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Le dessert tactique #1: le rôle de Vormer, les mouvements d’Amuzu et le pare-chocs carolo

Guillaume Gautier
Guillaume Gautier Journaliste

Retour en cinq temps sur les évènements tactiques du week-end sur les pelouses de Pro League.

Ruud Vormer peut-il devenir un numéro 6 ?

Pour sa première sur le banc de Bruges, Alfred Schreuder a dessiné ses Blauw en Zwart dans un 3-5-2 précis qui a décollé au-delà des 70% de possession de balle et forcément réveillé le souvenir du football d’Ivan Leko. Dans le onze du double champion en titre, deux hommes occupaient pourtant un rôle différent de celui que leur réservait le Croate. Clinton Mata, intégré avec succès à la défense à trois en 2019, s’est chargé de dévorer le couloir, alors que Ruud Vormer n’avait jamais reçu sa chance devant la défense. D’emblée, Schreuder a offert à son compatriote le costume de sentinelle et les clés du jeu.

Face à Saint-Trond, le Néerlandais a tenté 96 passes, plus du double de sa moyenne depuis le début de saison (42,8). De bons pieds à la manoeuvre, c’est forcément tentant, et l’expérience a logiquement tourné au succès face à des Canaris particulièrement inoffensifs. Reste à voir si le capitaine brugeois pourra jouer ce rôle dans tous les scénarios. Souvent effacé quand le ballon se trouve dans ses rétroviseurs, presque dénué d’instinct défensif pour verrouiller sa surface lors d’un débordement adverse, la version « 6 » de Ruud Vormer a quelques défauts d’origine à surveiller, pour que les problèmes de transition défensive vécus par Alfred Schreuder à Hoffenheim ne rejoignent pas la Venise du Nord.

Passeur décisif face au Beerschot, Muñoz est plus qu'un centreur dans le Genk de Storck
Passeur décisif face au Beerschot, Muñoz est plus qu’un centreur dans le Genk de Storck© belga

Pourquoi Genk multiplie Daniel Muñoz par trois ?

Dire que Bernd Storck est méticuleux a le doux son de l’euphémisme. Finis, donc, les placements hasardeux du côté d’un terrain limbourgeois transformé en échiquier. Avec, à la clé, un rôle tout neuf pour Daniel Muñoz, homme à tout faire de l’organisation du Racing.

Si le latéral colombien passait l’essentiel de son temps à dédoubler dans le couloir sous les ordres de John van den Brom, s’adaptant toujours aux mouvements de Junya Ito, ses missions depuis l’arrivée de l’Allemand se sont précisées et multipliées. En plus des appels sur le flanc, comme celui à la base du but d’Ito face au Beerschot, Muñoz se range légèrement au milieu du terrain quand le ballon circule à gauche, comme une cible axiale supplémentaire pour renverser le jeu et permettre à Heynen, Hrosovsky et Eiting de se rapprocher du ballon et d’activer plus simplement un éventuel pressing à la perte. Une tâche taillée sur mesure pour celui qui jouait souvent comme milieu défensif à ses débuts dans le Limbourg. Homme à tout faire polyvalent, le puissant Colombien est aussi un atout majeur pour enrayer une contre-attaque avec ce positionnement proche de celui d’un latéral de Pep Guardiola. À défaut de pouvoir le multiplier, Storck fait donc en sorte qu’il puisse jouer plusieurs partitions à la fois.

Comment Francis Amuzu a aidé à libérer Sergio Gómez ?

Alors que les dernières sorties de l’année 2021 semblaient faire de Benito Raman le remplaçant naturel de Christian Kouamé, parti à la CAN, Vincent Kompany sort Francis Amuzu de sa boîte à outils pour tenter d’ouvrir la défense du Standard. De la profondeur, mais aussi – et sans doute surtout – de la largeur, pour sortir des griffes des centraux liégeois. Très vite, le dribbleur mauve s’exile naturellement vers le couloir gauche, terrain de chasse habituel de Lior Refaelov et Sergio Gómez. Une conversation à trois qui semble surtout avoir pour but de donner le dernier mot à l’Espagnol.

Parce que plus personne ne peut faire abstraction des qualités de l’ancien de la Masia, chaque adversaire aura forcément un plan pour arrêter l’arrière gauche des Mauves. Au Standard, on a ainsi souvent vu Nicolas Raskin prendre en charge les déplacements vers l’axe de Refaelov, milieu gauche théorique, pour laisser au nouveau venu Gilles Dewaele la défense du couloir. Très vite, l’ancien du KVK a dû se focaliser sur les dézonages d’Amuzu, et c’est un Donnum souvent pris à revers et tiraillé entre les milieux et le latéral du Sporting qui s’est retrouvé à la poursuite de Gómez. Le plan bruxellois pour éclairer son Espagnol était abouti, même s’il a fini par un assist délivré du mauvais côté du terrain.

Les Métallos ont sombré dans le brouillard défensif
Les Métallos ont sombré dans le brouillard défensif© belga

Relancer court, est-ce vraiment plus risqué qu’un long ballon ?

Si la météo n’a pas permis de voir grand-chose aux évènements sur le pré embrumé du Pairay, les relances courtes de la défense sérésienne ont régalé le leader du championnat. L’Union a croqué des ballons près de la surface adverse, et s’est enivré à deux reprises du goût des filets qui tremblent. Une aubaine pour ceux qui aiment pointer du doigt ce football contaminé par le guardiolisme, où chacun veut relancer de derrière sans forcément en avoir les moyens.

Souvent confronté à ce reproche, Pep Guardiola aime comparer le ballon à un boomerang. Si on l’envoie vite vers l’avant,il reviendra encore plus rapidement. Le premier but encaissé par Charleroi au Bosuil est un parfait exemple des propos du Catalan : jeu long de Bingourou Kamara, duel perdu, et attaque rapide de l’Antwerp sur un Charleroi désorganisé par son positionnement à la retombée du ballon. L’addition est moins flagrante qu’une passe courte ratée, mais tout aussi salée : balancer la balle devant peut aussi coûter des buts.

Pourquoi Ilaimaharitra et Morioka ont pris l’eau au Bosuil ?

Contre un Antwerp disposé dans un losange particulier, avec Benson comme deuxième attaquant mais plus souvent proche de la craie que de Michael Frey, Charleroi a souffert pour imposer sa loi au coeur du jeu. Ryota Morioka et Marco Ilaimaharitra, pourtant redoutables dans le double pivot des plus belles heures du Charleroi sauce Belhocine, ont pris l’eau face à la puissance des milieux anversois. Un contraste loin d’être surprenant quand on examine de plus près leurs ordres de mission.

Disposés en zone devant un bloc bas avec Belhocine, à un endroit du terrain où l’espace se raréfie et le duel défensif gagné se facilite, les deux hommes devaient ici s’éloigner de leur but pour chasser les milieux anversois et tenter d’imposer leurs vues sur le tempo du match. Une mission pour laquelle le manque de muscles s’est cruellement fait ressentir, devant une défense démantelée par les décrochages de Balikwisha et les déplacements de Benson. Quand Morioka et Ilaimaharitra brillaient dans les grands espaces, c’est parce qu’ils créaient les reconversions. Dans le nouveau football des Zèbres, ils doivent les colmater. Deux visions du jeu qui ne sollicitent pas les mêmes qualités.

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