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Le mystère Francis Amuzu

Aucun autre joueur d’Anderlecht n’est capable d’engendrer autant d’émotions, positives comme négatives, que Francis Amuzu. Essayons de décrypter l’énigme Amuzu sur base de cinq critères.

Vista

Ses équipiers et ses entraîneurs savaient ce qu’ils pouvaient attendre de Francis Amuzu. Il n’était pas le prototype de l’ailier qui recherche constamment l’action individuelle et qui joue avec des oeillères. Il savait parfaitement à quel moment il devait dribbler et à quel moment il devait jouer en un temps. Lorsqu’il était plus jeune, il n’avait pas la passe tranchante d’un numéro dix, mais il voyait ce que d’autres ne voyaient pas. On dit souvent d’Amuzu qu’il ne marque pas et qu’il ne délivre pas d’assist. Mais dans une équipe avec de solides attaquants comme Nicolás Frutos ou Lukasz Teodorczyk, il aurait certainement eu de meilleures statistiques.  » Vous n’avez pas encore vu le vrai Amuzu « , affirme l’un de ses partisans au sein du club.  » Depuis qu’il a intégré l’équipe première, je ne retrouve plus l’Amuzu des équipes de jeunes et des Espoirs.  »

À Neerpede, les entraîneurs se demandent si Amuzu a perdu son sens du but.

Technique et maniement de ballon

Ciske a appris à dribbler dans le club de futsal Salaam, à Malines, où il évoluait déjà en équipe première à quinze ans. Il a amélioré ses sensations avec le ballon en s’entraînant tous les jours pieds nus à l’Académie Jean-Marc Guillou à Tongerlo. Bref, il ne faut plus apprendre à Amuzu comment contrôler un ballon ou comment passer un homme. On s’en est aperçu dès ses premiers entraînements à Anderlecht : sur le plan technique, il pouvait rivaliser avec des garçons comme Alexis Saelemaekers, Albert Sambi Lokonga, Sieben Dewaele et Mike Ndayishimiye.  » Francis est un très bon dribbleur « , affirme son équipier Jérémy Doku.  » Ses feintes, surtout, sont très belles à voir. Je le décrirais comme un joueur de flanc typique.  »

Combiné avec sa vitesse, sa capacité à dribbler est une arme mortelle. Parfois, on a l’impression qu’Amuzu fait toujours la même chose – rentrer dans le jeu à partir de la gauche puis adresser une passe latérale, mais sur un espace réduit, il est l’un des joueurs les plus dangereux de la Jupiler League. Il a une moyenne de 7,2 dribbles par match. À titre de comparaison, Doku est, avec treize dribbles par match, le roi incontesté de cette spécialité dans notre championnat. En termes de dribbles réussis, Amuzu arrive à un peu moins de 60% et se trouve dans le sillage de Kylian Hazard, Emmanuel Dennis, Mehdi Carcela et Theo Bongonda.

Vitesse

Lorsqu’Amuzu accélère, il arrive que les brins d’herbe se détachent. Et, lors des tests de vitesse, il impressionne surtout par ses changements de rythme. Selon des sources bien informées, il figurerait, avec entre autres Andy Kawaya, Michiel De Looze et Doku, dans le top 5 des jeunes les plus rapides qui ont effectué leur écolage à Neerpede, dans un passé récent. Lorsqu’Amuzu a débarqué à Anderlecht, c’était encore un jeune garçon fluet qui n’utilisait pas encore pleinement ses gènes qui le prédisposent au sprint. Après des heures de travail en salle de musculation avec les U21, Amuzu dispose désormais de quadriceps impressionnants.

Dans le noyau actuel, Doku est le seul joueur capable de suivre Amuzu. Les deux Anderlechtois ne se sont pas encore défiés pour savoir qui est le plus rapide, mais ce sont deux sprinteurs différents. Doku est très explosif et se base sur sa puissance. S’il pousse son ballon et court derrière, personne n’est capable de le suivre. Amuzu est plus solide sur ses jambes et réalise ses sprints en finesse. Et il est encore capable d’accélérer ballon au pied.  » Lors d’un tournoi, je l’ai vu sprinter pour aider la défense alors qu’il arrivait déjà à court de souffle. Il est capable d’encore fournir un effort supplémentaire « , confie une personne de son entourage.

Finition et efficacité

Chez les jeunes, l’instinct de tueur d’Amuzu s’exprimait pleinement dans les vingt derniers mètres. Rentrer dans le jeu et envoyer le ballon dans le coin opposé était même devenu sa marque de fabrique. Sept fois sur dix, ça se terminait par un but. En championnat, son efficacité ne saute pas aux yeux. Saelemaekers et Sambi ne marquaient jamais chez les jeunes, et il n’est dès lors pas étonnant qu’ils n’aient pas cassé la baraque dans ce domaine en D1A. À Neerpede, certains entraîneurs se sont demandés si Amuzu avait perdu son sens du but.

Il y a quelques années, l’ailier était aussi très dangereux sur phases arrêtées. Il est étrange qu’aujourd’hui, Amuzu n’ose plus que très rarement exiger le ballon lorsqu’une faute a été commise aux abords des seize mètres. Doku :  » Peu de gens le savent, mais Amuzu a un très bon tir. Il est même capable de tirer à la Ronaldo. Je pense personnellement qu’il devrait tenter sa chance plus souvent.  »

Ce qu’Amuzu doit principalement améliorer ? Son efficacité, son jeu de position devant le but et ses centres. Amuzu a tiré 28 fois au but en championnat et à peine 32% de ses envois étaient cadrés. Le pourcentage de centres réussis est encore plus bas : seuls 26% de ses 57 centres ont trouvé leur destinataire.

Force mentale

Fin décembre 2017, Amuzu a connu des débuts de rêve contre Eupen : alors qu’il était encore inconnu, Hein Vanhaezebrouck l’a titularisé et, pour son premier match sous les couleurs d’Anderlecht, il a inscrit le but victorieux. Une nouvelle star était née. Mais depuis lors, la popularité d’Amuzu n’a cessé de baisser. Chaque passe ou centre raté d’Amuzu suscite la grogne des spectateurs du Lotto Park.  » Il s’en fout « , dit Jesse De Preter, qui a guidé Amuzu de façon intensive pendant quatre ans avec The Atticus Group et qui a aidé la famille à régulariser sa situation.  » Il est très fort mentalement. Rien ne le perturbe.  »

À Neerpede, on ne tient pas le même discours à propos d’Amuzu, dont Christophe Henrotay est entretemps devenu l’agent. Il serait en proie à une crise de confiance. Avec les Espoirs, il disposait d’une grande liberté dans le jeu, mais aujourd’hui, il essaie de forcer. Avec de nombreuses pertes de balles et des mauvais choix comme conséquence. En interne, Amuzu aurait déjà avoué qu’il se sentait toujours obligé de faire ses preuves.  » Quelque chose ne va pas. Et, d’après moi, c’est dans la tête. Peut-être ne supporte-t-il pas la pression à Anderlecht ? Certains joueurs ne parviennent jamais à s’en débarrasser « , affirme un insider.

Même s’il pouvait partir pendant la trêve hivernale afin de faire entrer de l’argent dans les caisses, le jeune ailier de vingt ans compte encore beaucoup de partisans au sein du club.  » Francis est peut-être ce genre de joueur qui ne réussit pas à Anderlecht et qui explose subitement à 25 ans dans un autre club. Peut-être a-t-il besoin d’un nouveau défi. « 

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