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Le bilan du Standard de Mbaye Leye

Guillaume Gautier
Guillaume Gautier Journaliste

Comme Michel Preud’homme ou Philippe Montanier avant lui, Mbaye Leye s’est donné la mission de rationaliser le football sauvage des bords de Meuse. Une tâche prolongée au bout de cinq premiers mois où les moments d’euphorie furent pourtant rares.

Les premiers mots sont souvent les mêmes. Ceux d’un homme qui se sent de taille à dompter la bête rouche. Cet animal sauvage qui se gausse souvent de n’obéir à aucune loi, d’avoir un ADN qui alterne les hauts et les bas avec la régularité d’une cage d’ascenseur. « L’important, ce n’est pas de faire un one-shot, mais de stabiliser le club au top », raconte ainsi Michel Preud’homme il y a trois étés, convaincu d’être celui qui pourra enfin maîtriser la folie de Sclessin. « Dans chaque club où on est passé, on a gagné. Le passé parle pour nous », conclut celui qui jettera pourtant l’éponge au bout de deux saisons sans trophée, la seconde étant moins réussie que la première, contrairement à ce que laissait augurer sa réputation.

Très vite, Mbaye Leye enfile lui aussi le costume du dompteur. Dans la foulée d’un quart de finale de Coupe où ses hommes viennent à bout d’un Bruges diminué par le Covid, mais toujours épouvantail national, le Sénégalais décoche un discours qui tranche avec l’euphorie générale: « Les félicitations, elles ne sont pas pour maintenant! Dimanche, il y a Mouscron, et je veux voir deux, trois, quatre fois ce genre de prestation. » Battus chez les Hurlus, les Liégeois ne trouveront jamais cette continuité, malgré les tentatives incessantes de leur coach de secouer son vestiaire. Il y aura les mises au vert à répétition, les mises à l’écart de cadres retardataires ou de jeunes impétueux, les sélections chamboulées et les dispositifs tactiques sans cesse modifiés. En vain. Rien de tout cela n’empêchera le Standard, qui finira décimé par les blessures, de boucler la saison par un bilan de 16/48 en championnat, après un douze sur douze initial pourtant prometteur.

Oxygène hivernale au coeur d’une longue série de matches sans victoires, la Coupe de Belgique ne connaîtra finalement pas l’apothéose espérée. Laissé sur le banc au coup d’envoi pour obtenir plus de maîtrise, malgré une forme exceptionnelle devant les buts adverses, Jackson Muleka sort trop tard du banc pour que son but soit autre chose qu’une anecdote. « Jouer à deux attaquants, pour moi, c’était plus une option pour le money-time« , se justifiera Leye après le coup de sifflet final. Une question de contrôle, une fois de plus. Une tentative de dompter la folie qui n’aboutira que sur une défaite frustrante, au vu des difficultés rencontrées par la défense limbourgeoise après la montée au jeu du Congolais.

LA QUÊTE DE L’ÉQUILIBRE

Entamés avec l’envie de conquérir l’Europe malgré tout, parce que Mbaye Leye avait conclu sa première conférence de presse à Sclessin en disant que « Standard de Liège rime avec scène européenne », les play-offs 2 tournent rapidement au cauchemar. Jamais vraiment remis de la blessure d’un Merveille Bokadi qui est sans doute le meilleur Rouche de la saison, le club des bords de Meuse ne parvient plus à colmater les brèches défensives et confirme sortie après sortie qu’il a perdu cette solidité défensive qui était l’une des rares fondations sportives posées sur la pelouse par Philippe Montanier. En vingt sorties en championnat, le Standard de Leye concède 34 buts, oubliant souvent de penser aux conséquences potentielles d’une perte de balle quand il se déploie pour tenter de se créer une occasion.

La recherche de l’équilibre est capitale pour dompter le fauve rouge et blanc. Il faut parvenir à enthousiasmer la foule tout en veillant à ne pas finir dévoré par le spectacle. « Les chiffres de la défense sont très bons. Si on peut garder ça et améliorer l’attaque, alors on sera bien », disait encore Leye dans son premier discours de coach face aux médias. Si les buts sont effectivement tombés plus facilement que sous les ordres de son prédécesseur, est-ce grâce au style de jeu, ou parce que Muleka s’est débarrassé de ses ennuis physiques et que João Klauss a été l’une des plus belles pioches de l’hiver belge?

En jetant un oeil vers les expected goals, qui mesurent le nombre et la qualité des frappes au but créées à chaque rencontre, on réalise que la moyenne en championnat sous Leye (1,57 expected goal créé) est identique à celle de Philippe Montanier. Un statu quo offensif sublimé par une conversion des occasions bien meilleure, mais tempérée par une solidité défensive en berne: de 1,22 expected goal concédé par match sous Montanier, le Standard est passé à 1,66 avec Leye, plaçant son ratio créé-concédé du mauvais côté de la balance. Au-delà de l’impression visuelle dégagée par un jeu souvent plus vertical, les chiffres montrent que les Rouches sont tactiquement devenus plus dangereux pour eux que pour l’adversaire.

DEMAIN AVANT AUJOURD’HUI?

Si l’apport de Mbaye Leye au Standard est encore sujet à débat, la direction rouche a décidé de le clore dans la foulée de la déception du Heysel en prolongeant l’aventure conjointe avec le coach sénégalais. Peut-être en jugeant que l’ancien attaquant s’est impliqué suffisamment dans le quotidien du club pour montrer sa volonté de changer le cours de cette histoire indomptable, accueillant de nouveaux jeunes à travers la porte déjà ouverte par Montanier en début de saison, puis en rappelant d’autres à l’ordre (sanctions pour Michel-Ange puis William Balikwisha, temps de jeu réduit à néant pour Damjan Pavlovic).

Promu par Leye dans la foulée d’un coup de foudre devant un match des U18, Allan Delferriere est le dernier exemple en date de cet avenir qui semble se tourner vers un rajeunissement des cadres et un appétit plus affirmé que chez des tauliers parfois rassasiés. Même si le choix de Delferriere n’a pas fait l’unanimité au sein du club, le coach montre ainsi sa volonté de marquer le Standard de demain, à défaut d’avoir pu laisser une véritable trace dans celui de ses premiers mois. « Au Standard, on te demande juste de gagner, pas de parler », concluait Leye à l’heure de parler de ce qu’on devait attendre de ses troupes dans les mois qui suivaient sa nomination. À lui de rééquilibrer une balance qui, au bout de cinq mois, compte beaucoup plus de mots que de victoires.

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