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« Je joue pour me faire plaisir »

Programmé pour réussir à l’Aspire Academy, Lazare Amani a découvert le foot pro à Eupen, l’an dernier. Le jeune Ivoirien (19 ans) est l’un des plus grands talents du club mais peine encore à s’imposer comme titulaire.

C’est sur la pointe des pieds que Lazare Amani a débarqué à Eupen l’été dernier. Rapidement, la Pro League a découvert un joueur plein d’audace pour qui les passes et les courses n’ont qu’un seul objectif : rejoindre le but adverse.

Peux-tu revenir sur les circonstances qui t’ont amené à rejoindre l’Aspire Academy ?

J’ai commencé à jouer au foot dans la rue, avec des amis. Vers 12 ans, j’ai participé à une détection régionale d’Aspire Academy. De là, j’ai été à la sélection nationale et j’ai été repris pour un stage au Qatar, à Doha, avant d’intégrer l’académie au Sénégal.

Comment était la vie là-bas ? Vous viviez en vase clos ?

On peut dire ça. Tous les 15 jours, le lundi, on avait le droit de sortir pour faire quelques courses. 3 ou 4 heures, pas plus. Pour le reste, c’était football, football, football.

Vous étiez programmé pour ça. Avec le rêve de devenir joueur pro.

Évidemment, on savait qu’on avait gros à jouer. Je ne dis pas ça parce qu’on nous mettait de la pression mais plutôt parce qu’on savait qu’on avait une chance incroyable d’y arriver avec les conditions dans lesquelles on baignait.

« Eupen, c’était l’objectif de tout le monde à l’Académie »

Eupen, ce n’était pas un club totalement inconnu pour toi quand tu y signes l’an dernier.

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Non, à l’Académie, c’était l’objectif de tout le monde. On était préparé pour un jour intégrer l’équipe. Régulièrement, on nous tenait informé des résultats du club. Je savais par exemple que l’équipe avait manqué la montée trois ou quatre fois.

Mais quand tu signes, tu découvres le monde pro et le championnat belge. Quelque chose de bien différent ?

Oui. Je ne m’attendais pas à ça. Pour moi, c’est un championnat très physique, j’ai dû m’adapter. J’ai commencé la saison sur le banc, une chose à laquelle je n’étais pas habitué. Mais j’ai montré au staff que j’en voulais et j’ai fini par intégrer le onze. De toute façon, je n’avais rien à perdre, que du contraire.

Cette idée de « tout à gagner », ça explique l’insouciance et l’audace dont tu fais preuve sur le terrain ?

Oui, certainement. Pour moi, jouer doit rester un plaisir. Donc je joue pour me faire plaisir, pour être heureux sur le terrain. Après, il a fallu intégrer la notion de compétition, le besoin de prendre des points mais je pense que, maintenant, c’est bon pour moi à ce niveau-là.

Ça veut dire que tu pouvais prendre du plaisir même avec une défaite ?

Oui, ça pouvait arriver. Évidemment, on veut toujours gagner, moi encore plus, mais si j’avais le sentiment d’avoir tout donné en jouant bien, je pouvais y trouver malgré tout une certaine satisfaction.

« On ne peut plus jouer de la même manière que la saison passée »

C’est à cause de ça qu’Eupen a parfois eu du mal l’an dernier et cette saison ?

Pour les jeunes, la saison passée, oui. Mais cette année, on a pris de l’expérience, donc ça ne peut plus expliquer nos difficultés. Ici, c’est plutôt les changements qu’il y a eu dans l’équipe. L’an dernier, on savait qu’avec Henry et Mamadou, une action de génie de leur part pouvait faire la différence. Cette saison, ils ne sont plus là et les joueurs qui les ont remplacés n’ont pas le même profil. On ne peut plus jouer de la même manière. Il faut le temps que ça rentre, qu’on s’adapte. Changer son jeu ne se fait pas si facilement.

Jordi Condom a souvent cherché la bonne formule, que ce soit l’an dernier ou cette saison. Et, souvent, c’est toi qui en as fait les frais dans le milieu.

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(Il souffle) Oui, c’est vrai. Il me dit qu’il veut de la présence physique et je ne peux pas lui donner tort. Mais c’est difficile parce qu’on veut tout le temps jouer et que cette excuse revenait tout le temps. L’an dernier, j’avais du mal à l’accepter mais ça va mieux cette année. J’ai compris que l’intérêt collectif passait avant le mien. Après, ça ne veut pas dire que je me satisfais de ce rôle de remplaçant.

Il y a un système qui te convient mieux ?

J’apprécie avoir un homme derrière moi et un à côté, comme Luis Garcia, car j’ai tendance à être aspiré vers l’avant. J’ai été formé comme milieu central mais j’ai rapidement été replacé comme médian offensif parce que je jouais haut.

« Je dois encore mieux choisir mes moments »

Ta fin de saison fut compliquée l’an dernier avec une longue présence loin du terrain. Le club justifiait cela par une certaine fatigue mais on évoquait aussi des problèmes d’agent.

(Il réfléchit longuement) Comment dire ? Pour être fatigué, il faut jouer tout le temps tous les matchs jusqu’au bout. Ce n’était pas mon cas. J’ai vécu une période très difficile parce que je n’étais même plus avec l’équipe A. J’ai joué avec les Espoirs, pendant un mois. Mentalement, c’était dur. Mais ça m’a aussi permis de comprendre certaines choses. La direction fait son travail, le coach fait son travail et les joueurs le leur.

Ça t’a permis de grandir ?

D’une certaine manière, oui.

Et dans le jeu, où dois-tu encore progresser pour devenir un titulaire incontestable ?

Je dois arriver à savoir quand jouer vers l’avant, quand temporiser. Je dois mieux choisir mes moments. Je suis parfois encore trop dans la facilité.

Selon Transfermarkt, tu es évalué à 1,3 million d’euros, ce qui fait de toi le joueur avec le plus de valeur derrière Eric Ocansey. Tu le savais ? On te fait comprendre au club que tu as un gros potentiel ?

Non, je ne le savais pas. À vrai dire, je m’en fous un peu. Ce ne sont que des chiffres, ça ne veut rien dire du tout. Vous pouvez avoir un joueur hyper talentueux mais qui aura moins de temps de jeu qu’un autre. Sa valeur marchande ne grimpera pas alors que le talent est là. Je trace ma route sans m’en préoccuper.

par Julien Denoël

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