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La Super League ou le bal des faux-culs

Notre chroniqueur Frédéric Waseige revient sur le soap joué récemment au sommet du foot européen.

Le foot, ça doit sentir les frites, et puis les moules, les tapas, et puis la Guiness. Pas le homard, et puis le champ’. Ça peut. Mais pas seulement. On croyait avoir atteint le sommet de l’hypocrisie avec la Ligue des Champions, mais là, avec cette Super League, on dépasse le sommet. On quitte la terre avec le vide en-dessous de soi. Déjà cette Ligue des Champions couronnait parfois des « non-champions », donc l’UEFA ne doit surtout pas jouer les vierges effarouchées. Sinon, on lui rappellera volontiers, la volontairement discrète market pool. Une petite clause qui assure plus de revenus aux clubs issus des pays où les droits TV sont les plus élevés. Peu importe le parcours dans la compétition. Vive le sport… s’il est maîtrisé par l’industrie foot. Une industrie gangrenée depuis longtemps par les oligarques, milliardaires, fonds de pensions, et même États souverains, pour qui le foot n’est qu’une façon de soigner les finances et l’image.

Heureusement, beaucoup considèrent encore que c’est la différence de buts qui sacre les meilleurs. Pas la différence de budget.

Là, ils viennent de se planter sur toute le ligne. Heureusement, beaucoup considèrent encore que c’est la différence de buts qui sacre les meilleurs. Pas la différence de budget. Des budgets que ces renégats n’ont pas su maîtriser à force d’indécence. Le grand paradoxe est là: tous ces géants croulent sous les dettes. Abyssales. On avait déjà compris, à l’image du Barça, que les fondements même de l’existence de certains clubs pouvaient être bafoués, insultés et trahis. Le Barça appartient aux socios! Tu parles…

Les membres fondateurs de ce prestigieux club se doutaient peu que 107 ans plus tard, leurs « gouvernants » allaient trahir la fierté catalane en « offrant » leurs bustes fiers à l’Unicef. La soi-disant bonne cause ne servait, en fait, qu’à préparer le passage à l’inéluctable. Cinq ans plus tard, l’inéluctable devient détestable. C’est la Qatar Fondation qui vient gratter les pectos des joueurs. Un poil à gratter en forme de vaseline. Là aussi, une fondation pour mieux préparer l’arrivée de l’aviation. Qatar Airways. Les socios rouspètent. Pas longtemps. Le temps qu’on leur explique que sans cet argent, on ne saura plus payer Messi. La vertu s’efface sous l’accoutumance au goût de la victoire. Suivra Rakuten, marque japonaise. Ouf, l’insulte faite par le petit État du Golfe, qui respecte autant les droits de l’Homme que le fair-play financier, va salir ailleurs. Cela dit, quitte à prendre un autre, autant en prendre un qui ouvre au marché asiatique. Et on ressort la vaseline en imprimant « Unicef » sur le dos du maillot.

Ce fameux dos du maillot qui, parenthèse, a été pour moi le déclencheur de la descente de plus en plus abrupte du foot collectif vers un sport « individuel ». Depuis que le nom des joueurs y est floqué, notre sport a changé. D’ailleurs, autre parenthèse, trop souvent les joueurs se bouchent le nez à l’approche de l’odeur de l’argent. Pas question de les condamner, juste question de le signaler. Pas question de stigmatiser le Barça non plus. Juste question de prendre un exemple. Surtout que la Coupe du monde au Qatar doit beaucoup aux dirigeants blaugranas. En quelque sorte, les jockeys d’un cheval de Troie arrivé sur les sabots, avant d’enclencher le grand galop.

Les autres patrons ne valent pas mieux. Combien de propriétaires des douze fondateurs de cette funeste Super League sont issus de continents où le foot transpire l’amour, la tradition et le jeu avant tout? Très peu. Les supporters leur ont rappelé les bonnes manières. Une fois de plus, la vérité est venue « d’en bas », comme ils disent. Sauf qu’en bas, ce sont les fondations. La merveilleuse conclusion de cette tentative de hold-up, c’est que le peuple est descendu dans les rues pour sauver la dignité de tous. Un bel exemple à suivre pour nous réapproprier notre quotidien. De supporters à citoyens, il n’y a qu’un pas que nous devons tous franchir pour redonner à la vie un goût de victoire.

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