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La montée en puissance de Genk et l’amertume du Standard: retour sur la finale de la Coupe

Rien de plus binaire que le verdict d’une finale. Celle de la Croky Cup, remportée par Genk au Heysel, valide la politique internationale des Limbourgeois et remet en doute l’équilibre fragile d’un Standard toujours en chantier.

Le ciel est bleu, et on prend du bon temps à la table des gagnants. Dans la foulée des mots heureux de John van den Brom, les journalistes rassemblés dans la salle de presse du Heysel voient débarquer Theo Bongonda un cigare à la bouche, Kristian Thorstvedt torse nu et bouteille de champagne à la main, et le capitaine Bryan Heynen qui ne quitte plus son trophée d’une semelle.

A posteriori, la posture rouchelaisse l’impression d’une équipe qui s’est plus préparée pour ne pas souffrir que pour faire mal.

Le Norvégien s’occupe de l’ambiance et provoque les rires, prenant le leadership d’un trio qui raconte à sa manière la saison de Genk, embarquée sur des montagnes russes: un faux départ, une série folle de victoires, une crise en plein hiver, puis un sprint final qui ne semble jamais devoir s’arrêter. À tel point que dans des play-offs à dix matches, on n’exclurait sans doute pas Genk de la course au titre.

UN AN PLUS TARD

Les problèmes du début de saison ont fini par se résoudre, presque naturellement. Pour en arriver à la conclusion qu’une fois de plus, DimitrideCondé et ses méthodes de scouting ont une nouvelle fois tapé dans le mille. Durant la préparation, le directeur sportif était mis sur le gril au sujet du rendement de Bongonda, PaulOnuachu et PatrikHrosovsky, arrivés un été plus tôt avec l’étiquette de nouveaux patrons. Dix-huit millions à eux trois, et autant d’attentes principalement déçues au décompte final. Bongonda n’était que l’ombre du joueur qui faisait voler le Essevee, Hrosovsky ne parvenait jamais à prendre les rênes du milieu, et le géant nigérian ne plantait que neuf buts en une vingtaine d’apparitions. « Je crois toujours en eux, je pense qu’ils vont montrer cette saison qu’ils peuvent apporter cette plus-value qu’on attendait d’eux », défend alors De Condé. Une réponse alors aux airs de cliché, aujourd’hui devenue prédiction. La forme de Bongonda a débarqué la première, suivie des buts d’Onuachu, puis de l’équilibre de Hrosovsky.

Le puzzle du milieu de terrain a longtemps semblé insoluble. L’histoire d’un coeur qui ne bat plus, et qui force les offensifs à décrocher et la défense à faire des miracles. Il aura fallu attendre début novembre, et le retour de Bryan Heynen, pour voir le moteur tourner à plein régime. Quand John van den Brom descend Hrosovsky des tribunes où aimait le laisser HannesWolf, l’équilibre semble enfin trouvé et le triangle offensif, concentré sur sa tâche principale, remercie avec des buts.

Une nouvelle alchimie également due à un entraîneur mis sous pression suite à sa défaite contre le Beerschot, et soulagé après une victoire dos au mur chez les Zèbres. Après avoir longtemps surfé sur la vague de bon flow lancée par JessThorup, John van den Brom parvenait enfin à mettre sa patte sur l’équipe: un retour à une défense à quatre, avec l’excellent DanielMuñoz incontestablement le transfert de la saison – dans le costume laissé vacant par JoakimMaehle, et l’infatigable et puissant Thorstvedt pour compléter le triangle du milieu. Ce soir-là, Theo Bongonda débute la rencontre sur le banc, et son orgueil le ramène ensuite à son meilleur niveau.

Le Standard n'a pas fait le poids face à Genk.
Le Standard n’a pas fait le poids face à Genk.© BELGAIMAGE

FUTUR CANDIDAT AU TITRE?

Le trophée est également un soulagement pour PeterCroonen. Très critiqué en début de saison, à cause d’une double casquette de président de Genk et de la Pro League parfois difficile à porter, il peut aujourd’hui regarder le bilan du Racing avec le sourire. Dès la première année de sa présidence, il a inversé la courbe négative de la comptabilité limbourgeoise, qui forçait le club à vendre un joueur par an pour dégager des bénéfices. Depuis, la participation à la Ligue des Champions et les juteux transferts sortants vers les grandes compétitions européennes – le businessmodel du club – ont transformé les dettes en un énorme bas de laine. Un deuxième trophée en cinq ans de présidence vient sublimer un bilan plutôt flatteur.

