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La folle ascension de Balikwisha au Standard: comment est-il devenu incontournable?

Guillaume Gautier
Guillaume Gautier Journaliste

Encore considéré comme le « frère de » il y a quelques mois, Michel-Ange Balikwisha est devenu un membre incontournable du secteur offensif du Standard. Une folle ascension comme témoin de nombreuses histoires rouches.

Impossible de vivre la scène sans se défaire d’une impression de déjà-vu. Sans doute parce qu’une heure plus tôt, à l’autre bout de la pelouse de Sclessin, un centre parti du mauvais pied de Maxime Lestienne et déposé sur le front de Michel-Ange Balikwisha laisse déjà Gaëtan Coucke impuissant.

Sauvé par sa défense en fin de première mi-temps, l’ancien gardien de Genk n’a plus aucun rempart de fortune à dresser entre le front de Mickey et ses filets quand, une petite heure après les faits, le centre parti du mauvais pied de Mehdi Carcela offre un replay au jeune ailier du Standard. Le troisième but de la saison du cadet des frères Balikwisha va encore rapporter gros, épiloguent déjà depuis la tribune les claviers qui accélèrent leurs cliquetis à mesure que le coup de sifflet final se rapproche. Tant pis si Sandy Walsh vient gâcher la fête liégeoise et contraindre les Rouches à un quatrième partage de rang.

Balikwisha n’a pas vraiment un atout offensif majeur qui ressort. » Un membre d’un club de Pro League

Buteur contre Zulte Waregem, puis surtout auteur de l’ouverture du score dans le choc wallon face à des Zèbres alors leaders du championnat, le gamin tout juste sorti de l’Académie est aujourd’hui, du haut de ses trois buts, le meilleur buteur du Standard en championnat. Un constat qui dit autant de choses sur la porte à nouveau ouverte aux jeunes à Sclessin que sur les limites offensives d’un club qui doit trop souvent s’en remettre à un adolescent pourtant pas spécialement réputé pour sa faculté à faire trembler les filets. Une histoire de buts importants qui est surtout celle de Michel-Ange Balikwisha.

DES BUTS QUI COMPTENT

La chaleur est telle que l’été semble être cuit à la poêle. Pas de quoi altérer l’enthousiasme des jeunes organismes rassemblés sur les pelouses bretonnes, au bout du mois de juillet 2019. Le Standard est, le temps d’un week-end, l’une des huit équipes U21 invitées à fouler les terrains du centre technique Bretagne Henri Guérin, posé à quelques encablures de Saint-Brieuc, entre les célèbres ports de Brest et de Saint-Malo. Remporté en 2015 par les Mauves de Wout Faes, Orel Mangala et Dodi Lukebakio, le tournoi des centres U21 rassemble alors les Anglais de Tottenham, les Rouches, et six clubs français, répartis en deux poules de quatre. Portés jusqu’en finale par des buts d’ Evangelos Patoulidis – qui sera élu meilleur Espoir du tournoi – et de Joachim Carcela – meilleur joueur – les hommes de Stéphane Guidi affrontent sur la dernière marche vers le sacre la prestigieuse école du Stade Rennais.

C’est évidemment le moment choisi par Michel-Ange Balikwisha pour sortir de sa boîte. Au pressing, il profite d’une mauvaise relance du gardien rennais pour déverrouiller la finale. Ce sera encore lui qui, plus tard dans l’après-midi, plantera le tir au but décisif pour offrir le trophée à ses couleurs. Mickey inscrit ainsi son nom au palmarès d’un tournoi qui, depuis sa création en 1998, a vu défiler les talents de Riyad Mahrez, Raphaël Varane, Ousmane Dembélé ou encore Matteo Guendouzi.

Face à Bruges, ses courses disciplinées et énergiques en faux neuf ont mis la pression sur la relance des hommes de Clement.

