien et Cimirot font parler les cuisses pour ratisser les alentours du rond central, et alerter un membre du quatuor offensif, généralement dans la profondeur, dès que le ballon est récupéré. Le Standard ne traîne pas, et ne facture d’ailleurs  » que  » 56% de possession à la pause face à un Cercle pourtant loin d’être amoureux du ballon.

Le pressing, très intense pendant la préparation – et notamment lors du dernier véritable test face à Nice – donne l’impression d’être le nouveau baromètre du football liégeois. Tout est soigneusement mis au point. Devant, Amallah se hisse à la hauteur d’Emond pour mettre les défenseurs centraux sous pression, tandis que les ailiers privent l’adversaire d’une porte de sortie par les côtés.

Le relanceur est donc invité à jouer dans l’axe, là où Samuel Bastien officie en tant que libéro du pressing et dévore les trajectoires de passes pour récupérer le ballon avant qu’il puisse franchir le rond central. Un peu plus bas, Gojko Cimirot se joint à l’ensemble ou joue la sécurité, protégeant sa ligne arrière en cas d’échec dans la mise sous pression.

Avec le ballon, Preud’homme s’assure de ne pas tomber dans le piège qu’il tend à l’adversaire. Peu de jeu vers les milieux, pas assez sûrs dos au jeu pour limiter les pertes de balle risquées, et un passage par les flancs permis par les qualités techniques de Gavory et de Mërgim Vojvoda, rarement mis en difficulté par la pression adverse grâce à leur capacité à éliminer un, voire deux joueurs le long de la ligne de touche.

Sans oublier la menace du jeu long, qui se base sur la peur qui habite chaque défenseur : être dévoré à la course. En pressant, l’adversaire du Standard doit jouer haut, et s’exposer à un long ballon précis de Kosanovic dans la course d’un sprinteur liégeois. Le pari est forcément audacieux.

UN BANC DE LUXE

Le plan est sur les rails, mais l’armée rouche est trop rigoureuse pour le faire décoller. Alors, Preud’homme lance Mehdi Carcela à l’aube de la dernière demi-heure.  » Je veux de la structure, mais tu dois aussi pouvoir laisser la créativité fonctionner au sein de cette structure « , explique le coach avant le coup d’envoi de la saison. Placé dans la case  » à vendre  » en compagnie d’Emond, Mpoku et Sébastien Pocognoli, le Marocain s’installe d’abord sur le flanc droit, mais c’est une fois arrivé dans l’axe, avec Limbombe et Lestienne dans les couloirs, qu’il dynamite véritablement la rencontre.

Le Standard devient plus entreprenant. De cinq tirs en première mi-temps, l’addition passe à seize au bout de la rencontre. Dix cadrés sur le match, dont sept en seconde période. La médaille a inévitablement un revers (quatre tirs cadrés concédés après la pause, un seul avant), mais le rapport de forces tourne en faveur du camp où il y a le plus de talent dans la ligne de trois du 4-2-3-1. Ce sont les Liégeois qui emportent les trois points, malgré des reconversions défensives pas toujours abouties qui ont amené Arnaud Bodart à se mettre en évidence ( voir cadre).

Trop court la saison dernière, le noyau de Preud’homme lui permet de réaliser des changements qui peuvent faire basculer une rencontre. Parfois monté au jeu l’an dernier, le jeune Balikwisha a même pu s’offrir le luxe de faire régner les U21 rouches sur un prestigieux tournoi de jeunes en Bretagne, alors qu’ Alen Halilovic et Mpoku n’ont même pas foulé la pelouse.

Au bout d’une nouvelle récupération dans le camp adverse par le milieu liégeois, Carcela envoie Limbombe exécuter son mouvement de toujours et tuer la rencontre dans le dernier souffle des arrêts de jeu. Le banc fait la différence, et peut déjà donner l’opportunité d’imaginer un autre onze pour recevoir Zulte Waregem lors du baptême de la saison à Sclessin.

Le nouveau Standard est né: voici ce qui a changé dans le jeu des Rouches
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L’Heure de Bodart ?

Débarqué en bord de Meuse cet été pour apporter de la taille à un secteur défensif orphelin de Christian Luyindama, le géant ganté serbe Vanja Milinkovic-Savic a surtout fait parler de lui pour ses approximations pendant la préparation et était loin de s’affirmer comme le digne successeur d’un Guillermo Ochoa sur le départ.

Le domaine aérien n’étant pas non plus le secteur de prédilection de Jean-François Gillet, c’est finalement Arnaud Bodart, pourtant numéro trois dans la hiérarchie au moment du coup d’envoi de la préparation, qui s’est installé entre les perches liégeoises pour le déplacement au Cercle.

Neveu du mythique Gilbert, gardien des portes de l’Enfer de Sclessin au tournant des nineties, le portier de 21 ans a dégagé de l’assurance et sorti quelques ballons chauds contre les Brugeois. De quoi lui permettre de s’installer durablement à la base de l’édifice de Michel Preud’homme ?

À Liège, le marché des gardiens reste actif. Une porte de sortie doit encore être trouvée pour un Ochoa qui n’a pas caché ses envies d’ailleurs depuis la fin de la saison dernière, et des mains gantées supplémentaires sont dans le viseur. Mogi Bayat ferait ainsi le forcing pour ramener le jeune Lillo Guarnieri dans la Principauté.

Parti à Milan lors de l’été 2018, le jeune gardien de 17 ans s’est même entraîné avec les pros sous les ordres de Gennaro Gattuso et est considéré comme un immense talent, mais le président Bruno Venanzi ne serait pas enthousiaste à l’idée de voir revenir un joueur dont le départ de l’Académie l’été dernier a été houleux, et qui s’était déjà désaffilié du club lors d’un flirt avec le rival anderlechtois un an plus tôt…

À l’heure actuelle, c’est donc bien Arnaud Bodart qui reste en pole position pour devenir le premier portier issu des jeunes classes liégeoises à s’installer en équipe première depuis son oncle.

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