Jacques Sys

L’Italie ou le triomphe du beau jeu: pure passion

Jacques Sys Jacques Sys, rédacteur en chef de Sport/Foot Magazine.

Quand l’EURO a connu son épilogue dans le décor mythique de Wembley, nos Diables étaient en vacances depuis une grosse semaine. On continue à évoquer le jeu virevoltant et offensif que notre génération dorée a proposé il y a quelques années, l’enthousiasme que cette équipe a déclenché, la façon dont elle a réuni un pays et toutes ses communautés autour de nos trois couleurs. On n’attendait plus que l’explosion, le bouquet final. Ça devait être pour cet EURO. Mais on a échoué, dès les quarts de finale.

Jeudi passé, Roberto Martínez s’est adressé à la presse pour la première fois depuis l’élimination. Il a dit que cette équipe était plus forte que celle de 2018. Il a évoqué les dix vols que les Diables ont dû se farcir et d’autres circonstances annexes. Un ballon qui est sur le point d’entrer dans le but, mais ne passe pas la ligne, un gardien qui fait le match de sa vie, on entend régulièrement des arguments pareils après une défaite. Mais dans la bouche d’un Martínez habitué à produire des analyses d’une clarté rare, ça sonne faux. À aucun moment, dans ce point presse, l’Espagnol ne s’est remis en question.

Un titre européen et c’est toute l’image de l’Italie qui change.

On est sûr qu’il a fait, en privé, une autre analyse. Les Diables n’ont jamais dominé leur adversaire dans cet EURO, ils n’ont pas réussi à grandir dans le tournoi et dans leur quart de finale, ils n’ont pas montré la même adresse, la même intensité que les Italiens. On a le droit de dire que ce tournoi va améliorer l’équipe belge, mais il est grand temps de traduire ces paroles en actes. Au cours des prochains mois, c’est avec les pieds qu’il faudra parler.

Cet EURO n’a pas été celui des innovations. C’est rarement le cas dans ce genre de tournoi. Mais le niveau a été plus élevé que prévu. La Squadra a toujours voulu rester offensive, même quand elle menait au score. Et quand elle n’avait plus le ballon, elle était directement bien organisée et se mettait immédiatement à la recherche d’une solution constructive. C’était une équipe extrêmement bien balancée qui a joué avec énormément de passion et d’engagement. Ce titre européen améliore méchamment l’image d’un pays qui, après l’explosion du Covid et les images horribles tournées dans la région de Bergame, donnait l’impression de ne plus rien contrôler.

En novembre 2017, l’équipe italienne était dans les trente-sixième dessous après son échec dans les éliminatoires pour la Coupe du monde 2018. Roberto Mancini a jeté des vieux principes au feu et a visé un jeu tout en élégance. Il prouve aujourd’hui qu’on peut gagner quand on a de la qualité, mais surtout quand cette qualité est associée à un plan. Entre sa prise de fonction et l’EURO, il a essayé 73 joueurs, il a donné à des jeunes l’occasion d’exploser, a rafistolé une carrosserie rouillée et installé un nouveau moteur. Il a dit, à ses débuts, qu’un titre était possible avec cette levée. Il l’a fait, et pendant l’EURO, l’Italie a rendu hommage au beau football.

Pour les Anglais, ce tournoi s’est terminé sur une terrible désillusion. Une désillusion aussi sans nom pour leur coach, Gareth Southgate, qui semblait en passe de réformer son équipe, mais n’a pas été capable de la rendre séduisante. Et pour trois joueurs, surtout le tout jeune Bukayo Saka, il va maintenant falloir gérer le traumatisme de leur tir au but raté. Pour couronner leur soirée, ils ont eu droit à des salves d’insultes racistes sur les réseaux sociaux.

Avec ces incidents post-finale, le football montre à nouveau son visage le plus laid. Après un tournoi où on a constaté une vraie vague de solidarité après l’affaire Christian Eriksen, dans l’émouvante manière dont les autres équipes ont réagi après l’arrêt cardiaque du Danois. Une grosse bouffée de chaleur dans un monde qui en manque tellement.

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