Un an après les faits, certains des noms présents dans le groupe rouche ont pris une consonance familière. Si Joachim Carcela était déjà bien intégré au groupe de Michel Preud’homme, au même titre qu’un William Balikwisha, qui avait fait ses débuts avec les pros près d’un an plus tôt sur la pelouse de Daknam, on remarque a posteriori la présence d’ Hugo Siquet (titularisé par Philippe Montanier à l’Antwerp), de Mitchy Ntelo (intégré au groupe pro pendant la préparation) ou de Jérémy Landu (convoqué pour le déplacement européen à Benfica).

DE LA YOUTH LEAGUE À MONTANIER

L’ombre du grand frère n’a que très peu pesé sur les épaules de Michel-Ange. Si le récit du talent qui éclot et qu’on accompagne souvent d’un petit frère présenté comme « encore plus fort que lui » a déjà connu son lot de stories décevantes, cela semble bel et bien être le cas chez les Balikwisha. La saison dernière, pourtant, le cadet qui a rejoint l’Académie dans le sillage de son grand frère en 2014, en provenance d’Anderlecht, partage l’essentiel de son temps entre les U21 et les U18.

Chez les rivaux mauves, qui avaient amorcé un rapprochement à l’été 2019 avant que le Standard n’offre un contrat à Michel-Ange, on s’étonne de voir un tel talent jouer dans « sa » catégorie, sans être surclassé chez les U21. Les explications sont pourtant légion. D’abord, le noyau XXL construit par Michel Preud’homme force le coach des U21 à faire de la place dans son onze pour les nombreux joueurs du groupe pro en quête de temps de jeu, et les jeunes encore en âge de jouer en U18 sont les victimes naturelles de ces redescentes en cascade.

Ensuite, le Standard lorgne vers une qualification en Youth League, et un titre chez les U18 offre un billet pour la prestigieuse baby Champions League. Les Rouches n’hésitent donc pas à renforcer leur équipe autant que possible, là où d’autres comme Anderlecht évoluent avec des générations bien plus jeunes et surclassées. Le plan est en passe de fonctionner, avec notamment un spectaculaire 10-0 enfilé au rival carolo, mais la fin de saison prématurée avorte les projets liégeois, puisque c’est finalement Genk qui empoche le titre et la Youth League à la différence de buts (+39 pour le Racing, +35 pour le Standard).

TALENT ET DISCIPLINE

Faute de défi européen, les meilleurs produits de la génération 2001 se retrouvent donc entre les mains de Philippe Montanier à la reprise. Emmenés par un Nicolas Raskin qui a longtemps été la figure de proue de cette levée, avant ses départs pour Anderlecht puis Gand, les jeunes loups sont intégrés au groupe pro, et le coach français confie du temps de jeu à Damjan Pavlovic ou Hugo Siquet. Ceux-là restent néanmoins dans l’ombre de Raskin et Balikwisha, devenus membres presque indéboulonnables du onze de Montanier.

Pour Mickey, les débuts ont tout de même un parfum d’Europe. C’est à l’occasion de la venue de Bala Town, premier jalon du marathon continental du Standard, qu’il vit à la surprise générale sa première titularisation, saluée par son coach au bout d’une victoire plus étriquée que prévu: « C’est une bonne première. Il a été très actif et a amené sa technique et son sens du mouvement. J’aurais aimé qu’il soit un peu plus tueur, vu qu’il est adroit devant le but. Mais il a un bon potentiel, il va falloir continuer à le développer. »

Les mots n’ont rien de paroles en l’air. Car dans les dix-sept rencontres qui ont suivi la victoire des Rouches contre les Gallois, Mickey foulera la pelouse à treize reprises. Presque trop, pour un joueur qui débarque aussi brusquement dans le football des adultes, mais compréhensible pour un jeune qui affiche déjà beaucoup de métier. À Charleroi, il est ainsi aligné dans le couloir droit liégeois pour freiner les velléités offensives de Joris Kayembe, latéral au rôle majeur dans les attaques zébrées. Face à Bruges, ses courses disciplinées et énergiques en faux neuf mettent la pression sur la relance des hommes de Philippe Clement, rarement aussi malmenés ballon au pied au point d’offrir de nombreuses opportunités aux Rouches.

