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Grande gueule arrogante ou « mec bien »? Découvrez la face cachée de Noa Lang

Ceux qui côtoient Noa Lang le disent: il donne parfois une fausse image de lui-même. Philippe Clement, Nourdin Boukhari et Coen van der Hoeven évoquent le talentueux numéro 10 du Club Bruges.

Arrogant, rebelle, égoïste… Trois étiquettes qui collent à la peau de Noa Lang depuis le début de sa jeune carrière. Pourtant, en neuf mois en Belgique, il a laissé une tout autre image que le portrait qu’on dresse de lui aux Pays-Bas. Oui, c’est un gamin issu de la rue, un rebelle qui sait ce qu’il veut, « une grande gueule », comme dit son beau-père, Nourdin Boukhari. Mais Lang est avant tout chaleureux et attachant, critique envers lui-même et ouvert aux remarques. C’est aussi un garçon sensible qui a besoin de confiance. « Il est très important qu’on soit honnête avec lui. Si c’est le cas, il le sera aussi », affirme Philippe Clement. « Il est arrivé que je le critique lors de séances de théorie. Il l’a admis, il accepte tout, car il est là pour apprendre. Mais plus que les autres, il a surtout besoin de sentir la confiance. Dans ce cas, il donne le meilleur de lui-même. Sinon, il se referme. »

Il veut toujours progresser: il ne supporte pas la défaite. »

Nourdin Boukhari

Lang est avant tout un garçon ouvert et joyeux, pas du tout renfermé. Coen van der Hoeven, l’entraîneur qui l’a accueilli dans son académie à l’âge de sept ans, pense que c’est dû à son passage de Feyenoord à l’Ajax, le club dont il n’a jamais caché qu’il était fan, au point de se promener avec son maillot au centre d’entraînement de Feyenoord. « Oser franchir un tel pas à l’âge de treize ans et se faire traiter de tous les noms par des adultes… Ça l’a transformé, c’est à cause de ça qu’il a appris à se créer une carapace », pense Van der Hoeven.

Nourdin Boukhari, qui a fait partie du noyau A de l’Ajax pendant quatre ans, s’occupait alors de lui depuis dix ans déjà, étant donné qu’il vivait avec sa mère. « Noa peut sembler dur, mais il est très sensible. Il faut pouvoir le comprendre et l’apprécier. Clement le fait très bien: bravo à lui. »

Noa le bouillant…

Lang est un des garçons avec qui Clement parle beaucoup. « Noa a besoin de plus d’attention que certains autres. D’abord parce qu’il est sensible, mais aussi parce qu’il est très impulsif. C’est à la fois une qualité et un défaut: si on le provoque, il peut réagir de façon très émotionnelle et sortir de son match. Quand je vois qu’il commence à bouillir à l’intérieur, j’essaye d’intervenir. Nous parlons beaucoup. Et plus la relation est forte, plus je peux être dur. »

Boukhari: « Combien de fois n’est-il pas allé dormir fâché après avoir perdu contre moi à la PlayStation et cassé la manette? Il veut toujours progresser: il ne supporte pas la défaite. »

Cette Playstation, son beau-père la lui a offerte après une victoire. Lang avait cinq ans lorsque Boukhari l’a emmené sur une place pour jongler. Lang lui a demandé où il voulait en venir, car lui, il voulait tirer au but. « J’ai répondu: tirer, c’est pour les tap… de Feyenoord. Moi, je veux voir si tu as de la technique. Si tu parviens à faire dix jongles, ça voudra dire que tu te débrouilles bien et je t’offrirai une PlayStation. » Quelques jours plus tard, Lang faisait dix jongles. Le lendemain, la PlayStation arrivait à la maison. « Et il m’a demandé ce qu’il recevrait s’il faisait vingt jongles. Il a toujours aimé les défis et je n’hésitais pas à lui en proposer, pour le motiver. Mais quand il n’y arrivait pas, c’était le drame. »

Philippe Clement à propos de Noa Lang:
Philippe Clement à propos de Noa Lang: « C’est un super mec et je suis très heureux de travailler avec lui. »© BELGAIMAGE

… et Noa le capricieux

Van der Hoeven a vu Lang exploser plus d’une fois. « Il avait ses caprices et je le remettais parfois à sa place. Il faut parfois lui botter le cul, mais on peut lui faire confiance. À l’Ajax, ils ont beaucoup travaillé cet aspect des choses avec lui. Il ne voulait pas toujours défendre et il avait des passages à vide. Il levait les bras au ciel et baissait la tête, il sortait du match pendant deux minutes. Mais je ne l’ai pas encore vu faire ça une seule fois cette saison. »

Pour Van der Hoeven, c’est toujours le même joueur qu’avant. « Il a toujours très bien senti le jeu et, techniquement, c’est le joueur le plus doué que j’aie entraîné. Même les plus âgés disaient qu’il était plus fort qu’eux. »

