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Footbelgate: et maintenant, on fait quoi?

Vous nous avez envoyé vos questions à propos de l’Opération Mains Propres. Voici nos réponses aux interrogations les plus pertinentes et les plus fréquentes.

1. Pourquoi le jugement tarde-t-il alors qu’en 1981, le Beerschot a été condamné sur base de présomptions? (Pierre Hirsch, Poederlee; Brecht Gillis, Anvers; Wouter Luyckx, Beerse; Jean-Jacques Van Aken, Knokke)

Il y a 38 ans, le règlement de l’UB stipulait qu’un club pouvait être puni sur base de « présomptions graves ou précises ». Ce n’est plus le cas.

La présomption d’innocence est un principe de base. En octobre, le parquet fédéral n’a parlé que d’indications de match-fixing. La presse a publié de nombreux articles insinuant qu’il y avait bel et bien eu corruption mais ils ne constituent pas une base de jugement. Les parties en cause ont fait appel à des ténors du barreau et l’UB doit donc monter un dossier très solide.

La fédération mène des interrogatoires tous azimuts depuis plusieurs mois. Elle a déjà interrogé 130 personnes, avec un staff réduit, pour éviter des fuites qui nuiraient à l’enquête. Si ces interrogatoires ne mènent à rien, l’UB peut chercher des preuves dans les 35 pièces de dossier mises à sa disposition par la justice. Elle n’est pas responsable du retard : le juge d’instruction a attendu, probablement pour être sûr que sa démarche ne mette sa propre enquête en danger. En fait, il a été plutôt rapide. L’UB dispose de huit ans pour prononcer des sanctions suite au match-fixing. Si le juge avait transmis ses dossiers dans cinq ans, il aurait encore été possible de punir les coupables au niveau sportif. Le juge n’est pas non plus obligé de tenir compte d’éventuelles sanctions sportives. Il aurait pu ne rien transmettre.

À souligner : même si le match-fixing est prouvé, ça ne veut pas dire que les clubs impliqués seront punis, sauf si l’UB estime qu’il implique « la responsabilité du club ». Le règlement ne précise pas les critères pris en compte. Les instances décident souverainement.

2. Pourquoi les arbitres Bart Vertenten et Sébastien Delferière ont-ils été suspendus sur base des premiers éléments mais pas Malines ni Waasland-Beveren? (Danny Wens, Brasschaat; Gil Mariën, Beveren-Waas)

Sébastien Delferière
Sébastien Delferière© BELGA

Quand le scandale a éclaté, Bart Vertenten et Sébastien Delferière étaient liés à l’UB par un contrat de travail. Le droit belge autorise un employeur à suspendre un employé. Par contre, les relations entre fédération et clubs sont régies par le règlement fédéral, qui ne prévoit pas d’interruption des activités sportives en cas d’indications de corruption.

3. Pourquoi la presse se concentre-t-elle sur Malines? Elle parle rarement de Waasland-Beveren, le match Eupen-Mouscron n’est pas clair mais ne fait l’objet d’aucune enquête. (Filip Janssen, Duffel)

Le parquet fédéral, une instance importante, a décelé des indications de match-fixing ayant pour but d’assurer le maintien de Malines. Des initiatives semblent avoir été prises en concertation avec des dirigeants de ce club. En outre, l’explication du parquet est une des rares sources officielles sur laquelle la presse peut se baser. Si le cas de Waasland-Beveren est moins clair, c’est sans doute parce qu’il n’a pas pris d’initiative, même si ça ne le disculpe pas. Deuxième explication possible : Malines compte beaucoup de supporters et intéresse donc un large public.

Le match Eupen-Mouscron fait l’objet de nombreuses rumeurs mais il n’y a pas d’informations officielles, peut-être parce que la justice s’intéressait initialement aux trafics financiers de Dejan Veljkovic, entre autres, et n’a découvert des indications de match-fixing que par hasard, pendant les écoutes téléphoniques. Il n’y a pas d’enregistrements comparables pour Eupen-Mouscron. Cela ne veut pas dire qu’on n’a pas encore enquêté à ce sujet. Parmi les 130 personnes interrogées par Ebe Verhaegen, le coordinateur d’enquête de l’UB, on trouve des personnes de Mouscron et d’Eupen. Celui-ci doit cependant faire avec les moyens du bord : il ne peut effectuer de perquisitions ni d’écoutes. Ça le prive d’un bâton dans son enquête sur ce match. Comme la justice n’a pas enquêté sur ce match, il ne trouvera sans doute rien dans les documents transmis par le juge d’instruction. Reste que Rui Pinto, le Portugais qui a divulgué les Football Leaks, a été entendu par la justice belge pendant sept heures la semaine passée. Et ce, dans un dossier concernant précisément l’Excel.

