Swann Borsellino

La chronique de Swann Borsellino: le Standard entre urgence et patience

Retrouvez cette chronique en intégralité dans notre magazine de la semaine, dispo dès mercredi en librairies.

C’est un pur hasard, mais Jean-Philippe Toussaint est Belge. Je lui voue une certaine admiration, car comme quelques autres avant ou en même temps que lui – Albert Camus ou Olivier Guez, par exemple – celui-ci assume sous une forme à laquelle nous ne sommes pas toujours habitués son amour sincère pour le football. Dans un essai publié il y a quelques années, il évoquait modestement son texte, redoutant que celui-ci ne plaise ni aux intellectuels, qui méprisent le ballon rond, ni aux amoureux de ce dernier, qui n’aiment pas qu’on réfléchisse trop à l’objet de leur passion. J’avoue être en désaccord avec la seconde partie, mais si je pensais à Jean-Philippe Toussaint, ce matin, avec ma tasse de café, c’est pour aborder un autre de ses rejetons : « L’urgence et la patience » . Dans ce court texte au fil duquel il raconte son histoire d’amour avec l’écriture et le mode d’emploi de son processus de création, d’inspiration, quelque part entre discipline et liberté, comme le football, l’auteur né à Bruxelles décrit l’écriture comme un monstre à deux têtes où « l’urgence appelle l’impulsion, la fougue, la vitesse » tandis que « la patience requiert la lenteur, la constance et l’effort ». Pour lui, l’une comme l’autre sont indispensables à l’écriture d’un livre. Pour moi, l’une comme l’autre sont indispensables à la réussite dans le football professionnel. Ce dimanche soir, à Liège, les supporters du Standard ont perdu patience et il y a plus que jamais urgence chez les Rouches. L’occasion de prendre un peu de recul sur une situation trop complexe pour réagir uniquement à chaud.

Quand on aime aveuglément un club, on est capable d’encaisser la défaite pourvu qu’il y ait un sens derrière.

Plutôt que de parler de ce qu’il s’est passé en tribunes, parlons un peu de football. Ça fait désormais un an et demi que j’ai découvert la Pro League et avant mon arrivée, le Standard était l’une des étoiles du Nord pour qu’un néophyte comme moi puisse avancer en terre inconnue. De ce club, je savais qu’il ressemblait à celui que je supporte, l’OM. Je connaissais l’histoire, les succès et les supporters. Et un beau jour, ce que l’on vous conte laisse place à ce que vous voyez, sans juger, avec les yeux de l’observateur extérieur. En un an et demi, j’ai vu Philippe Montanier, Mbaye Leye et Luka Elsner. Trois entraîneurs et finalement assez peu d’évolution dans les intentions et sur le terrain. Le Standard peine toujours à être décisif dans les deux surfaces. Le Standard n’a toujours pas trouvé sa bonne formule offensive malgré d’innombrables tâtonnements. Le Standard peine à enchaîner, si l’on met de côté la bonne série suite à la prise de pouvoir de Mbaye Leye.

Globalement, le match du Standard n’est pas celui que vous cochez pour frissonner en tant qu’observateur neutre. La réalité que j’ai pu constater, c’est qu’il existe un décalage réel entre ce que représente l’institution Standard de Liège en Belgique et la réalité des ambitions que le club peut avoir en 2021. Il est terriblement difficile, quand on a pris l’habitude de boxer dans la cour des grands, d’être une terre où gagner doit être impossible, d’être rattrapé par la réalité. Mais elle est celle-ci : depuis mon arrivée en D1A, le contenu sportif du Standard n’est pas en adéquation avec l’étoffe du club. De fait, les regards sont biaisés. On attend toujours plus de ceux qui ont beaucoup fait et donné. Sauf que parfois, ils ne peuvent pas.

L’occasion de revenir à l’urgence et la patience. À Liège, on vit perpétuellement dans l’urgence. L’urgence de résultats, dans la pression de Sclessin. L’urgence de redresser la barre après la moindre défaite. L’urgence de faire table rase du passé proche pour retrouver un brillant futur. L’urgence de montrer que l’on est là et que l’on est une place forte du foot belge. On a envie de la fougue et de l’impulsion que décrit Toussaint, mais ça se fait parfois au détriment du bon sens à moyen et long termes : gagner le week-end prochain est la priorité, mais le week-end suivant est systématiquement une nouvelle inconnue.

Mais ce dimanche, après la défaite de trop, on a perdu ce qu’il restait de patience. Pour que les amoureux du Standard en retrouvent, ce n’est pas une victoire ou même deux qu’il faudra, mais l’impression que les choses évoluent et dans le bon sens. Quand on aime aveuglément un club, on est capable d’encaisser la défaite pourvu qu’il y ait un sens derrière. On est capable d’être patient quand on comprend le coup d’après, ou encore celui d’après. Quand le message et les lignes directrices sont claires, alors on peut comprendre qu’urgence et patience sont comme les pédales d’une voiture avec lesquelles il suffit de jouer pour avancer.

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