Guillaume Gautier

La Jupiler Pro League ou le sprint des escargots

Guillaume Gautier Journaliste

Cette saison, le sixième sera avant tout le moins mauvais des onze derniers.

Tous les amateurs de thriller vous le diront. Le suspense est l’ingrédient indispensable d’un bon moment, le nez plongé dans un livre ou les yeux scotchés à un écran. Par contre, une conversation entre passionnés de films d’auteur ou un dialogue de dévoreurs de littérature aura un autre avis sur la question. Que vous regardiez un film réussi ou que vous lisiez un roman de génie, il ne faut pas attendre les dernières minutes, les ultimes pages, pour savoir que vous êtes immergé dans un chef-d’oeuvre. La qualité n’attend pas le score final.

La course au top 6 est haletante. À 360 minutes du coup de sifflet final, elle implique encore sept équipes, toutes regroupées en six petits points. Le suspense est là, indéniable. Et la qualité ? Mis à part Anderlecht et Mouscron, tous ont perdu au moins dix fois en 26 journées. Mauves et Hurlus, eux, ont compilé les matches nuls. Ils n’ont même pas gagné un match sur trois. Quel que soit l’heureux élu, qui validera son billet pour le jackpot de fin d’année, il sera difficile d’affirmer qu’il a mérité son dû. Un sprint d’escargots peut être passionnant, mais le vainqueur pourra-t-il vraiment dire qu’il est rapide ?

La saison avait démarré avec un parfum de transition. L’excitant projet anderlechtois s’est rapidement égaré, multipliant les secousses internes comme les phases de possession. Le champion en titre limbourgeois, lui, a démarré l’exercice sans avoir fini de se déconstruire, évacuant Felice Mazzù des décombres pour finalement confier la refonte de son football au jeune Hannes Wolf, profil à la mode de jeune coach allemand dont on n’a toujours pas vraiment découvert les vertus du fil conducteur. Les balbutiements de deux membres du top 6 national ont ouvert la brèche pour les invités inattendus.

Habitué à glisser son pied dans la porte à la moindre occasion, le Zèbre s’est installé avec fracas dans le coin VIP du championnat. Le projet de Mehdi Bayat, redynamisé par la grinta de Karim Belhocine, a épicé la stabilité carolo pour l’installer bien plus haut qu’espéré quelques mois plus tôt. Si le Pays Noir se met à rêver ouvertement d’Europe, c’est parce qu’il a appliqué la recette parfaite des saisons réussies : un groupe stable et expérimenté, rodé aux batailles de Pro League, saupoudré de quelques jeunes talents avides de gravir les échelons comme l’ont fait Clinton Mata, Cristian Benavente ou Victor Osimhen avant eux.

L’équilibre est un exercice de funambuliste. À trop miser sur les routiniers, en oubliant les jeunes loups aux dents longues, Courtrai a longtemps regardé dans le rétroviseur avec une pointe d’anxiété. L’irruption de Faïz Selemani, la révélation de Tuta en défense centrale et l’explosion inattendue de Terem Moffi ont fait des hommes d’Yves Vanderhaeghe l’équipe en forme du moment, arbitre inattendu d’un sprint final que le gros du peloton semble aborder avec les mains sur les freins. Avant l’installation du trio, seul Julien de Sart semblait monter sur la pelouse du stade des Éperons d’or avec la possibilité de rêver d’un futur ambitieux. Trop peu pour déjouer les pronostics, avec un réveil sans doute trop tardif pour briguer la fameuse sixième place.

Le coup de fraîcheur est parfois excessif. Anderlecht et son équipe de teenagers en est l’illustration, même si le coup de balai était probablement nécessaire dans un vestiaire plombé par des années cumulées de mauvaise gestion sportive. Là, le déséquilibre est une posture. Aux Mauves, il manque l’expérience et la volonté de sortir de leur zone de confort. Une rage qui habite les revanchards et les ambitieux, ingrédients incontournables des recettes qui fonctionnent. Sans Saido Berahino et Cyle Larin, Zulte Waregem ne serait pas en lutte pour le top 6. Malines expose les jeunes Issa Kaboré ou Aster Vranckx, voire Nikola Storm, encadrés par un noyau débordant de roublardise. Mouscron et Saint-Trond sont parfois d’insondables tours de Babel dont l’irrégularité semble être le fil conducteur, mais ils restent dans la course. Les symptômes d’une saison où le sixième sera avant tout le moins mauvais des onze derniers.

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