© belgaimage

Karel Van Eetvelt, l’homme du renouveau du RSCA

Jadis, il défendait les intérêts des indépendants et des banques, mais depuis qu’il est tout petit, Karel Van Eetvelt (53 ans) est un grand amateur de sport. Aujourd’hui, il peut enfin travailler dans son domaine de prédilection. Et dans son club préféré, qui plus est. Portrait du nouveau CEO d’Anderlecht.

Karel Van Eetvelt a quatre ans lorsque son père Jozef – surnommé Jo ou Jef – devient pour la première fois bourgmestre de Bornem. Il est affilié au CVP, le prédécesseur du CD&V, et portera l’écharpe tricolore pendant quatre décennies. Van Eetvelt senior devient le « père constructeur de Bornem ». Sous sa direction, la commune achète de nombreuses terres agricoles le long de la N16 afin d’en faire des terrains industriels. Karel, son fils aîné, se voit affublé du surnom de Jef Beton junior.

Les discours de Van Eetvelt sont simples, sans fioritures et vont droit au but.

Lorsqu’il est encore très jeune, Karel observe la manière dont son père tente de résoudre les petits et grands problèmes des citoyens de Bornem. Même des femmes au foyer viennent se plaindre des colombophiles dont les pigeons viennent faire leurs besoins sur le linge qui pend à l’extérieur. Le revers de cet agenda surchargé, c’est que Jef Beton ne consacre pas beaucoup de temps à sa couvée forte de cinq têtes.

En 1972, Van Eetvelt senior emmène son fils Karel, alors âgé de six ans, à un match d’Anderlecht, qui joue en déplacement au Lierse. Dans la famille Van Eetvelt, on supporte en effet les Mauves. Karel peut aussi assister aux matches de l’équipe locale, le SV Bornem. Mais pas encore question d’une affiliation. Son père préfère qu’il joue aux échecs ou qu’il pratique l’athlétisme.

A la maison, il imite l’athlète Ivo Van Damme. A d’autres moments, il enfile un t-shirt jaune et se prend pour Eddy Merckx. Karel est très éclectique en matière de sport. En 1976 et 1980, il transforme le jardin familial en arène olympique, où il rejoue les Jeux avec les petits copains du voisinage.

Karel est un enfant calme. Il est envoyé à l’internat, mais ne trouve pas l’expérience traumatisante. Le collège Don Bosco à Zwijnaarde, où il est inscrit dans la section Latin-sciences, a été choisi en connaissance de cause, parce que cet établissement fait la part belle au sport. Karel est actif au club d’athlétisme et dans l’équipe de football du collège.

A 15 ans, il s’affilie quand même au club de football de sa ville natale, le SV Bornem. Il joue la plupart du temps comme milieu droit.  » Je jouais des deux pieds, j’étais assez rapide et j’avais un bonne technique « , dit-il.  » Mais mon gros point faible, c’est que je n’étais pas assez dur. Je me laissais trop souvent marcher sur les pieds.  »

Pourtant, il débute en équipe Première à 18 ans, dans la troisième division de l’époque. Il joue aussi avec l’équipe fanion lors des déplacements à l’Union Saint-Gilloise et à Roulers, mais il n’est pas un titulaire indiscutable.

Un sportif éclectique

Pendant ce temps, Karel découvre aussi, via son père, les côtés sombres de la vie politique. Lors d’une campagne électorale, une pierre traverse la fenêtre du domicile familial. En tant que collaborateur du cabinet de Mark Eyskens, à l’époque secrétaire d’Etat CVP de l’aménagement du territoire, son père est même envoyé en prison. Il passe trois semaines en détention provisoire, soupçonné de fraude.

Van Eetvelt senior parlera plus tard d’un procès politique. Karel insiste sur le fait que son père a été  » blanchi de tous les chefs d’inculpation, car il n’a jamais été impliqué dans d’éventuelles manoeuvres frauduleuses « .

Après l’école secondaire, Karel veut s’inscrire à l’université catholique de Louvain (KUL) et suivre les cours d’éducation physique. Son père aurait préféré une autre option, mais Karel tient bon et devient quand même un « sportif ». Il met sa carrière au SV Bornem entre parenthèses, même si le football demeure sa grande passion.

Lorsque les Diables Rouges disputent le huitième de finale de la Coupe du Monde 1986 contre l’URSS au Mexique, Van Eetvelt est pendu à sa radio, même s’il doit passer un examen d’anatomie le lendemain. Pendant les vacances, il dirige des stages sportifs de football, de natation et d’athlétisme en tant que moniteur.

