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Flash-back sur la saison d’anthologie d’Axel Witsel à Dortmund

Pierre Danvoye
Pierre Danvoye Pierre Danvoye est journaliste pour Sport/Foot Magazine.

Axel Witsel a été un des hommes de la saison en Bundesliga. Décryptage d’une adaptation à la vitesse de la lumière au Borussia Dortmund.

C’est LE passage du long entretien qu’Axel Witsel nous accorde durant l’été 2017, attablé dans la cour intérieure du palace doré où il réside avec sa femme Rafaella et ses filles, à Tianjin :  » Il y a deux semaines, Carlo Ancelotti a appelé Fabio Cannavaro pour lui demander s’il pouvait me contacter. Il me voulait au Bayern.  »

En 6 ou en 8 dans le championnat allemand, tu as toujours quelqu’un sur le dos. Axel Witsel gère très bien ça.  » Lucien Favre

Une déclaration qui fait boum. Dans les médias et sur les réseaux sociaux en Allemagne, notamment. Le Diable fait comprendre qu’il aurait négocié avec le géant bavarois si son coach en Chine lui avait donné l’autorisation de le faire. Il a beau dire, dans toutes les déclarations officielles, qu’il se plaît beaucoup à Tianjin. On voit sur place que ce n’est pas si rose que ça pour lui.

Il y a le niveau très moyen du championnat. Mais aussi plein d’autres petites choses du quotidien qui le perturbent. La chaleur humide et torride durant les mois d’été. L’agitation dans la quatrième ville chinoise en nombre d’habitants. Le stress dans les gares, dans les aéroports et sur les sites touristiques. La pollution.

L’éducation des Chinois qui bousculent, crachent, rotent ( » Ils font tout ça comme nous on dit bonjour ! « ), tirent les non-Asiatiques par le bras pour faire une photo ou essaient de les arnaquer dans l’une ou l’autre maison de thé, une arnaque typique dans ce pays où le touriste innocent se voit présenter une note XXL avant de partir.

Dans son magnifique appartement du Ritz Carlton, avec sa femme et ses filles, ça va. Mais dès qu’il met le nez dehors, c’est moins drôle. Il a du mal à communiquer parce que les Chinois parlent chinois, point à la ligne. C’est pour ça que son club a engagé quatre interprètes qui suivent les joueurs étrangers partout. Et chaque fois qu’il rentre en Belgique pour jouer avec les Diables, c’est une dizaine d’heures d’avion.

Sa famille ne l’accompagne pas systématiquement parce que les petites ont du mal à digérer le jetlag et ont le sommeil perturbé. Parfois, il est donc seul pour survoler la Mongolie, la Sibérie et d’autres contrées improbables. Bref, alors qu’il n’est là-bas que depuis six mois, on comprend déjà que ça lui semble lourd. On comprend aussi qu’un transfert dans un grand club allemand lui conviendrait parfaitement.

Matthäus sous le charme

Alors, quand le Borussia Dortmund l’a contacté, après la Coupe du monde, il a foncé. Moins d’un an plus tard, Axel Witsel sort d’une lutte intense avec le Bayern pour le titre de champion d’Allemagne. Là-bas, on ne doutait pas vraiment de son état physique après son exil au bout du monde. Parce qu’il avait démontré entretemps, sur les pelouses russes, qu’il n’avait rien perdu de son impact. Mais personne n’avait la garantie qu’il allait devenir un pilier d’une équipe qui sortait d’une saison difficile et devait s’acclimater à un nouvel entraîneur, Lucien Favre.

Pourtant, après quelques matches, Roberto Martinez déclarait déjà que Witsel était  » le meilleur transfert estival dans le monde.  » Dans l’intervalle, il en a mis plein la vue à des grands noms du football allemand. On prend Michael Zorc, le directeur sportif du Borussia, qui dit :  » Toutes les qualités nécessaires pour dicter le jeu d’une équipe comme la nôtre, Witsel les possède. Jour après jour, il montre à quel point il est important.  »

Ou Hans-Peter Lehnhoff, l’ex-joueur de l’Antwerp aujourd’hui team manager du Bayer Leverkusen, qui nous donne son point de vue :  » Tout le monde en Allemagne a été surpris qu’il s’adapte aussi vite à la Bundesliga. Il s’est acclimaté à tous les aspects. Au jeu, dans un stade où ce n’est pas nécessairement simple de rester toi-même quand tu as 80.000 furieux qui mettent une ambiance complètement dingue, à un entraîneur qu’il ne connaissait pas, à un championnat qu’il devait découvrir. Et puis il y a la mentalité allemande, qu’il faut aussi apprivoiser.  »