Il a toujours eu des capacités physiques au-dessus de la moyenne. Il est capable de courir pendant nonante minutes. » Stéphane Guidi, son coach chez les U21

LE MICKEY DE DEMAIN

Michel-Ange Balikwisha est un peu l’antithèse du jeune joueur qui débarque chez les pros et y gratte rapidement des minutes. Souvent, les talents offensifs peuvent compter sur un énorme point fort, mais ne récoltent que des montées au jeu à cause d’un manque de discipline, d’un jeu pas encore assez mature. Mickey, lui, avale les kilomètres comme un soldat. « Il a toujours eu des capacités physiques au-dessus de la moyenne. Il est capable de courir pendant nonante minutes », raconte à la DH Stéphane Guidi, son coach chez les U21.

Les occasions de faire la différence sont, par contre, plus rares. Parce que le football de Montanier n’est probablement pas l’idéal pour mettre un talent offensif en évidence, mais aussi parce que Balikwisha ne dispose pas d’un atout majeur au moment d’entrer dans la zone de vérité: une frappe loin d’être exceptionnelle, un flair insuffisant pour donner la passe que personne n’a vu, un dribble décent, mais rarement déroutant.

« D’habitude, on prépare toujours une vidéo pour nos joueurs défensifs, en les préparant face aux points forts des offensifs adverses », raconte-t-on chez un concurrent du haut de tableau. « Mais pour Balikwisha, ça a été impossible d’en faire une, parce qu’il n’a pas vraiment un atout offensif majeur qui ressort. »

Un constat qui interroge sur la marge de progression du joueur, car généralement, les talents bruts se développent avec l’accumulation des minutes et de la maturité, pour pouvoir augmenter le rythme de leurs différences. À l’inverse, Balikwisha joue déjà comme un adulte, mais peut-il encore progresser sur le volet de ses atouts offensifs? La question mérite de se poser, mais elle ne semble pas inquiéter démesurément à Sclessin. Parce qu’au Standard, on ne sait pas encore ce que Michel-Ange Balikwisha deviendra. Par contre, on sait ce qu’il est déjà: le meilleur buteur des Rouches en championnat.

Les grands talents de la génération 2001

La folle ascension de Balikwisha au Standard: comment est-il devenu incontournable?
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Pour de nombreux formateurs des quatre coins du pays, la génération 2001 est l’une des plus prometteuses pour l’avenir des Diables rouges. Et au sein de celle-ci, Michel-Ange Balikwisha est loin d’être le talent le plus en vue puisque même au sein de son propre club, il reste dans l’ombre d’un Nicolas Raskin qui aurait dû vivre sa première sélection chez les Espoirs de Jacky Mathijssen le mois dernier sans une erreur administrative de la Fédération, qui n’avait pas pris en compte sa suspension encourue chez les U19 et valable en U21.

Chez le rival mauve, la génération 2001 est aussi celle de nombreux talents. Notamment du Diable rouge Yari Verschaeren, déjà lancé dans le grand bain professionnel depuis deux saisons et auteur d’un but chez les Diables lors du plantureux succès contre Saint-Marin à l’automne dernier. Autre enfant de cette année prolifique, Antoine Colassin vit des moments plus difficiles dans la capitale, après une éclosion soudaine l’an dernier, quand Anderlecht s’est retrouvé sans attaquant de pointe disponible au bout de l’hiver.

Le plus grand talent est peut-être encore ailleurs. Si on a longtemps parlé d’ Evangelos Patoulidis, aujourd’hui à Ostende après être passé des jeunes d’Anderlecht à ceux du Standard il y a quelques années, les 2001 sont désormais emmenés par un certain Charles De Ketelaere, longtemps resté sous les radars avant d’exploser quand il a été lancé par Philippe Clement, au point d’être aujourd’hui l’un des rares joueurs belges à pouvoir se targuer d’avoir fait trembler les filets à deux reprises en Ligue des Champions.

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