 » Là, j’ai appris à expliquer le plus simplement possible les choses les plus compliquées « , expliquera-t-il plus tard à ce sujet.  » Les stages sportifs m’ont aussi appris à diriger.  » Entre-temps, il prend conscience qu’il ne voudrait pas faire carrière dans l’enseignement. Dans les cercles estudiantins, il se rend compte que les postes de direction lui conviendraient mieux. Progressivement, il caresse le rêve de devenir actif dans l’une ou l’autre organisation sportive ou d’ouvrir un magasin de sport.

Son cher Anderlecht

A la fin de ses études, alors qu’il accomplit son service militaire, Van Eetvelt atterrit un moment dans le cabinet de Gaston Geens, le président du gouvernement flamand à l’époque, qui fait partie de la même famille politique que son père. Et en janvier 1992, alors que l’idée d’un magasin de sport germe toujours dans son esprit, Van Eetvelt senior lui suggère d’aller demander conseil au CVP Paul Akkermans, alors président de Nacebo, l’organisation des indépendants et des PME dans le secteur flamand de la construction.

Il demande à Van Eetvelt junior de venir travailler chez Nacebo. Karel accepte. A 34 ans, il porte déjà le titre d’administrateur délégué. Mais, même pendant sa vie professionnelle active, il demeure un grand passionné de football. C’est ainsi qu’il annule des rendez-vous pour pouvoir assister à un match de Ligue des Champions entre son cher Anderlecht et Manchester United.

Et pendant la Coupe du Monde 2002, il raccourcit une réunion afin de pouvoir suivre le match entre la Belgique et le Brésil. Lui-même joue alors au niveau amateur. Il met un terme à sa carrière à 36 ans, après avoir été victime d’une déchirure aux ligaments croisés.

En 2004, Van Eetvelt quitte Nacebo pour rejoindre Unizo, l’organisation des entrepreneurs indépendants. Cette association défend les intérêts de tous les indépendants et des PME. Van Eetvelt y succède à Kris Peeters (CD&V), qui est devenu Ministre flamand. Unizo pâtit alors d’une image conservative et est parfois surnommé l’organisation des entrepreneurs pleurnichards.

Chez Unizo, Van Eetvelt n’est pas un homme de dossiers, mais s’affirme comme un excellent communicateur. Ses discours sont clairs, sans fioritures et vont droit au but.  » La sécurité sociale doit constituer un filet de protection, pas un hamac « , a-t-il déclaré un jour. Van Eetvelt est quelqu’un de progressiste : il est à l’écoute des entrepreneurs qui veulent s’adapter à un monde qui change et a horreur des gens qui ont des oeillères.

Contre Bart Verhaeghe

En tant qu’homme fort d’ Unizo, Van Eetvelt croise parfois des gens haut placés lors des réceptions, comme Wouter Vandenhaute, le fondateur de Woestijnvis, la firme de médias. Lui aussi est un ancien étudiant en éducation physique. Les deux hommes apprennent à bien se connaître aux alentours de 2008, au COIB. Le Comité Olympique et Interfédéral Belge est au creux de la vague et recherche des hommes d’affaires qui s’intéressent au sport, dont Van Eetvelt et Vandenhaute.

En 2014, Van Eetvelt s'est heurté à Verhaeghe, lorsque ce dernier n'a pas reçu le feu vert pour son projet Uplace.
En 2014, Van Eetvelt s’est heurté à Verhaeghe, lorsque ce dernier n’a pas reçu le feu vert pour son projet Uplace.© belgaimage

A ce moment-là, Van Eetvelt siège également au conseil d’administration de l’organisation sportive Sporta, est régent à la Banque Nationale et membre de la direction quotidienne du Conseil Socio-Economique de la Flandre. En 2010, il devient aussi administrateur de la firme pharmaceutique Omega Pharma appartenant à l’actuel président d’Anderlecht Marc Coucke. A l’époque, celui-ci est encore actif dans le cyclisme en tant que sponsor de l’équipe Lotto.

En 2014, Van Eetvelt se heurte à Bart Verhaeghe, le président du Club Bruges. Lorsque ce dernier ne reçoit pas le feu vert pour son projet Uplace, un grand centre commercial à Machelen, Van Eetvelt se dit soulagé. Unizo considère qu’un tel centre commercial à la périphérie de la ville constituerait une menace pour les commerces du centre-ville. Verhaeghe reproche à Van Eetvelt de  » danser sur la tombe des entrepreneurs « .

Van Eetvelt devient un grand amateur de cyclisme. Il demande à Merckx de lui confectionner un vélo sur mesure. Van Eetvelt pédale aux côtés de personnalités telles que Vandenhaute, l’homme fort de KBC Johan Thijs, et Kris Peeters. Mais cela ne l’empêche pas d’attaquer Peeters lorsque le vice-premier ministre du fédéral veut combattre la discrimination sur le marché du travail à l’aide de coups de fil pièges. Van Eetvelt considère qu’il s’agit d’une « proposition stupide ».

