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L’étonnant parcours de Julien Ngoy

Biberonné aux egos extra-larges de la Premier League depuis ses quinze ans, Julien Ngoy achève sa première saison belge avec mention, mais sans forfanterie. Retour sur la trajectoire d’un enfant star passé par Stoke City, mais révélé dans l’anonymat des Cantons de l’Est.

Un départ précoce pour la Premier League, suivi d’une blessure au plus mauvais moment. Cela pourrait être le début d’un mauvais documentaire Netflix qui vous raconterait la descente aux enfers de ces jeunes footballeurs aux rêves d’enfance anesthésiés par la réalité du monde professionnel. Dans une autre vie, Julien Ngoy en jouerait peut-être le premier rôle. Dans celle-ci, l’actuelle révélation de la saison eupenoise songe encore à réécrire l’histoire à sa sauce. Ça n’empêche déjà pas un bref retour en arrière. Et ça n’exclut pas non plus une pointe de nostalgie au moment de rembobiner la cassette à ce 10 décembre 2016.

Soir de match à Londres. L’Arsenal de Wenger, deuxième de Premier League à cette heure, reçoit l’illisible Stoke City de Mark Hughes et Peter Crouch. Une certaine idée du football contre un plan de jeu fait de vols long-courriers en direction du crâne du géant crochu. Julien Ngoy n’a rien oublié de son début de soirée, de ses quatre premières minutes offertes par les Potters sur la prestigieuse pelouse de l’Emirates Stadium, mais s’attarde aujourd’hui plus longuement sur le contexte de l’époque. Celui d’un jeune adulte de 19 ans, parti quatre ans plus tôt tenter sa chance loin de chez lui. Une histoire classique pour un talent qu’on dit alors hors normes. Suffisamment surclassé en équipes d’âge pour se permettre de quitter de son plein gré le Sporting d’Anderlecht pour le Club Bruges. À treize ans.

On dit que ces enfants stars-là ne s’éternisent jamais nulle part, Julien Ngoy va prouver l’inverse. « Moi, quand je suis arrivé dans ma famille d’accueil anglaise, on m’a d’abord dit qu’ils avaient l’habitude de prendre des jeunes en hébergement, mais souvent pour des périodes assez courtes. Les deux derniers qui étaient passés par chez eux, ils n’étaient restés qu’une seule petite semaine. Moi, je suis resté quatre ans et demi. »

Les coups d’Arnautovic

Dans la banlieue de Stoke-on-Trent dans le Staffordshire, Julien Ngoy découvre les breakfasts trop lourds et le charme de ces Erasmus qui ne se finissent jamais. Ses parents d’accueil, Simon et Mandy Anderwood, deviennent plus que des référents, Mandy devenant même plus tard la marraine de son premier enfant. Coincé entre Birmingham et Manchester, Julien Ngoy grandit à grandes bouchées du poulet curry maison des Anderwood et des rapports positifs de Glyn Hodges, coach U23 des Potters et fidèle bras droit de Mark Hughes, alors en poste à la tête de la première de Stoke City.

Et aux manettes d’un des vestiaires les plus bling-bling de Premier League. On trouve là du Bojan Krkic, du Xherdan Shaqiri, du Ibrahim Afellay et même un peu de Wilfried Bony. Sportivement insipide, humainement géniale parce qu’inspirée par les facéties de Marko Arnautovic, la saison de Stoke est un coup de fouet au quotidien monotone d’un Big Four aseptisé.

« Je me souviens d’un de mes premiers entraînements avec les A. J’arrive au ballon et d’instinct, je dribble le mec devant moi. Sauf que c’était Il s’est mis en colère et sur mon deuxième ballon, il est arrivé comme un fou sur moi et m’a mis un coup dans le torse. J’ai eu hyper mal, mais je n’ai rien montré. C’était une bataille d’egos, je ne pouvais pas flancher. »

Dans le milieu gonflé à la testostérone qu’est le football, c’est ce qui s’appelle gagner son premier bras de fer. À seulement 19 ans et face au melon de l’Autrichien, ce n’est pas rien. À l’époque, ça lui offre la reconnaissance du vestiaire. Et le rapprochement du Franco-Belge Giannelli Imbula. « On venait du même pays, il avait beaucoup de talent et j’essayais de le conseiller. Je savais ce que c’était d’arriver dans un groupe pro et de devoir faire sa place. Moi, c’était à Guingamp et à l’époque, j’étais tombé sur un groupe d’anciens qui cherchaient à me casser. C’est facile de taper sur un jeune pour te faire mousser. Beaucoup de joueurs font ça, mais avec Julien, on avait noué une relation de confiance. »

Un rapprochement amical avec l’une des fortes têtes du vestiaire et une cote bondissante auprès du staff, on se dit un temps que la carrière de ce Schaerbeekois de coeur – il a fait ses débuts à la RUSAS – est bien partie pour décoller. Quatre ans plus tard, le compteur reste pourtant temporairement bloqué à 44 petites minutes disputées en Premier League. La faute à cette fameuse déchirure musculaire. La faute aussi au licenciement de Mark Hughes en décembre 2018.

Évincé par Verschaeren

La suite s’écrit en petit caractère. Un séjour de six mois en prêt au Walsall FC en League One anglaise (treize matches, trois buts), un autre d’une saison en Super League suisse du côté des Grasshopper Zurich (22 matches, cinq buts) et quelques ultimes minutes grattées dans le monde d’avant, sous Michael O’Neill, en janvier 2020 avec la première de Stoke en Championship. « Et à chaque mercato, c’était la même chose », déplore aujourd’hui le principal intéressé. « Je leur signifiais clairement mes envies d’ailleurs, mais on bloquait mon transfert sous prétexte qu’on avait encore besoin de moi. » Pourtant, exception faite de ces onze minutes offertes contre QPR en février 2020, Stoke City ne compte visiblement plus sur lui. Alors, sept ans après l’avoir quitté , six mois après l’en avoir privé, Stoke City finit par rendre Julien Ngoy à son Royaume. Direction Eupen, à 230 kilomètres plus au sud-est de sa dernière adresse recensée en Belgique, lorsqu’il faisait ses premiers pas en équipe première avec le Club Bruges à seulement quinze ans, à l’occasion de séances d’entraînement dispensées par Juan Carlos Garrido.

« Pour être honnête, je ne me souviens plus du coach de l’époque, mais je sais que j’ai quitté Bruges au moment où Boli Bolingoli a fait ses débuts en équipe première là-bas. » Un repère temporel en forme de résumé d’un début de carrière aux faux airs de texte à trous. L’homme qui a oublié le nom du premier coach à lui avoir ouvert les portes du football professionnel est le même qui s’étonne quand on lui fait remarquer que c’est Yari Verschaeren qui a numériquement pris sa place dans le groupe de Johan Walem au moment d’embarquer pour l’EURO Espoirs de l’été 2019. « Ce nom ne me dit rien, mais à l’époque, je ne jouais plus trop à Zurich, ce n’est pas tellement étonnant que le coach ne m’ait pas repris. »

Amnésique, mais lucide, Julien Ngoy se projette aussi bien dans le futur qu’il ne lit le passé. Un préalable souvent indispensable quand il s’agit de désormais conjuguer sa carrière au présent.

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