Ce qui frappe surtout Clement, c’est sa soif d’apprendre: « Même quand il est en congé, on peut l’appeler pour lui dire ce qu’on attend de lui. » Van der Hoeven confirme: « Il s’entraînait huit fois par semaine dans son club, venait chez moi pour des entraînements techniques et prenait encore des cours de boxe. » « À l’âge de quatre ans, déjà, il posait sans cesse des questions », se souvient Boukhari. « Le soir, il regardait le match et le lendemain matin, il faisait les mouvements qui l’avaient marqué. »

Boukhari n’oubliera jamais le premier contact avec son beau-fils. « Hey, mais je le connais: il joue à l’Ajax », avait lancé celui-ci. « Quand il ne jouait pas au football, il lisait. Il avait une BD qui parlait de football et que je devais lui lire avant qu’il aille dormir, un livre sur l’histoire de l’équipe nationale de 1970 à 2000 et un sur l’Ajax. Il savait véritablement tout de ces équipes. Quels matchs elles avaient joués et à quelles dates, le score, le nom de l’arbitre, les cartes jaunes et rouges, etc. C’est comme ça qu’il m’avait reconnu: il m’avait vu dans le livre de l’Ajax. Quand je lui parlais d’un match, il répondait: Oui, je sais, vous avez gagné 4-1. Et il citait les noms des buteurs et les minutes des buts. »

Jouer les durs

Lang est du genre à avoir un avis sur tout. « Certains disent que ce n’est pas très malin et c’est vrai qu’on le juge parfois là-dessus, mais il y a déjà tellement de gens qui passent inaperçus dans le monde du football. », estime Van der Hoeven. « Noa est comme il est sur le terrain comme en dehors. Il n’a pas suivi de cours de communication. »

Clement travaille cependant avec lui sur ce point. Avant le match d’Europa League face au Zenit, il l’a pris à part pour lui dire qu’il allait participer à la conférence de presse d’après-match. Il lui a dit ce qu’il pouvait dire et ne pas dire. Lang a répondu calmement aux questions, même à celles au sujet de l’Ajax. Puis il a dit fièrement à son entraîneur: « Coach, j’ai été bon, hein? Je crois qu’il y a quelques mois, j’aurais répondu différemment à certaines questions. »

Clement confirme: « Avant son arrivée à Bruges, j’ai vu des interviews de lui dans lesquelles je le trouvais trop provocateur, trop sûr de lui. Avoir confiance en soi, c’est une force, mais c’est ça qui a fait son image de garçon hautain, alors qu’il ne l’est pas du tout. Je sais comment ça va, j’ai des enfants de son âge et ils aiment jouer les durs. Passer pour quelqu’un de gentil dans les médias, c’est fade. Ce n’est pas ça que ses amis attendent de lui. Il ne faut pas oublier qu’il n’avait que 18 ou 19 ans lorsqu’il est devenu un personnage public. Aujourd’hui, il a compris qu’il vaut parfois mieux se montrer plus nuancé. »

Des avis contradictoires

D’un côté, il est dommage qu’il perde cette spontanéité, mais d’un autre, Lang apprend à se protéger. Car ce sont ces interviews spontanées qui ont donné à Bruges une image très différente du garçon qu’ils ont découvert l’été dernier. « Avant de parler avec un joueur, nous nous informons toujours à son sujet et les avis que nous recevions à propos de Noa étaient contradictoires », se souvient Clement. « D’une part, on nous dressait un portrait positif de la personne et du joueur, mais de l’autre, on nous le décrivait comme un frimeur. Quand je commence à parler avec un joueur, j’oublie ce qu’on m’a dit à son sujet, et avec Noa, j’ai tout de suite eu de bonnes sensations, même s’il était un peu réservé au début de l’entretien. À l’époque, il voulait encore rester à l’Ajax et s’y imposer. Je lui ai exposé notre façon de travailler, ma façon de voir les choses et le rôle que je lui réservais au sein de l’équipe. Au fil des minutes, j’ai senti qu’il s’intéressait à ce que je disais. Ça fait maintenant neuf mois que nous travaillons ensemble et il n’y a jamais eu le moindre problème. Il s’avère que tout ce qu’on nous avait dit de négatif à son sujet était faux. Pour moi, Noa est un super mec et je suis très heureux de travailler avec lui. »

Quand il a quitté Feyenoord pour l’Ajax à treize ans, il s’est fait traiter de tous les noms par des adultes. C’est à cause de cela qu’il s’est créé une carapace ».

