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La dernière surprise de Bölöni? Omar Govea!

Pierre Danvoye
Pierre Danvoye Pierre Danvoye est journaliste pour Sport/Foot Magazine.

Ça n’a pas toujours été rose pour lui depuis son arrivée à l’Antwerp, où il lui a fallu du temps pour confirmer sa révélation avec Mouscron. Pourquoi ? Lisez sa confession.

Omea Govea scrute le ciel.  » Si les nuages ne sont pas trop bas, je vole cet après-midi.  »

Pardon ? Oui, le premier joueur mexicain de l’histoire de l’Antwerp est occupé à passer son brevet de pilote de petit avion.  » C’est un truc que j’avais envie de faire depuis longtemps. Mais je n’avais jamais vraiment eu l’occasion de m’y mettre.  »

Le fait qu’il y ait, à Anvers, un petit aéroport, proche du stade en plus, ça a facilité les choses pour lui.  » J’ai rendez-vous dans une heure à l’aéroport. J’ai commencé la formation en décembre. Il y a les cours théoriques, l’étude à la maison. Tous les jours, ou presque, j’étudie. Et j’ai commencé à piloter moi-même, avec un instructeur.  »

Ça plane pour ce médian racé au sourire Pepsodent. Quoique… Ses dents sont juste un rien dissimulées par un appareil dentaire de rectification comme ceux que portent pas mal d’ados dans nos cours de récré. Un fruit de son passage à Porto, il va l’expliquer plus loin dans cet entretien.

Quand on vous dit que ça plane pour lui… Omar Govea en phase classique, c’est un triste total de moins de 300 minutes de jeu. Avec des circonstances atténuantes qu’il va détailler. En play-offs 1 par contre, le prêt de Porto est presque incontournable. Il y a déjà un bon moment qu’il a explosé son temps de vol de la phase régulière.

La dernière surprise de Laszlo Bölöni, c’est lui. Rencontre avec un gars qu’on avait un peu / complètement perdu de vue depuis la fin de la saison dernière, la fin de son aventure à Mouscron. Interview dans un français d’un très bon niveau…

 » Je ne suis pas encore un salopard mais je m’en rapproche  »

OMAR GOVEA : J’ai eu des cours de français à l’école, j’ai appris des choses basiques. Après ça, à Porto, j’ai sympathisé avec deux Belges, Joris Kayembe et Tony Djim. Quand ils parlaient ensemble, j’essayais de comprendre. C’est comme ça que j’ai continué à améliorer un peu mon français. J’ai toujours bien aimé les langues. Et puis, quand j’étais au Portugal, je me disais déjà que ça pourrait être chouette de jouer un jour en France ou en Belgique. Dès que je suis arrivé à Mouscron, j’ai installé sur mon téléphone une application d’apprentissage du français. Tous les jours, j’y consacrais une vingtaine de minutes. Avec ça, j’ai tout repris de zéro. Les mots les plus courants, les chiffres, la construction de petites phrases. Tu commences comme un bébé. Et tu finis comme un homme ! Maintenant, en Flandre aussi, c’est très utile pour moi de maîtriser le français. Je peux dialoguer avec les Africains et les Français du noyau.

On se trompe si on dit qu’il n’y a à l’Antwerp que des gars capables de jouer un foot dur et qui sont là pour casser le jeu.  » Omar Govea

On pensait que l’Antwerp n’allait plus en toucher une pendant les play-offs. L’équipe a tellement donné en phase classique qu’on aurait compris que les joueurs soient morts. Mais c’est carrément la bonne surprise.

GOVEA : Oui, tout le monde a beaucoup donné. Mais ce n’est pas non plus une équipe que physique. Regarde les techniciens qu’il y a ici. On se trompe si on dit qu’il n’y a l’Antwerp que des gars capables de jouer un foot dur, des gars qui sont là pour casser le jeu. On a un bon mix, une équipe… totalement complète.

On ne va pas se mentir, l’Antwerp est l’équipe la plus impopulaire de D1… Vous n’êtes pas Genk. Tu ne le ressens pas comme ça ?

GOVEA : Je t’avoue que le style de Genk, c’est mon style… J’aime vraiment bien leur façon de jouer. Même quand ils sont sous pression, ils essaient de trouver des solutions football, c’est agréable à regarder. C’est le plus beau jeu de Belgique. Nous, on n’est peut-être pas trop agréables à voir mais on fait nos batailles pour gagner les matches. C’est un style dur, costaud, mais ça nous a menés haut dans le classement.

Comment vous réagissez aux critiques ? On parle de vos agressions, de vos cartes, ça vous fait rigoler ?

