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Frédéric Gounongbe: « Je ne voulais plus souffrir »

À même pas 30 ans, Frédéric Gounongbe est contraint de mettre un terme à sa carrière professionnelle. Mais il nourrit déjà un nouveau projet.

Même si ses paroles contiennent un petit goût d’inachevé, Frédéric Gounongbe ne reviendra pas sur sa décision : le football professionnel, c’est fini. À seulement 29 ans. Lassé des blessures, de la douleur, des rééducations diverses – et avant qu’il ne soit trop tard et que son intégrité physique ne soit mise en péril -, l’attaquant bruxellois a préféré dire  » stop « .

Son ascension aura été aussi fulgurante que sa chute est discrète et gracieuse. Il aurait pu devenir médecin comme sa maman ou sa soeur, docteur en psychologie comme son papa, chef d’entreprise puisque bachelier en commerce international, mais c’est le football professionnel qui a accueilli Frédéric Gounongbe dans ses bras, contre toute attente.

 » Devenir pro n’a jamais été une obsession  »

 » J’ai commencé le foot assez tard et devenir pro n’a jamais été une obsession « , explique-t-il.  » D’abord parce que je n’ai pas suivi la filière classique, ensuite parce que mes parents m’ont obligé à avoir un diplôme universitaire avant d’envisager autre chose. Longtemps, j’ai considéré que le foot ne serait qu’un hobby. Felice Mazzù, que j’ai connu au Léopold, a été le premier à me dire que j’avais les qualités pour jouer au plus haut niveau mais je n’y croyais pas encore…  »

Reste qu’en grimpant les échelons gentiment, l’attaquant a continué d’empiler les buts avec la même aisance déconcertante. Sa vitesse, sa taille, sa frappe du gauche : autant d’atouts qui ont plaidé en sa faveur et fait plier des défenses adverses. Woluwé-Zaventem, Zulte Waregem, le FC Brussels, Westerlo surtout et enfin la concrétisation d’un rêve : Cardiff au Pays de Galles, en Championship. Autant d’étapes qui l’ont marqué.

 » J’ai pris quelques claques mais le foot est ainsi fait. Je venais par exemple de signer à Zulte Waregem quand, le dernier jour du mercato, Francky Dury est venu me dire que j’allais être prêté à Westerlo. J’ai refusé. Si c’était pour quitter le club après deux mois de préparation, autant que je retourne près de chez moi, dans la capitale. Et j’ai fini au FC Brussels de Johan Vermeersch. La suite, on la connaît. Ceci dit, je pense que je n’étais effectivement pas prêt pour prétendre à une place au Gaverbeek, avec les Thorgan Hazard, Mbaye Leye, Junior Malanda, … « 

Le médecin m’avait prévenu que la moindre rechute pouvait être fatale. Je préfère donc arrêter plutôt que de ne plus pouvoir marcher dans quelques années.  » – Frédéric Gounongbe

 » J’ai marqué un but inoubliable contre Sao Tomé  »

Au stade Machtens puis au Kuipje, Gounongbe démontre qu’il n’est pas devenu pro par hasard. Il réussit un doublé contre le Standard qui fait du bruit puis débute en équipe nationale du Bénin. Tout roule pour lui.

 » Mon premier but en équipe nationale restera à tout jamais mon meilleur souvenir dans le football. Même si je suis né en Belgique, je connaissais l’Afrique puisque j’ai vécu dix ans au Sénégal durant mon enfance après que mes parents y avaient été affectés. Le jour de ce match contre Sao Tomé, il y avait une ferveur exceptionnelle. Certains supporters couraient après notre bus, d’autres le suivaient en mobylette. J’ai inscrit ce jour-là l’un des plus beaux buts de ma carrière d’une superbe reprise de volée.  »

Des souvenirs, Frédéric Gounongbe en a une brouette malgré son âge. Des bons ou des mauvais. Comme les longs mois où il ne fut pas payé quand il jouait au FC Brussels et qu’il se demandait comment il allait payer ses factures. À l’opposé, pour l’un de ses derniers matchs officiels, il était titulaire face à Newcastle sur la pelouse de St James Park, temple du foot anglais.

