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Le come-back d’Emilio

Si Emilio Ferrera propulse Seraing en Jupiler Pro League, ce sera au détriment de Waasland-Beveren. Or, c’est au Freethiel qu’il a lancé sa carrière professionnelle, il y a plus de vingt ans.

On s’en souvient comme si c’était hier. C’était une matinée ensoleillée et nous prenions le café à la maison en lisant le journal. Subitement, le téléphone a retenti. Au bout du fil: Emilio Ferrera, 32 ans à l’époque. Le ton est monté. Peu de temps après son engagement, il nous avait accordé une interview, mais il n’était pas d’accord avec le récit de ses premières semaines de travail au SK Beveren. Il pensait que nous voulions le saborder. Plus tard, la même mésaventure est survenue à un collègue. Devant témoins, dans son cas: des spectateurs étaient sur le point de s’interposer entre les deux protagonistes. Plus tard, nous en avons reparlé à l’occasion d’autres entretiens. Ferrera en a rigolé.

Ceux qui ont travaillé avec lui à Beveren ne l’ont pas oublié non plus. Sportivement parlant, le club ne se portait pas bien au début de la saison 1999-2000. Un euphémisme! La première idée qui était venue à l’esprit des dirigeants était, comme souvent, de changer d’entraîneur. Exit Stany Gzil. Au conseil d’administration, Van Hoof avait proposé Emilio Ferrera pour le remplacer. Ferrera? Un ancien assistant de Leo Beenhakker au Mexique, et par ailleurs entraîneur bruxellois sans grandes lettres de noblesse, mais très motivé. Encore tout jeune, 32 ans à peine, mais déjà actif comme coach depuis dix ans et doté d’une vision claire. Y compris en ce qui concerne l’évolution du football européen.

Quelqu’un qui savait ce qu’il voulait et qui travaillait méthodiquement. Le terrain d’entraînement était divisé en secteurs, les exercices étaient variés et compréhensibles par tous. C’était encore l’époque des cassettes-vidéo, et il passait des heures et des heures à analyser les images. Mais au club, on a aussi découvert l’autre facette de Ferrera. Très exigeant, prompt à se disputer avec tout le monde lorsqu’il n’obtenait pas ce qu’il demandait. Il avait exigé un nouveau téléviseur, et comme celui qu’il avait reçu n’était pas à son goût, il en avait demandé un autre. Les terrains devaient être parfaitement entretenus, les ballons parfaitement gonflés. Il était attentif au moindre détail. Comme l’effectif comportait de nombreux jeunes joueurs, il les emmenait en mises au vert. Mangeaient-ils convenablement et sainement? Ne subissaient-ils pas trop d’influences négatives avant un match? Il voulait tout contrôler. Si l’éclairage du terrain d’entraînement principal n’était pas rétabli assez vite, il emmenait ses joueurs sur le terrain de l’équipe réserve. Volontairement, pour « embêter les autres », car ça obligeait la commune à effectuer les réparations plus rapidement (le Freethiel était la propriété de la commune).

Au niveau du caractère, il fallait se le farcir. Pour beaucoup, il manquait d’empathie. Mais comme entraîneur, c’était le top. Le SK Beveren s’est sauvé sans problème, en terminant à la quinzième place, sept points devant les relégables. La saison suivante fut encore meilleure, avec une quatorzième place.

Malheureusement, ça ne remplissait pas les caisses. À l’époque, la tierce propriété n’était pas encore interdite, et le club a donc exploré cette piste. C’est ainsi que Jean-Marc Guillou a débarqué au Pays de Waes avec tous ses Ivoiriens. D’abord avec quatre joueurs qui, selon l’assistant-coach de l’époque, « pesaient ensemble 80 kilos tout au plus ». Des petits gars frêles, peu musclés, dont on craignait qu’ils se révéleraient trop légers pour le championnat de Belgique. Ils ne manquaient pourtant pas de qualités, les Yaya Touré, Gilles Yapi-Yapo et consorts, mais c’étaient surtout des talents en devenir. De bons pieds, mais trop peu de masse. Un atout qu’ils allaient gagner plus tard.

Le premier à faire les frais de cette invasion franco-ivoirienne fut, vous l’aurez deviné, l’entraîneur. Avec Guillou, qui avait demandé les pleins pouvoirs en matière sportive, et Ferrera, il y avait un capitaine de trop à la barre. Guillou pesait plus lourd. En septembre 2001, le couperet est tombé, et Ferrera a été laissé libre de partir à la conquête du monde. Samedi, il reviendra au Freethiel. Le club a changé de nom et le stade a été partiellement rénové, mais il subsiste des similitudes avec le Freethiel d’autrefois. L’une d’elles, ce sont les caisses vides.

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