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Karim Belhocine, d’un Sporting à l’autre

Guillaume Gautier
Guillaume Gautier Journaliste

Débarqué on the buzzer pour emmener le projet zébré, Karim Belhocine démarre sa première expérience officielle d’entraîneur principal. Avec un peu d’expérience à revendre. Esquisse du nouveau coach du Pays Noir.

Il a débarqué presque sans bruit. L’aurait-on seulement remarqué, s’il n’avait pas été l’un des derniers à entrer en scène ? L’histoire de l’arrivée de Karim Belhocine sur le banc du Sporting de Charleroi est avant tout un récit de circonstances. Celles qui font qu’en l’espace de quelques semaines, l’ancien et éphémère membre du staff pléthorique de Vincent Kompany à Anderlecht est passé du statut de candidat poliment recalé à celui de nouvel entraîneur des Zèbres.

La fin du printemps de Mehdi Bayat se mène avec fracas. Le compteur tourne, la reprise des entraînements se rapproche presque aussi vite que le jour fatidique de l’élection du nouveau président de l’Union belge, et le dossier du futur mentor de son Sporting traîne beaucoup plus longtemps que prévu. D’abord, parce que l’installation de Felice Mazzù à Genk s’est un peu trop éternisée au goût de l’administrateur-délégué des Zèbres, faisant régner une incertitude qui empêchait d’avancer concrètement sur certains dossiers. Ensuite, parce que le pari de confier les clés du camion carolo à Hein Vanhaezebrouck n’a jamais pu être réalisé.

Le mec qui n’a pas encore joué une seule minute avec lui te dira quand même que c’est un bon coach.  » Hervé Kage

Après l’ancien coach des Mauves, il y a encore eu Luka Elsner, proche du Mambour après avoir séduit Mehdi Bayat lors de leur rencontre. Le Franco-Slovène était retenu à Saint-Gilles par une clause de départ légèrement inférieure au million d’euros que l’homme fort du Sporting se voyait mal payer, lui qui n’avait reçu qu’un demi-million en échange du départ de son coach, bien plus confirmé, chez le champion en titre. Amiens, recalé par Ivan Leko quelques semaines plus tôt, a profité de l’hésitation pour s’engouffrer dans la brèche, et la perspective d’un baptême sur un banc de Ligue 1 a séduit celui qui a grandi sur la Côte d’Azur.

Retour à la case départ, donc, à moins d’une semaine de la reprise. Au sein du vestiaire, certains commencent à se demander si ce ne sera pas Mario Notaro qui officiera lors des premières séances de la saison. Comme à l’époque où chaque été zébré était surplombé d’un immense point d’interrogation. Pourtant, alors que Luka Elsner n’a pas encore signé son contrat au stade de la Licorne, un nouveau candidat s’installe déjà dans le bureau fraîchement déménagé de Mehdi Bayat, sur le boulevard Zoé Drion.

L’HOMME DE MOGI

La situation devenait urgente. Alors, comme un 31 août dans les bureaux de Neerpede du temps d’Herman Van Holsbeeck, c’est Mogi qui débarque avec le costume de sauveur. Dans ses valises, l’agent emmène l’un de ses plus fidèles alliés. Au coeur de l’été 2011, alors que le mercato bat son plein et que l’aîné des Bayat fait ses débuts dans le game en tant qu’agent, Mogi parvient à emmener Karim Belhocine chez le vice-champion liégeois.  » Karim est un des joueurs les plus sous-estimés de Belgique, c’est mon plus beau coup « , éructe le futur homme le plus influent du marché national.

Trois ans plus tard, c’est aussi Karim Belhocine qui est le premier transfert des Buffalos de Vanhaezebrouck. Un deal que Mogi justifie dans les colonnes de la DH :  » Tout le monde trouvait ça étonnant, mais le coach savait que la mentalité de Belhocine était très importante. Et on a vu le résultat.  »

Titulaire en début de saison, le Lyonnais ne jouera finalement que sept matches sous la tunique bleue, n’apparaissant même pas une seule fois dans la sélection lors des play-offs décisifs, mais est couronné champion de Belgique. Sa proximité avec Mogi en sort évidemment renforcée. Encore aujourd’hui, il n’est pas rare que les deux hommes passent de longues minutes au téléphone. Belhocine est un fidèle de Mogi, qui tient l’ancien défenseur en haute estime. Cette proximité a d’ailleurs fait grincer quelques dents du côté d’Anderlecht.

Dans les bureaux de Neerpede, certains avaient le sourire pincé quand le Franco-Algérien est parvenu à redresser un navire à la dérive suite au renvoi de Fred Rutten. Malgré sa proximité avec le noyau et surtout ses plus jeunes éléments, Belhocine était surtout vu chez les Mauves comme un indéfectible de Mogi, et donc une composante de l’ancien régime. À l’heure de négocier son départ pour le Pays Noir, le club bruxellois n’a donc pas mis beaucoup de bâtons dans les roues de son ancien T1 intérimaire.