GOVEA : On s’entraîne comme ça, on joue comme ça, voilà. J’ai des souvenirs précis des matches que j’ai joués avec Mouscron contre l’Antwerp, c’était déjà la même chose, c’était déjà assez dur. Ça fait longtemps que c’est compliqué de jouer contre l’Antwerp. L’équipe de cette saison n’a rien inventé… Ce n’est pas trop mon style au départ, je suis plus du côté technique, mais je me suis adapté. Je dirais que j’apprends autre chose depuis le début de cette saison. L’agressivité n’était pas mon point fort, je me suis bien amélioré. Je grandis dans un domaine où j’avais des faiblesses… Le coach veut des salopards, je ne le suis pas encore tout à fait mais je m’en rapproche.

 » J’en ai fait trop dans mon premier match et je me suis bien planté  »

Pour toi, ça a très mal commencé. Premier match avec l’Antwerp, et une carte rouge après un quart d’heure pour une intervention violente…

GOVEA : Des mois après, je ne comprends toujours pas ce que j’ai fait. Je n’ai pas les mots. C’étaient mes débuts, j’ai voulu me montrer. Beaucoup trop. J’en ai fait trop. Et je me suis complètement planté sur ce coup-là. Je sais déjà que c’est une erreur que je ne ferai plus jamais. J’ai beaucoup appris sur une seule phase.

Le coach a apprécié ?

GOVEA : Il ne m’a rien dit. Je crois que ça m’a aidé. Cette exclusion m’a fait perdre de la confiance. Si le coach m’avait démoli, il m’aurait poussé encore plus bas dans le trou. Je savais très bien que j’avais fait une grosse connerie, ça ne servait de toute façon à rien d’en rajouter. Après ça, l’équipe a commencé à bien se trouver, à gagner des matches. Donc, ça devenait encore plus difficile pour moi d’entrer dedans. J’étais content que l’Antwerp gagne, mais moi, je ne jouais pas et j’étais très déçu. C’est la tête qui m’a fait gagner la bataille. Je suis fort mentalement, et mon mental m’a permis de ne pas décrocher alors que je n’étais jamais sur le terrain. Je n’ai jamais lâché. L’entraîneur l’a vu.

Tu reviens enfin dans l’équipe, juste trois mois après ton exclusion. Tu fais tes vrais débuts avec l’Antwerp. Et directement, tu te blesses et tu es out pour trois autres mois !

GOVEA : Là encore, heureusement que j’ai un gros mental ! Quand l’équipe part en stage en Espagne, en janvier, je peux accompagner. Mais non, je discute avec un médecin et un kiné, je leur explique que je bosserai mieux si je reste ici. Si j’étais parti avec le groupe, j’aurais trouvé quelles installations pour mon travail de rééducation ? Une petite salle de gym dans un coin de l’hôtel ? Je me serais peut-être senti en vacances. Non, je ne voulais pas de ça, j’ai décidé que le stade de l’Antwerp allait être mon hôtel ! J’étais ici quatre grosses heures par jour, j’ai vraiment beaucoup travaillé. Tout ça a payé, avec un certain délai.

Ce que j’aime bien dans les moments compliqués, c’est que je sais qu’un peu plus tard, ça va aller mieux !  » Omar Govea

 » J’ai parlé de mon frère à Mouscron, je n’ai rien exigé, nuance !  »

C’est vrai que l’Antwerp avait déjà essayé de t’avoir avant ta signature à Mouscron ? Ou c’est une légende ?

GOVEA : Oui, je te confirme que Lucien D’Onofrio aurait déjà voulu m’avoir.

Pourtant, il est tellement proche de la direction de Porto que quand il veut un joueur de ce club, il a d’office une espèce de priorité.

GOVEA : Moi, ce que je voulais, c’était me montrer quelque part en première division. Je n’avais pas cette opportunité-là avec Porto. Avec le recul, je suis sûr que j’ai pris la meilleure décision en allant à Mouscron. C’était une bonne étape intermédiaire. J’ai beaucoup joué, je me suis fait remarquer, et aujourd’hui, je me retrouve un cran plus haut.

En 2016, tu as signé pour quatre ans à Porto. Il y a d’abord eu une saison en équipe Réserve, puis deux ans en prêt en Belgique. Ne jamais avoir eu ta chance là-bas, c’est un regret ?

GOVEA : Je suis un garçon très religieux… Je sais que toutes les choses viennent à des moments précis, aux moments où elles doivent venir… J’ai été un peu sur le banc de l’équipe Première de Porto, ce n’était peut-être pas mon moment pour jouer là-bas, je suis maintenant en Belgique, dans un bon club, je suis trop content !

Après ta bonne saison à Mouscron, tu n’as pas cru que tu allais recevoir une chance là-bas ?

GOVEA : Porto, c’est une des meilleures équipes du Portugal, c’est un grand club en Europe. Je savais dès le départ que ça n’allait pas être simple. Il faut voir la concurrence qu’il y a pour chaque poste.

Il y a une histoire qui circule… L’été dernier, tu aurais proposé à Mouscron de prolonger, à condition qu’ils prennent aussi ton frère !

