Jacques Sys

Hernán Losada, le romantique réaliste

Jacques Sys Jacques Sys, rédacteur en chef de Sport/Foot Magazine.

Cette saison, le Beerschot s’est métamorphosé. Il n’est plus confronté à des forteresses imprenables, il n’est plus obligé de faire le jeu.

Ils ont marqué pas moins de 33 buts, plus que le Club Bruges ou l’Antwerp. Mais ils en ont également encaissé trente, plus que Waasland-Beveren ou Zulte Waregem. Cette saison, les Anversois du Beerschot sont une garantie de spectacle. Ce fut le cas samedi aussi, lors du match nul (5-5) à Courtrai. Auparavant, ils s’étaient imposés (5-2) contre le KRC Genk et (6-3) face à Saint-Trond. Le Beerschot n’est resté muet qu’une seule fois en douze matches: à domicile contre le Standard.

L’attaque fait partie intégrante de la culture du club. Dans sa volonté d’affiner son jeu, le Beerschot a déjà vu défiler de nombreux artistes au fil de son histoire. Comme Rik Coppens dans un passé lointain, ou Juan Lozano beaucoup plus tard. L’actuel entraîneur, Hernán Losada, a également prêté attention à la beauté du football durant les cinq saisons qu’il a passées au Kiel en tant que joueur, en apportant sa touche latine à l’équipe. On peut s’étonner que la presse associe aussi peu les succès du Beerschot à l’approche de l’Argentin, alors que Marc Brys est considéré comme l’architecte des résultats actuels d’OHL. Si on parle moins de Losada, c’est sans doute parce que les « vedettes » de l’équipe attirent davantage l’attention. Leurs buts détournent les spots de leur entraîneur.

Losada s’érige en romantique, mais en romantique réaliste.

Pourtant, on ne peut nier les mérites de Losada. En octobre 2019, quand il a succédé à Stijn Vreven, il a certes placé l’accent sur la défense. À ce moment-là, en D1B, le Beerschot encaissait trop de buts évitables. Losada l’a organisé, il l’a fait évoluer en 5-3-2 et a insufflé sa flamme à l’équipe, alors qu’on attribue plutôt cette qualité au fanatique Vreven. Pourtant, celui-ci n’a pas réussi à placer l’équipe sur les bons rails.

Cette saison, le Beerschot s’est métamorphosé. Il n’est plus confronté à des forteresses imprenables, il n’est plus obligé de faire le jeu. Il bénéficie de plus d’espaces en D1A. Il les exploite parfaitement. Losada s’érige en romantique, mais en romantique réaliste. Il analyse méticuleusement ses adversaires, avec son excellent staff. Toutefois, il aligne trois défenseurs et deux médians défensifs ( Ryan Sanusi et Ismaila Coulibaly) qui ne sont pas d’impitoyables conquérants du ballon. Car le jeu est orienté vers l’avant. Losada est conscient qu’encaisser beaucoup de buts est inhérent à ce style de jeu. C’est calculé. Il l’a d’ailleurs énoncé tranquillement il y a quelques semaines après la défaite (5-1) du Beerschot à La Gantoise. Ça fait partie du processus en cours. Si l’équipe encaisse autant de buts, c’est notamment parce que sa défense n’est pas des plus rapides ni des plus mobiles.

Ses succès ne font pas perdre le sens des réalités au Beerschot.

Le Beerschot est un véritable plus pour ce championnat. Même quand il mène, il continue à attaquer, sans jamais songer à se replier. Il doit beaucoup à Raphael Holzhauser. L’Autrichien a plus de mal à placer son empreinte sur les grands matches, mais il s’intègre parfaitement dans la tradition du club, grâce à son jeu flamboyant et à sa brillante technique de frappe. Il veut faire plaisir aux supporters. Et s’il ne court pas à la vitesse de l’éclair, Holzhauser pense très vite.

Ses succès ne font pas perdre le sens des réalités au Beerschot. De ce point de vue, le Kiel a retenu la leçon. Quand on a demandé à Losada s’il ne regrettait pas d’avoir laissé filer la victoire dans les ultimes secondes de jeu à Courtrai, il a répondu que son équipe ne méritait pas mieux que le match nul.

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