Pour la première fois de sa carrière en club, Axel Witsel a reçu le trophée du plus beau but du mois.
Pour la première fois de sa carrière en club, Axel Witsel a reçu le trophée du plus beau but du mois.© GETTY

Pour conclure sur un des millésimes de la cuvée 2018-2019 de ce championnat, Lehnhoff nous lâche :  » C’est un transfert roi.  » Devenu consultant télé, l’immense Lothar Matthäus s’est lui aussi exprimé plus d’une fois sur le phénomène Witsel. Et il en a plein la bouche.

Des stats de dingue

Aucun joueur de Dortmund n’a plus joué qu’Axel Witsel depuis l’été de l’année passée. Il totalise près de 3.700 minutes, soit l’équivalent de 41 matches complets. C’est environ 95 % du temps de jeu maximum possible. Mieux que des monuments comme Marco Reus ou Mario Götze, mieux que la révélation Paco Alcácer.

Au nombre de ballons touchés, il a navigué toute la saison dans le sillage du Munichois Joshua Kimmich. Et, en passes réussies, il est proche des 95 %. En disputant 7 matches de Ligue des Champions, il a porté son total dans cette compétition à 47. Seuls Vincent Kompany (51) et Daniel Van Buyten (52) font mieux chez nous.

Witsel est même devenu le recordman en Ligue des Champions au sens large puisqu’il s’est aussi produit 7 fois dans la version asiatique avec son club chinois. Tout ça lors d’une campagne durant laquelle il a franchi la barre des 100 matches avec les Diables Rouges. Devant lui, seul Jan Vertonghen trône dans le classement des caps.

Autant il devait mordre sur sa chique pour s’habituer à son quotidien chinois, autant il est comme un coq en pâte en Allemagne. Il s’est installé à un quart d’heure du stade et du centre d’entraînement (avec un seul bémol : il ne peut pas y amener ses cinq chiens, provisoirement gardés par sa belle-mère en Belgique ! ).

Pour le reste, il suit des cours d’allemand deux fois par semaine (il communique en français avec Favre mais uniquement lorsque c’est une discussion en tête à tête), il a inscrit ses filles dans une école où l’on pratique l’allemand et l’anglais (son aînée recevait déjà une éducation en anglais à Tianjin), et puis il voit très régulièrement sa famille. Ses parents assistent à ses matches, et lui revient parfois sur ses terres. Vottem – Dortmund, ce n’est jamais que deux heures de route.

Un coach fait pour lui

Axel Witsel survolait le championnat de Chine, une compétition qui ne collait évidemment pas à son niveau. On savait qu’il était largement assez bon pour figurer parmi les grands noms des pays du subtop européen comme le Portugal et la Russie. Restait un point d’interrogation : pouvait-il tirer son épingle du jeu dans un championnat majeur ?

Avec Lucien Favre, à Dortmund, il a aussi trouvé un entraîneur taillé pour lui. Le Borussia ne pratique pas un foot de bourrins mais applique un jeu soigné, fait de multiples combinaisons courtes. C’est aussi ce qui explique le nombre de ballons touchés dans chaque match par le Diable. Il peut même s’éclater davantage qu’en équipe nationale.

 » Roberto Martinez me demande de simplement contrôler dans le milieu du jeu, c’est très bien. Avec Favre, mon rôle est un peu différent. Il me demande de me porter vers l’avant, de m’infiltrer à la moindre occasion. Il a compris que j’avais aussi un certain potentiel offensif.  » C’est aussi comme cela que son ratio matches joués / buts marqués est plus élevé avec le Borussia qu’avec l’équipe belge. Justement, les buts de Witsel en Allemagne, parlons-en… Le trophée du plus beau but du mois d’août 2018 est chez lui. C’était un retourné acrobatique à l’occasion de son tout premier match en Bundesliga, face à Leipzig. Quelques mois seulement après avoir été couronné par les supporters belges du plus beau but de des Diables en 2017… Une bicyclette similaire, sa spécialité, lors de la large victoire à Sclessin, devant son public favori, face à Gibraltar, 9-0.