DE LYON À COURTRAI

S’il reçoit, à 41 ans, sa première chance officielle et véritable comme entraîneur principal, Karim Belhocine ne s’est jamais caché d’avoir le coaching dans le sang. Dans le quartier de Mermoz, aux alentours de Lyon, qui a également vu grandir Alexandre Lacazette, Karim joue rapidement le rôle de  » grand frère  » auprès de certains jeunes du quartier, et n’attend pas son vingtième anniversaire pour obtenir son premier diplôme de coach.

C’est pourtant une histoire de diplôme qui sera le fil conducteur de sa première aventure sur le banc, à Courtrai. Après une expérience manquée sous les ordres de Johan Walem, les Kerels confient les clés de l’équipe à leur ancien joueur et opèrent alors un redressement spectaculaire, qui les emmène en quelques semaines des portes du maintien à celles des play-offs 1. Officiellement, Belhocine ne peut occuper son poste que durant soixante jours, étant donné qu’il n’est pas titulaire de la licence UEFA Pro. C’est donc sous un rôle officieux de  » directeur sportif  » qu’il officie dans les mois qui suivent, flanqué de Patrick De Wilde puis de Bert Van Lancker avant de finalement reprendre le collier en solo pour finir la saison 2016-2017.

Frank Defays est le nouveau T2 carolo.
Frank Defays est le nouveau T2 carolo.© BELGAIMAGE

 » Beaucoup de coaches ont la Licence Pro, mais ne lui arrivent pas à la cheville « , argumente Matthias Leterme, le manager général des Courtraisiens, à l’heure de défendre son coach. Forcément influencé par ses années sous les ordres d’Hein Vanhaezebrouck, Belhocine ajoute sa touche personnelle, plus humaine et proche des joueurs, au know-how de son mentor.  » Karim est quelqu’un de très humain « , pose Hervé Kage, ressuscité sous ses ordres au stade des Éperons d’or.  » Le mec qui n’a pas encore joué une seule minute avec lui te dira quand même que c’est un bon coach.  » Un éloge qu’on entendait souvent au Mambour, à l’heure de dresser les qualités de Felice Mazzù. Maxime Chanot dresse indirectement un autre parallèle :  » Il met beaucoup de passion et d’acharnement dans ses entraînements.  »

Karim est en avance sur Felice au moment où on est allé le chercher.  » Mehdi Bayat

FRANK L’ADJOINT

Désormais en ordre de diplômes, celui que le football a sorti de l’usine de machines à lessiver où il répétait  » des centaines de fois les mêmes gestes chaque jour  » est désormais officiellement sur le devant de la scène. En jetant un autre coup d’oeil dans son portefeuille, pour y trouver d’autres noms qui lui avaient confié ses intérêts, Mogi Bayat a sorti Frank Defays pour l’installer aux côtés de Belhocine, dans un costume de T2 autrefois dévolu à Mario Notaro. L’éternel adjoint était pourtant un monument local, le voilà incité à faire un pas de côté après de longues années de loyaux services conclues par quelques mois plus difficiles, où l’homme sentait que la fin de son histoire zébrée approchait et traînait un ressentiment pesant à l’égard de ses collègues. Du haut de ses près de 300 matches sous la tunique noire et blanche, Capi aura des arguments pour tenter de le faire oublier. Reste désormais à voir comment se passera la collaboration du duo, dirigée par un Belhocine qui ne s’est pas spécialement distingué par sa faculté à déléguer les responsabilités lors de ses expériences passées.

Peu expérimentés, Belhocine et Defays sont désormais face à un défi de taille, puisqu’ils seront chargés d’être les incarnations du nouveau projet carolo que Mehdi Bayat compte présenter prochainement. Si le staff est moins glamour qu’espéré, l’administrateur-délégué du Sporting a déjà usé de son sens de la communication pour retomber sur ses pattes. Au micro de la RTBF, après avoir mis en exergue cette  » grinta  » qui semble être la caractéristique majeure du nouveau T1 des Zèbres, l’homme fort du Pays Noir a précisé :  » Karim est en avance sur Felice au moment où on est allé le chercher, et le Sporting est aussi en avance sur là où il se situait à l’époque.  »

Oubliées, déjà, les déclarations posées dans les couloirs du Bosuil, à l’heure où on parlait surtout de Luka Elsner, voire de Drazen Brncic pour succéder à un Mazzù annoncé sur le départ. Mehdi Bayat affirmait alors qu’il faudrait aller chercher un coach de la dimension du Felice qui partait, et pas de celui qui était arrivé six ans plus tôt. Au final, la pêche estivale n’aura pas recueilli un aussi gros poisson qu’annoncé. Là où le club rêvait d’Hein Vanhaezebrouck en grand architecte, il faudra désormais faire avec celui qui dirigeait habilement sa main d’oeuvre.

Par Guillaume Gautier

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