La qualification européenne déjà en poche, Genk va pouvoir reprendre son souffle. Manquée l’an dernier suite à l’arrêt précoce de la compétition, la scène continentale et ses enjeux ont longtemps fait peser une grande tension sur la Luminus Arena cette saison. Sans elle, difficile d’attirer dans le Limbourg les talents les plus prometteurs des quatre coins du globe. C’est par exemple la Ligue des Champions qui avait fait rester l’ambitieux Joakim Maehle, finalement parti à l’Atalanta l’hiver dernier après un long flirt déçu avec Marseille l’été précédent. Les prochains à prendre l’ascenseur vers un grand championnat devraient se nommer JhonLucumí et Paul Onuachu, avec lequel le club espère battre le record de transfert sortant détenu depuis un an et demi par SanderBerge.

Si le remplaçant de Lucumí est déjà au Racing, qui a ouvert largement les cordons de la bourse pour attirer le prometteur Américain MarkMcKenzie voici trois mois, la question principale du prochain mercato sera probablement la quête d’un attaquant de pointe, à moins que CyrielDessers ne finisse par répondre aux attentes avec un an de retard, comme Onuachu, Hrosovsky et Bongonda avant lui. Avec la personnalité très affirmée du défenseur américain derrière et un remplaçant à la hauteur d’Onuachu devant, Genk pourra entamer la saison prochaine dans la peau d’un candidat au titre.

Une défaite qui coûte cher?

Le plan semble timoré. Comme si le Standard, en montant sur la pelouse du stade Roi Baudouin, avait plus à perdre qu’à gagner. Écharpe rouge et blanche nouée autour du cou, en contraste avec le costard des grands soirs, Mbaye Leye se montre légèrement frileux en préférant les efforts organisés de Michel-Ange Balikwisha aux coups de poignard parfois brouillons d’un Jackson Muleka pourtant en pleine bourre (cinq buts sur ses six derniers matches). « C’était un choix tactique, pour bloquer la construction des deux milieux défensifs limbourgeois », s’est justifié le coach sénégalais dans la foulée du coup de sifflet final. « Jackson devait entrer dans le money-time. » Le coup de tête imparable du sniper congolais est toutefois tombé trop tard pour valider le plan. Et a posteriori, la posture rouche laisse l’impression d’une équipe qui s’est plus préparée pour ne pas souffrir que pour faire mal.

« Sportivement, la pression est la même pour les deux équipes, mais financièrement il y a peut-être plus de pression dans le club liégeois. Il y aura peut-être plus de stress de leur côté, car nous avons la chance d’avoir une certaine stabilité financière », diagnostique à juste titre Dimitri de Condé dans les pages de la Dernière Heure à la veille de la finale. Pour le club des bords de Meuse, une qualification européenne est effectivement indispensable pour que la planification financière tienne la route. Une réalité d’ailleurs retranscrite noir sur blanc dans le bilan comptable 2020 des Liégeois: « L’avenir sportif du club est conçu sur la base du maintien de ses objectifs. Il est toujours considéré que la participation annuelle à la phase de groupes de l’Europa League et aux play-offs 1 constitue un minimum à atteindre et que le budget sera fixé en fonction de ce minimum. » Un aspect relevé par la Commission des Licences, qui portera une attention particulière aux comptes du Standard en cas de saison sans dénouement heureux lors des Europe play-offs, que les hommes de Leye doivent remporter s’ils veulent toucher l’Europe du doigt la saison prochaine.

Si la place plus importante accordée aux jeunes, après un mercato excessif guidé par Michel Preud’homme un été plus tôt, laissait présager une saison de transition, c’est tout de même avec ambition que le Standard avait entamé sa campagne sous les ordres de Philippe Montanier, et avec la seule perte de Mërgim Vojvoda parmi les départs notables. « Les play-offs 1 pour le Standard, c’est le minimum syndical », avait ainsi déclaré le président Bruno Venanzi au mois de mai dernier, à l’heure de fixer les objectifs dans une vidéo tournée en plein confinement pour apaiser une atmosphère tendue par la non-obtention de la licence et le flou autour de l’avenir de MPH. Au moment de prononcer cette phrase, le patron des Rouches savait-il déjà que les play-offs ne concerneraient que les quatre premières équipes du championnat? La question semble anodine, mais pourrait peser lourd au décompte final d’un Standard garé à la sixième place au bout de la phase classique.

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