Swann Borsellino

La chronique de Swann Borsellino: j’aurais aimé vous dire…

Découvrez l’intégralité de cette chronique dans votre Sport/ Foot Magazine du mercredi 22 décembre.

J’aurais aimé vous parler de la nouvelle victoire complètement folle de l’Union Saint-Gilloise. J’aurais pu vous raconter l’histoire très « Coupe de France » de la séance de tirs au but entre Dinan Léhon et Brest, disputée sur un terrain boueux et achevée à 12-13 en faveur du club de Ligue 1. J’aurais voulu revenir sur le retour d’Eden Hazard, qui a disputé nonante minutes intéressantes contre Cadix. Vous attendiez certainement de moi que je me lance sur le championnat du monde de darts 2022, qui a commencé en grandes pompes avec deux nine-darters et où l’excellent belge, Dimitri Van Den Bergh, va bientôt faire son entrée. Wout van Aert aurait certainement mérité une page dans ces colonnes pour son année et son titre de sportif belge de l’année. On aurait également pu se poser la question de la défaite du Standard de Liège à Louvain, de savoir de quoi demain sera fait pour les Rouches. Sur un coup de folie, je me suis même imaginé vous livrer une chronique un peu nostalgique sur une jeunesse de sport, puisque celle-ci est la dernière que je coucherai dans la vingtaine, mes trente ans arrivant à pas aussi grands que ceux de Jonathan Edwards, recordman du triple-saut depuis 1995.

Malheureusement, vous ne lirez aucune de ces chroniques. La faute à des idiots qui peuplent les stades mais pas que, à qui je me vois dans l’obligation de rappeler le dégoût qu’ils suscitent chez moi. La faute aussi, aux instances et à certains clubs, qui luttent contre le racisme à coups de hashtags et de campagnes de communication qui, comme on le constate depuis de trop longues années désormais, ne fonctionnent que dans leur document PowerPoint de fin d’année, où ils ont coché la case « on fait quoi contre le racisme ? ».

Quand dans son interview, Wesley Hoedt dit « En tant que joueurs, on ne peut pas faire grand-chose », je ne suis pas d’accord.

Ce dimanche, à 13h30, j’étais dans un restaurant sur la côte normande, en France. Un camembert rôti venait de m’être servi au moment où je pose mon téléphone sur la table pour regarder discrètement Bruges-Anderlecht. Je suis en vacances, mais pas trop quand même, donc je regarde le match, sans son. Mes amis, dont certains aiment le foot, d’autres non, me demandent ce que je fais. Je réponds. Puis je me délecte tranquillement de mon plat et d’un match hyper intéressant dont je me dis qu’il est une bonne publicité pour ces gens qui m’entourent et ne connaissent que peu de choses du championnat belge.

Moins assidu que si j’étais au chaud sur mon canapé, je ne prête pas d’attention à la fin du match puis je monte dans une voiture direction Paris pour rentrer à la maison. Ce n’est qu’une fois rentré que je découvre ce qu’il s’est passé, non pas avec stupéfaction, ce serait mentir, mais avec dégoût. « On ne devrait plus vivre ça aujourd’hui », tels étaient les propos de Vincent Kompany au micro de Vincenzo Ciuro. Tels étaient ceux de trop nombreuses victimes aux micros de journalistes du monde entier. Pourtant, on le vit toujours et comme l’a dit Romelu Lukaku sur ses réseaux sociaux, il faudrait que quelque chose soit fait, pour de bon.

De son côté, Bruges a opté pour une tactique très classique, très « Lazio » : un communiqué à base de « Nous sommes contre toutes formes de racisme, ce ne sont pas nos valeurs, ceux qui ont fait ça n’ont pas leur place chez nous ». Un stratagème qui ressemble souvent à celui des magouilles des hommes politiques en France. On s’insurge dès que quelqu’un se fait choper, si c’est vraiment trop grave, on vire celui qui a fait la connerie, mais finalement, le système de pensée et d’action reste le même. C’est pourtant contre lui qu’il faut lutter. Éduquer les gens, une tâche extrêmement complexe, mais nécessaire puisse que le racisme n’est qu’ignorance. Je crois cependant que cette mission qui devrait nous animer chaque jour n’est pas uniquement la tâche de fédérations, de clubs ou de particuliers.

Quand dans sa bonne interview, Wesley Hoedt dit « En tant que joueurs, on ne peut pas faire grand-chose », je ne suis pas d’accord. Je sais quels sont les risques sportifs si les joueurs quittent la pelouse, mais je crois aussi que ça peut aider. Ça pourra aider les joueurs victimes de ces saloperies à se sentir soutenus, comme Vincent Kompany a tenu à soutenir son staff. Ça pourra aider les gens à comprendre que tant qu’il y aura ces demeurés en tribunes, eh bien il n’y aura pas de foot. En attendant, on a aussi le droit de ne pas avoir envie de lire les communiqués tièdes des clubs d’ici et d’ailleurs, souvent récidivistes, qui préfèrent écrire plutôt qu’agir, dénoncer plutôt qu’éduquer. Je n’avais vraiment pas envie que cette chronique pré-Noël ressemble à ça. Mais on la réécrira tous les ans s’il le faut.

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