GOVEA : Je suis au courant de ce qu’on a raconté. Mais c’est n’importe quoi. Je t’explique la vraie histoire. En fin de saison passée, je savais que Mouscron cherchait un défenseur et je leur ai dit que j’avais un frère défenseur en D2 au Mexique, au cas où ça les intéresserait de se renseigner. Je n’ai rien dit d’autre, je n’ai rien exigé. C’est une invention. Je suis un pacifique, un tranquille, des combines comme ça ne me ressembleraient pas. Tu sais que l’histoire est allée jusqu’au Mexique ? On ne m’a pas épargné, des journalistes mexicains ont écrit que je faisais ma diva !

 » Ma mauvaise humeur à Mouscron m’a peut-être coûté le Mondial  »

L’équipe nationale, on en parle ? Ou c’est trop douloureux pour toi d’avoir raté d’un cheveu la Coupe du Monde ?

GOVEA : Ça a été dur, je ne te le cache pas. J’entre dans le noyau quelques mois avant le Mondial, je suis encore sur le terrain avec le Mexique à la fin du mois d’avril, je suis dans la présélection de 28 et je saute au dernier moment. Mais bon, je sais aussi prendre du recul. Toujours ce caractère fort… Je n’ai que 23 ans. Maintenant, je pense au Qatar. Et avant ça, il y a la Gold Cup, cet été. Avec la fin de saison que je suis occupé à faire, je me dis que j’ai une chance d’y aller.

J’aurais déjà pu retourner en sélection depuis la Coupe du monde, j’ai été appelé, mais je venais d’arriver à l’Antwerp et j’ai expliqué que je préférais rester ici pour prendre mes marques plus vite. Il y a des moments où j’estime que je dois donner la priorité à mon club. En 2016, j’ai refusé les Jeux Olympiques parce que je venais de signer à Porto et je voulais m’intégrer au plus vite. Si j’allais aux JO, je ratais la préparation, alors j’ai décidé de rester. Je savais que c’était une décision importante, sûrement un moment clé de ma carrière, parce que tu ne peux aller qu’une fois aux Jeux Olympiques. Mais j’ai tranché comme je pensais que je devais le faire. Et quelques jours plus tard, je me cassais le pied. Ça ne m’a pas aidé dans mon intégration. Je ne me serais sans doute pas cassé le pied si j’étais allé à Rio… Tu vois, j’ai eu des moments difficiles, mais ma tête est dure, c’est costaud dedans. Sur mon chemin, il y a des tunnels, puis la lumière revient. Ce que j’aime bien dans les moments compliqués, c’est que je sais que va aller mieux !

Tu as quitté Mouscron sur un clash avec Frank Defays et le staff. Tu as fini la saison dans la tribune. Tu ne crois pas que ça t’a peut-être coûté la Coupe du monde ?

GOVEA : Oui, c’est sûr que ça a été un handicap. Mais je ne veux surtout pas taper sur Frank Defays ou sur d’autres personnes de son staff. Tout était de ma faute. Si j’avais accepté d’être assez professionnel pour jouer sérieusement les play-offs 2, tout aurait peut-être tourné autrement. J’ai fait des erreurs, je dois assumer.

A Mouscron, personne n’a jamais voulu expliquer pourquoi ça s’était envenimé entre les gens du staff et toi.

GOVEA : Tout est parti d’une connerie. A la fin d’un entraînement, l’adjoint m’a demandé de ramasser du matériel sur le terrain. Comme j’avais fait un entraînement de merde, j’avais la rage et je ne l’ai pas fait. Ça n’a pas plu. Après, ça a continué à dégénérer. Et donc, ça m’a peut-être coûté très cher.

Omar Govea :
Omar Govea :  » L’agressivité n’était pas mon point fort, je me suis bien amélioré. Je grandis dans un domaine où j’avais des faiblesses… « © Belgaimage

Omar en pince pour…

… les matches contre le Standard.

 » C’est chaque fois électrique, que ce soit chez eux ou chez nous. Le public y est pour beaucoup. A Liège, le Standard joue à douze et ça nous survolte. A Anvers, on joue à douze et ils ont la même réaction.  »

… Memo Ochoa.

 » On ne s’était jamais parlé avant mon arrivée en Belgique. Quand j’ai atterri à Mouscron, on a joué un amical contre le Standard. Il est venu me trouver dans notre vestiaire. Et pas l’inverse ! C’est fou. C’est lui qui a cherché le contact. C’était trop spécial. C’était le demi-dieu du peuple mexicain qui nouait le contact avec un anonyme, ou presque.  »

… le suivi médical à Porto.

 » Là-bas, ils contrôlent tout. Absolument tout ! Les ongles des pieds, très souvent. Les yeux. Les dents, c’est très important pour eux, ils disent que des dents en mauvais état peuvent provoquer plein de blessures. C’est le staff médical de Porto qui m’a fait mettre un appareil dentaire.  »

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