4. Dirk Huyck, le président de Waasland-Beveren, a déclaré ne pas être au courant de l’obligation de dénoncer une tentative de corruption, admettant donc implicitement avoir été approché. Cette explication suffit-elle à la fédération pour le punir? (Dirk Bossers, Schoten; Marc Van Geldere, Anvers)

Dirk Huyck
Dirk Huyck© BELGA

Les articles de presse ne constituent jamais à eux seuls la base d’une sanction. Les propos de Dirk Huyck donnent l’impression qu’il s’est produit un événement qui aurait dû l’obliger à se tourner vers l’UB mais il n’a pas dit clairement que pareil événement avait eu lieu. Huyck a été interrogé par la fédération, ce qui est plus important. Si ses réponses ne sont pas satisfaisantes, Verhaegen dispose des 35 pièces de dossier de la justice.

Le règlement stipule que « toute infraction au devoir de dénonciation entraîne des sanctions adaptées pour le club ou la personne affiliée impliquée ». Sans précision sur la nature des sanctions. Waasland-Beveren ne serait donc pas systématiquement rétrogradé.

5. La fédération est-elle impliquée et cela explique-t-il sa quasi-absence de réactions? (L. Noeninckx, Brecht)

Le seul fait acquis est que des personnes liées à Veljkovic travaillent ou ont travaillé pour l’UB. D’après Het Nieuwsblad, Veljkovic a tenté au moins à une reprise de mettre sur pied une construction financière via Chypre. Le journal a cité Erwin Lemmens, l’entraîneur des gardiens belges, mais l’UB estime que c’est une question privée et Lemmens a affirmé n’avoir jamais été rétribué de cette façon.

6. Comment une fédération peut-elle se prononcer sur le match-fixing alors que des personnes liées aux clubs cités y siègent? (Joost Staels, Rumst; Sam Raedts, Nijlen)

Peter Bossaert
Peter Bossaert© BELGA

Peter Bossaert, le nouveau CEO, considère lui-même que c’est un aspect problématique. Dans un petit pays, il est difficile de trouver des gens qui ne soient pas liés à un club tout en possédant un bagage suffisant pour maîtriser les différents aspects du football.

La fédération tente de garantir l’indépendance des membres de la commission des litiges d’appel, la première à devoir juger cette affaire. Elle a effectué une déclaration d’indépendance mais c’est toujours le comité exécutif qui nomme et limoge ses membres. Bart Verhaeghe, le président du Club Bruges, y siège, en tant que premier vice-président, alors que son club a été perquisitionné dans le cadre du volet financier de l’opération Mains Propres.

Le CBAS, la cour belge d’arbitrage du sport, qui pourrait juger l’affaire en appel, est l’objet de discussions similaires. En 2015, l’Eendracht Alost a déposé plainte, le président de l’UB, François De Keersmaecker, y siégeant. Le CBAS a estimé que c’était normal, l’UB étant un de ses principaux financiers, en qualité de plus grande fédération sportive du pays. Il doit toutefois régler de nombreux conflits impliquant l’UB. Depuis, c’est une commission dont les membres n’ont pas de mandat exécutif au sein d’une fédération sportive qui nomme les membres du CBAS. Le mode de financement n’a cependant pas changé.

7. Une éventuelle condamnation de Malines et/ou de Waasland-Beveren peut-elle engendrer une procédure qui compromette la future saison? (Karel De Meyer, Laarne)

Le règlement stipule que les clubs belges se soumettent au système disciplinaire de l’UB et acceptent l’autorité du CBAS en appel. La Pro League a repris ces points dans ses statuts. Compte tenu des enjeux financiers, il est toutefois possible qu’un club se tourne vers la justice civile. Malines a contesté la licence de Mouscron par cette voie l’année passée. Pareille démarche pourrait compliquer l’organisation de la saison. En 2007, l’UR Namur avait contesté la licence de Geel et suite au jugement, l’UB avait été obligée d’intégrer les deux clubs en D2 alors que le championnat avait déjà repris.

Par Kristof De Ryck

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