Coen van der Hoeven

Il faut dire qu’en ce moment, tout va très bien pour Lang. « Il le dit lui-même: le plus difficile, c’est quand il ne joue pas », poursuit Clement. Lang n’est jamais aussi fort que lorsqu’on lui confie un rôle important, lorsqu’il sent la confiance de son entourage. « Mais ce rôle important, c’est lui qui a fait en sorte de l’avoir. On ne l’a pas installé dans un fauteuil, on travaille aussi dur ici qu’à l’Ajax. Sauf que là, il devait lutter contre une icône comme Dusan Tadic, ce qui était mission quasi-impossible. Ici, il a gagné sa place. » On dit qu’à l’Ajax, Lang se serait disputé avec Tadic et qu’il ne s’entendait pas non plus avec l’entraîneur, Erik ten Hag. « Je ne peux pas me prononcer à ce sujet. Tout ce dont je peux parler, c’est ce que je vois ici. Noa ne joue pas seulement pour lui, il joue pour gagner avec les autres, il a l’esprit collectif et est bien intégré dans le groupe. »

Coen van den Hoeven (au centre) avec Noa Lang (à sa droite).
Coen van den Hoeven (au centre) avec Noa Lang (à sa droite).

Des promesses non tenues à l’Ajax

« Quand on fait une promesse, il faut la tenir et l’Ajax ne l’a pas fait », explique Boukhari. « On lui a dit qu’il pouvait devenir titulaire, mais on a transféré des joueurs à quinze ou vingt millions pour jouer à sa place et on ne lui a pas donné sa chance. »

« Je continue à penser que c’est le joueur idéal pour l’Ajax », regrette pour sa part Van der Hoeven. « Il est lucide, audacieux, doué techniquement, il lit bien le jeu… Il a l’ADN du club, mais on ne lui a pas donné de temps de jeu. Noa n’est pas du genre à sauter de joie sur le banc quand un équipier marque. S’il ne joue pas, il a la rage. Mais qu’attend-on d’un pro? On ne lui demande pas de sourire. »

L’Ajax, il y pense toujours. Grâce à son beau-père, il connaît le club comme sa poche. Les soirs de Ligue des Champions, il ouvrait de grands yeux. « Sa mère ne voulait pas qu’il vienne, mais je lui demandais de le laisser faire, il pouvait apprendre en observant », dit Boukhari. Lang a ainsi côtoyé Zlatan Ibrahimovic, Wesley Sneijder, John Heitinga et Nigel de Jong, il est même parti en vacances avec certains d’entre eux et a dormi chez Sneijder, qui lui a offert un équipement des Pays-Bas. Et lorsque Danny Blind est devenu entraîneur, Noa, qui n’avait que six ans, jouait au stade avec son fils Daley.

L’Ajax reste donc son club de coeur. Mais il a déjà dit que tous les chemins menaient à Rome. Celui de Noa Lang passe par Bruges et, pour le moment, il s’y sent très bien. « Selon moi, le mieux serait qu’il reste encore un an », dit Clement. « Je pense que c’est aussi son avis, qu’il ne cherche pas à partir dès maintenant. Si je pensais le contraire, je parlerais avec lui, comme je le fais avec les autres joueurs qui suscitent de l’intérêt ou à qui les agents font toutes sortes de promesses. Mais Noa gère bien l’attention dont il fait l’objet. J’ai le sentiment que pour le moment, il n’a qu’une chose en tête: les play-offs. »

Par Mayke Wijnen

Schweinsteiger et le Ronaldo turc

Pendant des années, l’idole de Noa Lang n’était pas un joueur de l’Ajax. Celui qui le fascinait, c’était l’Allemand Bastian Schweinsteiger: ses passes, ses tirs de l’extérieur du rectangle et surtout, cette façon d’isoler un partenaire devant le but. « Pour lui, c’était le roi de l’assist et il adorait ça », dit son beau-père, Nourdin Boukhari. « Aujourd’hui encore, il répète qu’il préfère délivrer une passe décisive qu’inscrire un but. »

Lorsque l’Ajax a affronté le Bayern en Ligue des Champions, Boukhari, qui jouait alors à Amsterdam, a emmené Noa avec lui. « Après le match, je lui ai donné un maillot et il m’a dit: Mais ce n’est pas le tien. Alors je lui ai dit de le retourner. Je n’oublierai jamais sa tête quand il a vu le numéro 33 et le nom de Schweinsteiger. Tu le connais? ( Il rit). Il a joué au foot et dormi avec ce maillot. Il en a pris soin comme de la prunelle de ses yeux… »

Plus tard, lorsque Boukhari a joué au FC Nantes et à Kasimpasa, Lang a évolué dans les équipes d’âge du club français et de Besiktas. « En Turquie, un petit blond bouclé, ça faisait sensation. Il portait le numéro 7 et était dingue de Ronaldo. Comme il célébrait ses buts de la même façon que le Portugais, on l’a surnommé le Ronaldo turc. Ça lui plaisait beaucoup. »

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