Groupe des dix

Des analystes soupçonnent une stratégie qui se cacherait derrière les déclarations de Van Eetvelt. Comme il fonce toujours tête la première, il reçoit toujours rapidement un coup de téléphone d’un cabinet ministériel qui demande des explications. Il peut alors envoyer des dossiers. Mais, au siège des chrétiens démocrates, il suscite l’émoi en 2013 en laissant entendre que,  » pour beaucoup d’entrepreneurs, la N-VA est le seul parti capable de faire changer les choses « .

A ce moment-là, la N-VA est dans l’opposition face au gouvernement d’Elio Di Rupo dans lequel siège également le CD&V. Durant cette période, Van Eetvelt fait également partie du « Groupe des Dix », l’organe de liaison entre le patronat et les syndicats. Là aussi, il montre régulièrement les dents. Pourtant, on continue à respecter profondément l’homme fort d’ Unizo.

Lorsque les deux parties ne parviennent pas à s’entendre, son but ultime est toujours de trouver un compromis. En son for intérieur, Van Eetvelt perd cependant sa foi dans la concertation sociale, car il perçoit que beaucoup veulent avant tout défendre les acquis avant de chercher à aller voir un peu plus loin.

A partir de 2015, il commence à rechercher un autre boulot. Ils sont nombreux à vouloir miser une petite pièce sur la politique ou le monde du sport. Van Eetvelt participe à des triathlons sprint et possède désormais quatre vélos de la marque Eddy Merckx. Il continue aussi à s’intéresser de près à Anderlecht. Il prie sa fille de ne pas inviter à la maison de petit ami avec une écharpe bleu et noir.

Au sein du groupe de construction Matexi, où il siège également au conseil d’administration, Van Eetvelt entre en contact à partir de 2017 avec Jo Van Biesbroeck, le manager opérationnel d’Anderlecht, qui entre cette année-là au sein du même conseil d’administration.

Macron et Obama

Toujours en 2017, Van Eetvelt quitte Unizo. Il rejoint Febelfin, la fédération belge du secteur financier, dont son ami et compagnon de route à vélo, Johan Thijs, est le président. Van Eetvelt surprend tout le monde avec ce transfuge, car il n’a aucune affinité avec le côté technique du secteur bancaire. Les banques ne semblent d’ailleurs pas disposées à l’accepter.

Après avoir reçu au préalable des propositions de l’Open VLD et de la N-VA, Van Eetvelt retourne en politique en 2019. Le CD&V organise des élections à la présidence et Van Eetvelt se dit qu’il pourrait bien être l’homme du renouveau pour sortir le parti de l’impasse. Mais il aimerait que tous les rangs, au CD&V, convergent vers sa personne. Et cela ne semble pas être le cas.

Van Eetvelt commence alors à se tourner vers un nouveau mouvement politique. Il adore  » le charisme, les prises de position et le sens de la communication  » de l’ancien président américain Barack Obama et les discours qui ont permis à Emmanuel Macron d’être élu président de la France en 2017. Van Eetvelt rêve d’une nouvelle forme de politique qui tournerait autour de la participation citoyenne. En début de cette année, il a révélé ses plans dans le journal De Morgen.

Onze jours après la publication de cette interview, on apprend que Van Eetvelt va rejoindre l’Anderlecht de Coucke. Il opte de nouveau pour une organisation qui est sur la défensive. Vandenhaute le conseillera dans ses nouvelles fonctions. Car, même si Van Eetvelt a l’expérience du management, il débarque de nouveau dans un monde dont il ne maîtrise pas toutes les subtilités sur le bout des doigts. En revanche, il n’a pas peur de communiquer devant un vaste public et d’affronter des journalistes pas toujours acquis à sa cause.

Van Eetvelt a encore joué contre Anderlecht

Karel Van Eetvelt, le nouveau CEO d’Anderlecht, n’a joué que sporadiquement en équipe Première, lorsqu’il portait le maillot du SV Bornem. Il a cependant disputé un match amical contre Anderlecht.

 » C’était en 1986 « , a expliqué Van Eetvelt dans Sport/Foot Magazine.  » Theo Custers défendait les couleurs de Bornem, à l’époque et dans les rangs d’Anderlecht, on trouvait des joueurs comme Juan Lozano, Arnor Gudjohnsen et Franky Vercauteren.  »

Vercauteren est aujourd’hui l’entraîneur principal d’Anderlecht.  » Je lui ai bien sûr posé la question, mais il ne se souvient évidemment pas qu’il a un jour joué contre moi.  » ( il rit)

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire