Guillaume Gautier

« Guardiola parle beaucoup de ses joueurs, car il sait que ce sont eux qui gagnent des matches »

Guillaume Gautier Journaliste

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Parce que les matches s’enchaînent de plus en plus vite, le football oublie parfois de prendre le temps. Celui de la réflexion, qui permet de ne pas tirer de conclusions définitives au bout d’une mauvaise passe. D’une série noire qui peut parfois durer près d’une saison. D’un départ de rêve qui tourne vite au cauchemar. Qui se rappelle encore qu’il y a quelques mois, les mérites de Karim Belhocine étaient vantés en comparaison avec le football épuisé de la fin du règne de Felice Mazzù dans le Pays Noir? Aujourd’hui, l’équation s’est presque renversée, au point de se demander si le coup d’envoi spectaculaire de la carrière de T1 du premier n’est pas à mettre au crédit des bases solides installées au fil des ans par le second. Comme souvent, la vérité est probablement entre les deux. Dans la subtilité et la nuance. Deux mots qui semblent avoir quitté les pelouses et rangé les crampons au fond du sac.

Après tout, n’ont-ils pas même enterré Pep Guardiola? Deuxième de Premier League et sorti par Lyon en quarts de finale de Ligue des Champions, le Catalan s’est vu classé dans le rayon des has been quand son début de saison frileux semblait l’éloigner d’un nouveau titre anglais. Tout le monde avait déjà oublié les 198 points en deux ans, négligé le changement de cycle qui s’opérait dans le noyau des Citizens et laissé de côté le rythme infernal auquel sont soumis les clubs anglais depuis toujours, encore accéléré par les conséquences de la pandémie.

Ce respect pour le travail d’autrui n’est-il pas le facteur qui amène Guardiola à s’adapter plus que de raison lors de ses duels de Ligue des Champions?

Aujourd’hui, en bouclant une série de vingt victoires consécutives contre le West Ham d’un David Moyes de retour en grâce après s’être pris les pieds dans le tapis de la succession de Sir Alex Ferguson, Pep est revenu au sommet. Chassé du trône, Jürgen Klopp reçoit plus de pots que de fleurs, alors que les Reds doivent composer avec une défense plus fournie à l’infirmerie que sur la pelouse. Liverpool chancelle sans sa charnière, tandis que City brille depuis que Rúben Dias a solidifié la sienne.

Pep Guardiola
Pep Guardiola© BELGAIMAGE

« On a beaucoup d’argent, pour acheter beaucoup de joueurs incroyables », lâche Guardiola quand un journaliste l’interroge sur la recette de cette exceptionnelle série de victoires. Certains y verront forcément de la langue de bois, comme quand l’ancien coach du Barça met en avant les qualités exceptionnelles de chaque adversaire qu’il s’apprête à rencontrer, rehaussant ainsi indirectement le prestige de ses succès. Mais peut-être est-ce sincère? L’amour du jeu ne peut-il pas suffire pour vanter, sans calcul médiatique, le jeu vertical du ‘Gladbach de Marco Rose ou l’intensité exceptionnelle de l’Atalanta de Gian Piero Gasperini? Ce respect pour le travail d’autrui n’est-il pas le facteur qui amène Guardiola à s’adapter plus que de raison lors de ses duels de Ligue des Champions, là où le nombre de talents sur la pelouse est forcément en croissance exponentielle?

Pep Guardiola parle beaucoup de ses joueurs. Il aime raconter les qualités hors normes de l’un, l’abnégation sans faille de l’autre. Parce qu’il sait que ce sont eux qui gagnent des matches. En bon élève, Vincent Kompany s’est inspiré de son maître, et protège systématiquement ses hommes, parfois à l’excès. Dans la salle de presse de Sclessin, où le coach des Mauves avait en outre l’avantage d’avoir les trois points dans les poches, le contraste avec le discours de Mbaye Leye avait des allures de grand écart.

Au moment de désigner les responsables, le Sénégalais s’est tourné vers son vestiaire. Avant de finalement s’inclure dans le lot, sans jamais laisser l’impression qu’il se plaçait au premier rang des coupables. Une stratégie étonnante, dans le chef d’un coach qui semblait avoir maîtrisé les rouages de la communication plus rapidement que ceux du jeu. Parce qu’un vestiaire insulté est un vestiaire touché, et que le sursaut d’orgueil n’est pas toujours au bout de la manoeuvre. Est-ce encore une sortie maîtrisée, ou le début d’un dérapage incontrôlé?

Quand chaque mot est décortiqué, chaque mouvement collectif épié, l’erreur n’est jamais bien loin. Et dès qu’un faux pas succède à un autre, c’est le début des conclusions hâtives et du déclin annoncé. La vie d’un coach est finalement celle de Sisyphe: le moindre relâchement éloigne le rocher du sommet de la montagne, et la chute est bien plus rapide que l’ascension.

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