Il avait aussi scoré quelques jours plus tôt lors de sa toute première apparition en match officiel avec le maillot du Borussia, contre Greuther Fürth, en Coupe. En Ligue des Champions, il a attendu le troisième match mais le premier gros choc de la saison pour faire trembler les filets. Ce jour-là, Dortmund a atomisé l’autre cador du groupe, l’Atlético Madrid (4-0).

Impérial face au Bayern

Mais c’est dans un match de novembre que Witsel a véritablement marqué les esprits en Allemagne. La victoire 3-2 à domicile contre le Bayern portait sa griffe. Ce jour-là, il a été la star de tous les résumés. Après ce match, le Borussia comptait sept points d’avance sur les Munichois, sacrés lors des six dernières saisons.

Un peu plus tard, l’avance de Dortmund est passée à neuf points. On les voyait filer vers le trophée, mais leur mois de février a été désastreux. Avec une accumulation de matches nuls et de défaites qui ont fait mal. En championnat, les Jaunes et Noirs n’y arrivaient plus, ce qui a permis au Bayern de grignoter progressivement son retard jusqu’au clash à l’Allianz où les Bavarois ont bouffé les gars de la Ruhr (5-0).

En Coupe d’Allemagne, à la même période, il y a eu l’élimination par le Werder Brême. Et en Ligue des Champions, deux défaites en huitièmes de finale contre Tottenham. Les critiques ont, dès lors, commencé à pleuvoir. La faible moyenne d’âge de l’équipe, vantée pendant la première partie de la saison, est devenue un sujet de moquerie. Le magazine Kicker a sorti les gros titres :  » Trop verts, trop jeunes, en pleine gamberge.  »

Matthias Sammer, qui a été joueur puis entraîneur du Borussia avant d’y occuper un bureau de conseiller de la direction, s’est lui aussi lâché :  » Si tu as des grands objectifs mais que tu ne dis pas ouvertement la vérité, ça devient difficile. Il est temps que quelqu’un donne un bon coup de poing sur la table et ose dire : J’en ai ras-le-bol.  » Sammer pointait à son tour la jeunesse de l’effectif.

Parfait gestionnaire

Axel Witsel, 30 ans, un contrat de quatre saisons et l’envie de se  » poser pour un bon moment à Dortmund « , n’a jamais été remis en question. Il s’éclate dans ce stade de malade.  » Les stades en Russie m’ont donné envie de rejouer dans des grosses ambiances. Et il y avait aussi la musique de la Ligue des Champions qui me manquait.  »

Il compare l’atmosphère du Signal Iduna Park à celle de Sclessin.  » Ici, c’est le Standard en dix fois plus fort. Rien que la tribune où il y a le mur jaune a la capacité de tout le stade liégeois.  »

Même quand le Borussia ne gagnait plus, il maintenait ses statistiques personnelles.  » Il parvient à structurer l’équipe et à la rendre plus calme « , lance Lucien Favre, qui avait déjà essayé de l’attirer au Borussia Mönchengladbach il y a quelques années.  » Pourtant, les postes de numéros 6 et 8 ne laissent pas beaucoup de temps de réflexion, surtout en Allemagne où il y a toujours quelqu’un sur votre dos. Cette pression, il la gère parfaitement. « 

Flash-back sur la saison d'anthologie d'Axel Witsel à Dortmund
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Produit marketing

Le Borussia Dortmund capitalise à fond sur son numéro 28. A la boutique du club de la Ruhr, son maillot figure parmi les cinq qui se vendent le mieux. Axel Witsel remplit la caisse en compagnie de Marco Reus, Mario Götze et Jadon Sancho. Autre article qui se vend très bien : la perruque labellisée Witsel.

Il y a aussi les casquettes griffées AW28. Ainsi que plein d’autres accessoires à son effigie : vêtements, écharpes, posters, porte-clés,… Il a aussi été représenté en une du magazine Borussini, rédigé pour les enfants supporters du Borussia – Das Kindermagazin.

AW est une marque et il n’est donc pas étonnant que la société de management Roc Nation du rappeur Jay-Z l’ait attiré dans son portefeuille, il y a quelques semaines. Witsel y a rejoint deux autres Diables, Romelu Lukaku et Kevin De Bruyne. Roc Nation a été fondée en 2008, d’abord à destination de personnalités du monde du spectacle comme Rihanna ou Shakira…

En 2013, la division Roc Nation Sports a été créée. Le but est le même qu’avec les artistes :  » Élever la carrière des athlètes, sur le terrain et en dehors.  » On y trouve des grands noms de la boxe, du basket, du foot américain, du baseball, et à présent du soccer.

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