 » Malheureusement pour moi, ces derniers mois à Cardiff ont été souvent placés sous le signe de la souffrance. Neil Warnock, qui coache toujours Cardiff actuellement, m’avait pourtant balancé en réserve dès son arrivée en octobre, en remplacement de Paul Trollope. Mais il est venu me voir à l’oeuvre en réserve et a été impressionné. La semaine suivante, j’étais titulaire.  »

 » J’ai vécu un long chemin de croix  »

 » En novembre 2016, je me suis occasionné une déchirure du ligament de la symphyse pubienne. Cette blessure, je la ressens encore aujourd’hui, alors que j’ai été opéré deux fois, que j’ai suivi des rééducations à la pelle et enduré des dizaines d’infiltration. J’ai pu rejouer un peu quelques mois plus tard mais ça a relâché en décembre 2017 et j’ai su que c’était la fin même si, mentalement, il m’aura fallu quasiment un an pour me l’avouer.

Le médecin m’avait prévenu que la moindre rechute, avec ce type de blessure, pouvait être fatale. Je préfère donc arrêter plutôt que de ne plus pouvoir marcher dans quelques années. À ce moment, je le reconnais, j’ai craqué psychologiquement. Je me suis isolé dans ma bulle et j’ai touché le fond alors que le soutien du club gallois a été fantastique. Juste avant la fin de mon contrat en juin dernier, Warnock me disait encore :  » Fred, si tu veux continuer, je te suis. On va en Premier League.  »

Il aurait été prêt à m’offrir un nouveau contrat. Mais moi-même, je ne pouvais plus. Entre-temps, j’avais aussi perdu ma maman et cela n’avait fait qu’aggraver mon désarroi. Cela a été un long chemin de croix. Dommage de se dire qu’en pleine forme physique, avec un coach qui croyait à fond en moi, je n’ai pas été en mesure de lui rendre ce qu’il me donnait…  »

Aujourd’hui, l’homme va mieux. Il a retrouvé le sourire. Papa d’une petite Naïa, âgée de cinq ans, il se partage entre Auderghem, la commune où il a tapé ses premiers ballons, et Alicante, en Espagne, où il a investi. Et il s’est lancé dans un nouveau projet lié au ballon rond par le biais de nouvelles études en gestion patrimoniale à l’ICHEC.

 » Je veux aider les joueurs à gérer leur patrimoine  »

 » Je me suis rendu compte, surtout en Angleterre, que les footballeurs vivent dans une bulle et qu’ils sont déconnectés de la réalité. J’ai lu un bouquin très intéressant,  » Retired  » d’ Alan Gernon, dans lequel il est expliqué qu’une majorité de joueurs qui gagnent de grosses sommes se retrouvent les poches vides dans les cinq ans qui suivent la fin de leur carrière. Personnellement, j’ai vu des gars qui avaient une voiture de luxe chaque semaine et d’autres qui s’achetaient une Rolex différente chaque mois…

Frédéric Gounongbe:
© BELGAIMAGE

Le problème, c’est que ces mecs-là ne sont pas préparés à ce qui les attend. Et pour certains joueurs africains, obligés de subvenir aux besoins de leur famille, c’est encore pire. Mon but est simple : gérer le patrimoine des footballeurs, les aider à faire les bons choix, à gérer intelligemment ce qu’ils gagnent. Moi, en deux ans au Pays de Galles, j’ai bien gagné ma vie et j’ai investi dans l’immobilier. J’aide déjà certains joueurs et je suis confronté à des aberrations : des factures qui traînent depuis des mois, des courriers de huissiers auxquels on ne donne pas suite. Alors que ces gars-là devraient pouvoir vivre tranquillement. Je veux être là pour eux.  »

Par David Dupont

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